Autant en emporte le vent - de Victor Fleming - Critique

Autant en emporte le vent - de Victor Fleming - Critique

      Un jour ou l'autre, il fallait que je découvre enfin l'un des plus grands films de tous les temps, ce chef d'œuvre monumental et absolu que tout cinéphile se doit de contempler et d'aduler. Je préfère prévenir : je n'utiliserai aucun superlatif de ce genre pour décrire mon expérience face aux 3h53 de Autant en emporte le vent. A vrai dire, je suis passablement surpris que le film figure dans le top 250 d'IMDb et qu'il soit considéré par presque tout le monde comme une œuvre culte et magnifique. Autant je peux comprendre qu'en 1939, le film ait suscité des vagues d'émerveillement, autant j'ai du mal à expliquer comment ce pamphlet raciste voire sexiste puisse être acclamé en 2023. 

 

      Est-ce que les gens l'acclament parce qu'ils considèrent réellement que c'est une belle histoire romantique sur fond de guerre de Sécession, ou est-ce juste parce que critiquer un "monument du cinéma reconnu par tous" est un peu embarrassant ? Je n'en sais rien, mais pour ma part je m'en fous : sans trouver Autant en emporte le vent complètement gerbant, je ne parviens pas à excuser ou justifier ses propos douteux. 

Tags Critique analyse explication du film

Autant en emporte le vent - de Victor Fleming - Critique
Autant en emporte le vent - de Victor Fleming - Critique

      Je vais tout de même commencer par les points positifs, car il y en a évidemment. Difficile d'obtenir 8 Oscars sans avoir un minimum de prestige, et il faut admettre que d'un point de vue strictement visuel et technique, Autant en emporte le vent en jette plein des yeux. Si on cherche du grand spectacle, on est effectivement servis avec des couleurs magnifiques pour l'un des tous premiers films en Technicolor (ce qui a participé à sa réputation). Certains plans sont d'une beauté à couper le souffle et j'ai parfois eu du mal à réaliser que le film ait été tourné il y a 85 ans. Les lumières comme les couleurs sont éclatantes et le film est objectivement très beau et très agréable pour l'œil. Ces qualités plastiques permettent de ne pas voir passer les 4 heures, notamment lors de séquences grandioses comme celle de l'incendie. 

 

      Niveau casting, il n'y a pas, non plus, grand chose à reprocher à Autant en emporte le vent. Et c'est ici que s'arrêtent mes compliments pour le film. Disons que les actrices et acteurs incarnent parfaitement des personnages problématiques, et c'est tout ce qui m'a profondément gêné dans ce film. On cite trop souvent l'Oscar attribué à Hattie McDaniel (première femme noire à décrocher la récompense) comme justification du fait que le film a été une avancée pour les Noirs dans le monde du cinéma. Malheureusement, elle obtint cet Oscar pour un rôle stéréotypé au possible, voire dégradant puisque Mammy est l'incarnation même de l'esclave ravie de sa condition. Certains têtus pourront objecter que le problème est le même sur des films comme Django Unchained, où Samuel L. Jackson a été nommé et récompensé pour son rôle, sauf que le propos de Django Unchained était très clair du début à la fin. Autant en emporte le vent ne peut pas en dire autant...

 

Racisme et partisanisme sudiste

 

     Le film commence au bout de quasiment 10 minutes par un texte défilant, et le ton est directement donné en ces quelques lignes :

 

Autant en emporte le vent - de Victor Fleming - Critique
Autant en emporte le vent - de Victor Fleming - Critique

      Dès le début, je n'ai pu réprimer une grimace et des froncements de sourcils devant ce que je lisais. Je n'avais jamais compris le sens du titre Gone with the wind, et je n'aurais jamais imaginé qu'il puisse être celui-ci. A moins que je sois complètement idiot, ce texte évoque tout simplement la nostalgie du temps des esclaves et la tristesse d'avoir perdu ce monde béni, cette civilisation emportée par le vent... (points de suspension pour souligner à quel point c'est regrettable). Si, pendant les 15 premières minutes, j'ai douté de mon interprétation de ces lignes, la suite du film ne fera que confirmer cet arrière-goût désagréable.

 

      Pendant 4 heures, on suivra les affres de ces "pauvres" esclavagistes, notamment la fameuse Scarlett O'Hara dont j'ai si souvent entendu parler comme d'une héroïne forte et touchante. Je dois dire que je suis tombé de haut lorsque j'ai constaté que ce personnage était l'un des plus antipathiques qu'il m'ait été donné de voir au cinéma. Nous en reparlerons plus bas cependant, car je souhaitais tout d'abord mentionner le racisme visible dans Autant en emporte le vent. On suit donc les tourments de ces sudistes, puisque le film choisit de nous raconter l'histoire d'un point de vue sudiste (prônant l'esclavagisme), qui sont tristes et en difficulté parce que de méchants Yankees tentent de renverser leur situation privilégiée. Les esclaves présentés dans le film sont soit heureux de leur condition, soit totalement bêtes, comme cette pauvre Prissy décrite comme une simplette, zozotant et baragouinant un anglais approximatif. Ceux qui travaillent de force dans les champs de coton ne se plaignent pas et le réalisateur a une fâcheuse tendance à les présenter devant un magnifique coucher de soleil, avec de belles couleurs orangées comme pour montrer l'ambiance chaleureuse qui régnait en ces temps anciens. 

 

      Pendant l'intégralité du film, on nous présentera les Yankees comme de grands méchants, et je ne comprends pas comment un film tourné 75 ans après la guerre de Sécession ait pu soutenir un tel propos assez nauséabond. Alors je comprends, certes, l'idée de vouloir nuancer une période historique au cinéma. Je comprends que, sans doute, il existait d'horribles Yankees sanguinaires et de gentils propriétaires d'esclaves. Mais bordel, le film en fait une généralité et appuie tout ça pour nous faire croire que les nordistes ont honteusement mis en péril une civilisation qui vivait paisiblement. C'est complètement fou, et je ne pige pas comment ce film peut être érigé comme œuvre intemporelle et magnifique. Le fond est clairement raciste en plus d'être pro-sudiste, et on nous écrit noir sur blanc qu'il s'agit d'un lointain rêve disparu... Et ça convient à tout le monde ? 4,1 de moyenne de Allociné ? Je suis perdu.

 

Une jolie romance ?

 

      Je ne vais pas passer 2 heures à expliquer toutes les raisons qui poussent à penser que Autant en emporte le vent fait preuve de racisme pendant ces 4 heures, d'autant que certains l'ont déjà fait bien mieux que moi (Durendal pour ne pas le citer, avec une éclatante démonstration de 1h45). Ici, je ne voudrais pas prétendre avoir analysé ces quatre heures de fond en comble, je cherche juste à faire état de l'expérience que j'ai vécue pendant mon visionnage.

 

      Voyant que le film n'était pas particulièrement intéressant d'un point de vue moral, je me suis dit que la "merveilleuse histoire d'amour" sauverait au moins les meubles, d'autant que Clark Gable a une classe incroyable dans le film. Malheureusement, là aussi il va falloir m'expliquer où se trouve la romance car de toutes les histoires d'amour qu'on nous présente dans ce film, pas une ne possède un fond de romantisme. Tout ne tourne qu'autour de Scarlett O'Hara, personnage insupportable auquel il est impossible de s'attacher du début à la fin, tant ses choix et ses revendications ne sont là que pour montrer son côté manipulatrice. Pas un seul instant ne sera consacré à la psychologie de cette femme ni à l'origine de son comportement envers les autres. Pas un seul en 4 heures. Non, on a juste une femme qui passe son temps à jouer la princesse capricieuse ou à se plaindre de son sort, qui bute un Yankee gratuitement ou ment constamment pour obtenir de l'argent, et je vois difficilement comment on aurait pu représenter cette femme avec un œil plus misogyne.

 

       Si encore le spectateur avait été aidé pour la comprendre ! Mais ce n'est absolument pas le cas. Le tout aurait pu être rattrapé par une jolie histoire d'amour grâce à Clark Gable et son charme naturel, si son personnage ne passait pas son temps à contraindre Scarlett, en l'embrassant plusieurs fois contre son gré ou en suggérant un viol de manière tout à fait décomplexée. Littéralement, Rhett prend Scarlett dans ses bras et l'emmène de force dans la chambre à coucher en déclarant : "Non, vous n'y échapperez pas ce soir !" et, lors de la scène suivante, Scarlett s'éveille telle Blanche-Neige sous le doux cui-cui des petits oiseaux. Ma mâchoire a failli se décrocher : c'est donc de ça qu'il s'agit ? C'est donc ça, la magnifique histoire d'amour de Autant en emporte le vent ? Désillusion totale.

 

Autant en emporte le vent - de Victor Fleming - Critique
Autant en emporte le vent - de Victor Fleming - Critique

     Bref, je vais cesser cet article immédiatement car en 4 heures de film, il y aurait des milliers de choses à dire. Mais je n'ai pas envie de gaspiller mon énergie pour ce film qui, même si on le remet dans le contexte de sa sortie en 1939, s'avère tout juste passable. Au moins, je pourrai dire maintenant que j'ai vu cette œuvre, et je pourrai expliquer pourquoi elle ne figure pas dans mon top 400.

 

 

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