Terriblement décevant, ce film n'a pratiquement de positif que le nom de son réalisateur. Bon, j'exagère un peu mais il est clair que dans
la lignée des films de fin du monde intimistes à la mode (Melancholia, Take Shelter, Perfect Sense), celui-ci fait un peu tâche et je trouve que l'essai de Ferrara est raté.
Là où les films susmentionnés ont su trouver leur subtilité,
4h44 semble vouloir passer en force pour, finalement, faire réagir le spectateur pendant 1h20. Il est évident que le climat actuel est propice à ce style
de films et le thème de la fin du monde est devenu un sujet plus sérieux, un sujet sur lequel il faut se pencher avec plus de sensibilité. Ce genre qui semblait associé à du simple bon gros
divertissement riche en popcorn pourrait finalement faire place à des films aux propos subtils et sensibles, sans être nécessairement engagés, par ailleurs. Les réalisateurs ne jouent plus la
carte du gros spectacle fade, mais s'interrogent vraiment sur l'être humain au travers, à chaque fois, d'un simple petit groupe de personnes. La fin du monde n'apparait plus comme un problème
mondial, mais comme un problème individuel, et c'est vraiment beau. Surtout quand les émotions sont sublimées par du Max Richter, David Wingo ou Wagner.
4h44 s'inscrit un peu dans cette lignée car il nous présente la fin du monde à travers un simple couple. L'intention est louable mais le film accumule
les erreurs.
Dès le départ, le ton est donné : la fin du monde a lieu pour des raisons écologiques et c'est l'Homme qui est en cause.
Pour l'originalité, on repassera. Bon, je n'aurais pas critiqué ce choix - qui est plutôt logique en ce moment - si ce thème avait été traité avec plus de finesse, plus de subtilité. Dans ce
film, on a droit à une accumulation de citations et de paroles (parfois sorties de nulle part !) qui ne cessent d'étayer une moralisation extrêmement poussive à l'égard des spectateurs.
Abel Ferrara propose un joli panel de propos accusateurs pour rendre le spectateur coupable, ou au moins réactif. Le seul problème, c'est que
ça en devient tellement présent que j'ai été agacé. Certaines scènes sont même ridicules, comme lorsque
Willem Dafoe sort de chez lui pour
contempler la ville, lever les yeux au ciel et balancer tout un tas d'états d'âme sur les Hommes, à base de "
Comment ont-ils pu faire ça ? Pourquoi ces idiots
n'ont-ils pas réagi ?" et j'en passe. Plus que la moralisation omniprésente, c'est le moyen de moraliser qui m'a énervé. Le personnage principal a constamment sa télé allumée et des
témoignages passent en boucle : les paroles du
Dalaï Lama, d'
Al Gore, qui soutiennent
ce propos un peu lourd (car trop facile). Je n'ai pas vu grand chose de
Ferrara, mais je vais lui faire ici le même reproche que pour
The Addiction : on a droit à une avalanche de citations - provenant de personnes réputées - qui forment le discours global du réalisateur.
Mais bon dieu, n'est-il pas capable de créer ce discours lui-même, au lieu de simplement se servir des paroles des autres ? Qui plus est, la méthode est incohérente. En effet, si je me mets
quelques minutes à la place de l'humanité le dernier jour sur Terre, je ne vois aucune raison pour que les télévisions fassent défiler de telles images (juste histoire de faire souffir un peu
plus les téléspectateurs et leur rappeler qu'on a fait que de la merde ?). Non, ce petit artifice n'a pour unique but que de s'adresser au spectateur dans la salle de ciné, et absolument pas aux
protagonistes du film. Du coup, ce sentiment flagrant est gênant parce que tout ça manque cruellement de subtilité et d'implicite.
Bref, à part ça, les acteurs sont excellents (
Dafoe en tête), et on a quand même droit
à quelques passages réussis. Je les compte malheureusement sur les doigts d'une seule main car on a également des scènes incompréhensibles (Skye qui pète un câble et fait une crise d'hystérie).
Parmi les bons moments on peut notamment citer la discussion de Cisco avec sa fille sur Skype (les adieux sont émouvants), les adieux du présentateur de JT, les questionnements de Cisco sur le
suicide ou encore la scène qui précède la fin du film. Mais là encore, j'ai trouvé la fin à la fois réussie et ratée. Non pas que les bondieuseries sont à blâmer, mais
Ferrara nous sort ici le classique baratin sur la lumière blanche et Dieu, l'amour infini qui nous accueille, les images de la Vierge Marie, c'est
lourdingue. Pourquoi ne pas laisser le spectateur se faire sa propre idée sur cette lumière blanche ? Autre chose que
Ferrara impose au
spectateur et qui témoigne d'un manque flagrant de subtilité : les images superposées sur les personnages à la toute fin, pour nous montrer ce à quoi ils pensent. Quelle faute de taille ! Filmer
uniquement les yeux des personnages en nous laissant imaginer leurs pensées aurait été tellement plus fort, plus puissant. Les images superposées sont de trop... D'ailleurs, de manière générale
la réalisation est plutôt faiblarde (sauf quelques plans brillants) avec de nombreuses superpositions d'images sans grand intérêt. Bref, je ne vais pas m'étendre plus longtemps même si je le
pourrais, ce film est pour moi à éviter, même si 1h20 passent vite.