Cette semaine sera consacrée à quelques films des années 60, période que je délaisse un peu trop souvent. Galia, film de 1966 que je viens juste de découvrir, est malheureusement très méconnu. Si vous n'en avez jamais entendu parler, c'est assez logique puisque Lautner est bien plus réputé pour avoir réalisé Les Tontons Flingueurs, Les Barbouzes ou encore ses quelques collaborations avec Jean-Paul Belmondo. Dans la longue filmographie du bonhomme, Galia est donc resté dans l'ombre et il fait partie de ces petites pépites qui n'ont eu ni le succès ni la postérité qu'elles méritent. 25 notes sur Allociné, c'est en effet très faible.
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Connaissant très mal la carrière de Georges Lautner, je sais quand même que le cinéaste est principalement connu pour ses comédies cultes avec des acteurs légendaires tels que Gabin, Ventura, Blier ou encore Belmondo. Il est donc intéressant de le voir s'essayer au polar, puisque Galia est un drame plutôt noir qui n'offre que peu d'occasions de rire, bien que certains dialogues soient teintés d'une pointe d'humour malicieux.
J'y ai découvert une Mireille Darc d'une fraicheur incroyable et ce, du début à la fin : elle illumine l'écran de toutes ses apparitions. Elle y interprète Galia, une jeune femme de 25 ans qui se sent seule à Paris et regrette la ville d'Etretat. Cherchant un but à sa vie, un soir, elle jette une pièce d'1 franc dans la Seine en souhaitant ne plus être seule. Une seconde plus tard, elle entend une femme, Nicole, se débattre dans l'eau et elle la sauve de la noyade. Lorsque Nicole lui explique avoir voulu mettre fin à ses jours à cause de son mari, les deux jeunes femmes décident d'attendre de voir comment celui-ci va réagir à sa disparition.
Le casting, donc, y est sublime. Mireille Darc dégage beaucoup de charisme et son jeu plutôt naturel et spontané permet de ne jamais s'ennuyer, tandis que Françoise Prévost est parfaite avec une attitude plus insidieuse. Venantino Venantini, quant à lui, donne à son personnage une grande complexité au fur et à mesure qu'on découvre tous les aspects de sa personnalité. Grâce à ce trio de comédiens, on saisit petit à petit l'évolution des relations qui lient les protagonistes, permettant au scénario de toujours rester cohérent. J'ai beaucoup aimé, notamment, la relation entre Galia et Nicole qui démarre dans une complicité naturelle et très amusante, pour virer doucement vers le polar lorsque leurs sentiments et jalousies entrent en jeu.
L'écriture des dialogues est également à souligner, j'ai été happé dès les premières secondes par la qualité de la narration avec Mireille Darc en voix off. La plupart des dialogues et voix intérieures qui parcourent le film sont brillants, notamment lors de la présentation de Galia et des falaises d'Etretat qui permettent de se sentir rapidement très proche du personnage principal.
La réalisation et la construction du film n'ont, quant à elles, rien à envier à l'écriture des dialogues. Galia est présentée, au cours des premières minutes, par un montage très efficace qui, en quelques plans à peine, nous informe intelligemment sur l'état d'esprit de la jeune femme. Il règne une sensation de mélancolie assez palpable qui permettra de justifier les choix a priori étranges que celle-ci fera pendant la première moitié du film. L'intrigue, par ailleurs, passe subtilement d'une histoire d'espionnage intrigante et entraînante à une affaire plus sombre rappelant les thrillers d'Alfred Hitchcock. Le film va même jusqu'à nous offrir, dans son dernier acte, une séquence de rêve hallucinatoire très (inat)tendue.
En plus de tout ça, Lautner a l'audace de faire de sa muse (Mireille Darc) un symbole de libération sexuelle deux ans avant la révolution culturelle de mai 68. Galia a effectivement suscité la polémique en son temps avec sa vision extrêmement moderne ; la jeune femme communiquant à la fois une idée de liberté et une sensualité discrète, choisissant ses amants, multipliant les conquêtes et n'hésitant pas à s'afficher seins nus pour quelques scènes.
Bref, j'ai adoré Galia et je pense qu'il mériterait une meilleure visibilité près de 60 ans après sa sortie. C'est un agréable moment qui change à la fois des comédies romantiques classiques du cinéma américain de l'époque, mais aussi des expérimentations de la Nouvelle Vague qui commençaient à prendre une grande place dans le cinéma français.