Il reste encore demain - de Paola Cortellesi

      Wouaw. Voilà bien longtemps qu'un film ne m'avait pas fait chavirer dans une telle poésie dramatique. Dans l'Italie de 1946, une mère de famille tente de s'en sortir en s'acharnant au travail, afin de nourrir ses enfants mais également de contenter un mari qui la rabaisse verbalement et physiquement. Je n'ai pas envie d'épiloguer sur Il reste encore demain, j'ai donc décidé d'écrire une critique minimaliste en exposant simplement les raisons pour lesquelles vous devriez courir voir C'è ancora domani, sorti en salle mercredi dernier. 

Critique analyse explication du film

     Pour le regard de Paola Cortellesi qui porte douloureusement le poids des violences conjugales subies par les femmes.

     Pour l'audace de filmer ces violences avec une légèreté dissonante, chose que je n'avais jamais vue nulle part auparavant. Pour le décalage entre ces actes de brutalité et la musique anachronique, pour cette scène de violence conjugale dansée et chorégraphiée.

     Pour l'absence de cris, de larmes, de bruitages, renforçant l'affreuse banalité de ces actes dans l'Italie d'après-guerre (et s'il ne s'agissait que de l'Italie...).

     Pour l'importance et le poids d'un tel propos au cœur d'un pays dont l'histoire est marquée par un patriarcat tenace. Pour comprendre pourquoi ce film, qui est malheureusement sorti en même temps qu'un féminicide retentissant, est devenu subitement le plus gros carton de l'année, et le 5e film le plus rentable de l'Histoire du cinéma en Italie. Mais encore une fois, il ne s'agit pas que d'Italie, car le propos est universel.

     Pour l'intelligence de ne pas avoir fait du mari un personnage abject à tout moment ; Ivano pourrait malheureusement être n'importe quel homme... Il n'est pas un cas exceptionnel.

     Pour l'impressionnant Valerio Mastandrea qui parvient à merveille à incarner ce monstre dont Delia ne peut pas s'extirper. Encore une fois, c'est sans cris, dans la maîtrise la plus totale, qu'Ivano nous terrifie. Il ne pète pas les plombs, non. Il est violent parce que cette violence est pour lui une norme, héritée de son propre père.

     Pour Romana Maggiora Vergano, pour son regard assassin, ardent, révolté, qui représentent cette jeunesse qui veut se battre pour le féminisme.

     Pour Paola Cortellesi qui, au-delà de sa performance magistrale dans le rôle principal, a également réalisé cette multitude de plans merveilleux, de travellings somptueux qui sont autant d'odes à la liberté.

      Pour ce noir et blanc magnifique.

     Pour ce thème musical que j'avais entendu dans la bande-annonce puis écouté en boucle des jours durant, qui apparaît dans le film à un moment si poignant que mes larmes ont failli jaillir sans prévenir.

     Pour ces autres musiques plus modernes : tantôt pop, tantôt rap, qui nous arrachent de cette année 1946 pour nous rappeler qu'aujourd'hui encore, tout ceci est d'actualité. Et que tout reste à faire.

     Pour ce dénouement qui m'a abasourdi. Pour toutes les surprises que le film réserve en terme de scénario.

     Pour le message global du film, qui montre l'extrême difficulté pour une femme de l'époque de revendiquer les droits les plus basiques et de s'extraire de sa condition. 

     Pour montrer également que ma phrase précédente reste valable si on supprime le terme "de l'époque", puisque tout résonne encore de nos jours à travers les conditions salariales, le patriarcat omniprésent.

     Pour cette subtilité qui fait du bien au féminisme (enfin une œuvre qui ne sombre pas dans le balourd !).

     Pour m'avoir fait vibrer, pour m'avoir surpris, pour m'avoir interrogé, ému, passionné pendant deux heures.

     Pour toutes ces raisons, allez voir Il reste encore demain.