En 2023, j'ai envie de découvrir un nouveau réalisateur non-américain. Le nom d'Hirokazu Kore-eda s'est imposé de lui-même : ça fait plusieurs années que j'entends parler du "cinéma de Kore-eda", sans jamais avoir la curiosité de l'explorer. Les films du cinéaste japonais sont toujours accueillis positivement : sur quinze films réalisés, treize oscillent entre 3,4 et 4,2 sur Allociné, ce qui est assez impressionnant. Je partagerai donc régulièrement mes expériences au fur et à mesure des visionnages. Je ne pourrai évidemment pas tout voir, mais j'ai fait une sélection de sept longs-métrages qui me semblent majeurs dans la filmographie du réalisateur. Et puis, on ne sait jamais, je deviendrai peut-être un fou d'Hirokazu Kore-eda et je poursuivrai peut-être après ces sept films !
Pour ma première découverte, j'ai choisi Air Doll car ce n'est pas le film le plus acclamé du cinéaste et qu'il n'est pas trop récent (2009). De fait, j'ai apprécié mon visionnage mais je n'en garderai pas un souvenir exceptionnel non plus. Air Doll est l'histoire de Nozomi, une poupée gonflable qui, telle Pinocchio, prend vie subitement du jour au lendemain. Ne connaissant rien du monde qui l'entoure, elle explore alors les rues de Tokyo en essayant de ne pas attirer les doutes de son propriétaire, un homme qui vit seul et pour qui Nozomi représente la seule compagnie (personnelle comme sexuelle).
Air Doll est, comme on peut s'y attendre, un film sur la solitude des êtres en milieu urbain et une critique de la société dans laquelle nous vivons. Avec Her, Spike Jonze traitera ce sujet avec 100 fois plus de sensibilité et de pertinence quatre ans plus tard. Ici, à travers cette poupée d'air qui apprend à connaître le monde comme un enfant qui n'y aurait jamais mis les pieds, Kore-eda appuie (parfois avec de gros sabots) sur le message qu'il veut faire passer : dans les grandes villes, les gens perdent leur âme, leur cœur. En bref : les gens sont vides à l'intérieur, comme des poupées gonflables. Attention, cet article contient de nombreux spoilers.
Une fois ce propos parfaitement assimilé par le spectateur, le film devient très rapidement ennuyeux lorsqu'il veut nous conter les errances de cette poupée naïve et maladroite. Plus le film avance et plus le temps paraît long, notamment parce qu'il ne se passe pas grand-chose dans la vie de cet être pur. Le seul événement qui apparaît dans sa vie est l'obtention d'un travail dans une boutique de DVD, occasion pour le réalisateur de parler de cinéma à travers plusieurs films. Malheureusement, à part citer quelques titres très connus pour le simple goût de la référence (car ça n'ira pas plus loin), Kore-eda nous offre un film plus gonflant que gonflé.
Alors certes, Air Doll parvient de temps en temps à créer le malaise lorsque Nozomi se fait finalement violer par divers personnages, dont son propriétaire. Et encore, le terme est un peu fort dans le cas présent, si on considère que, pour lui, Nozomi n'est rien de plus que l'objet inanimé qu'il a toujours connu. Résultat, on se retrouve avec un film qui ne raconte pas grand-chose, à part pour insister sur la solitude urbaine. A la fin, Kore-eda ne sait tellement plus ce qu'il veut raconter qu'il termine son film dans une effusion de sang assez curieuse et plutôt mal interprétée par les deux acteurs.
Par ailleurs, je n'ai rien de spécial contre Bae Doo-na, dont je ne connais pas bien la filmographie, mais son rôle n'est ici pas si éloigné de celui qu'elle avait dans Cloud Atlas. Elle est dans le non-jeu constant, dans l'impassibilité la plus totale, et je ne trouve pas ça particulièrement intéressant. L'actrice est terriblement fade. Nozomi gagne un cœur, certes, mais elle ne le montre jamais car elle agit continuellement comme un robot, en effectuant ses gestes mécaniquement et en ne laissant jamais une seule émotion la traverser. Si je devais comparer ce personnage à un autre protagoniste célèbre du cinéma, je pense que je rapprocherai Nozomi de Leeloo dans Le Cinquième Elément. Nous avons là deux personnages similaires : deux femmes qui partent de zéro et qui apprennent, petit à petit, à découvrir le monde et à se désespérer de la nature de l'être humain. La grande différence, c'est que Leeloo est une femme sensible qui prend toute cette émotion de plein fouet, là où Nozomi semble s'en foutre pas mal. On se souviendra des larmes de Milla Jovovich, mais pas vraiment du sourire figé de Bae Doo-na.
Je tiens tout de même à préciser que le film ne m'a pas été si désagréable, même si la curiosité que j'ai éprouvée dans la première moitié a été rapidement remplacée par une certaine lassitude face à l'absence de réel propos. Cela devait-il vraiment durer presque deux heures ? J'en garde tout de même quelques scènes très poétiques et (parce que Kore-eda me le montrera sans doute mieux au cours de mes prochains visionnages) un véritable talent pour imposer une ambiance avec de jolis mouvements de caméra. De temps à autres, Air Doll est également parcouru d'atmosphères magnifiques en terme de lumières et de couleurs, il est donc évident que le style du cinéaste m'intrigue d'ores et déjà.
Voilà tout pour Air Doll qui, sans m'avoir convaincu pleinement, possède tout de même de sacrés atouts visuels. J'ai hâte de poursuivre avec le prochain, qui sera probablement Nobody Knows.