Histoire vraie, histoire fictive ? On s'en fout,
Compliance nous présente l'expérience de Milgram au coeur d'un fast food. Certains passages pourront paraître trop gros, des spectateurs pourront même
penser que ça devient incohérent à partir d'un moment, mais quiconque s'étant déjà intéressé à l'expérience de Milgram (analysant le processus de soumission à l'autorité) sait que rien n'est trop
gros et que, dans des conditions particulières et sous l'influence d'une autorité, on peut faire faire n'importe quoi à certaines personnes, même quand ces actions impliquent de gros problèmes de
conscience. Ce film en est le reflet, et c'est terrifiant.
Avant d'aller découvrir
Compliance au cinéma, je ne m'attendais
vraiment pas à ce que le film dégénère de cette façon. La bande-annonce étant assez énigmatique, je n'étais même pas sûr que le sujet allait me passionner et je m'attendais à tout et n'importe
quoi ; je pensais même avoir affaire à un film sur les dangers des fast-foods. Le sujet m'a donc surpris et je suis resté accroché à mon siège pendant 1h30, les scènes devenant de plus en plus
tendues, de plus en plus révoltantes, de plus en plus gênantes. Le spectateur est de plus en plus scandalisé et oppressé par l'horreur à laquelle il assiste. A chaque fois que je me suis demandé
jusqu'où le film allait aller, il allait encore plus loin. L'ambiance de
Compliance est étouffante jusqu'à en devenir perverse, ce qui fait
la force de cette oeuvre inhabituelle. Sans être insurmontable, le film est choquant et certaines images restent en tête longtemps. Peu de spectateurs étaient dans la salle lorsque je suis allé
le voir, mais je suis certain que tous se sont dit plusieurs fois "
Non, ce n'est pas possible...", tant l'histoire prend des proportions effrayantes. Tout ceci est caractéristique du
film et il est évident qu'il est difficile de rester impassible devant tant de violence morale.
L'enfer de
Compliance, c'est que cette violence morale est presque
exclusivement infligée au spectateur lui-même, qui rarement ne se sera retrouvé dans une telle situation d'impuissance. Les personnages, eux, sont embarqués dans une spirale diabolique dont ils
ne peuvent pas se sortir, influencés par une autorité qui leur dicte ce qu'ils doivent faire, penser, allant jusqu'à leur faire croire que ce qu'ils font est anodin. C'est un constat hallucinant
qui a réellement été expérimenté à travers les expériences de Milgram et de Stanford et qui démontrent qu'un être humain peut perdre toute humanité, aveuglé et manipulé par une domination dont il
ne peut pas se libérer. Ce qui fait encore plus peur, c'est de penser que dans leur cas, on ne sait pas nous-même comment nous aurions réagi. Pour autant, à travers la multitude de points de vue,
le film ne pose jamais cette question au spectateur, permettant de ne jamais le placer en position de complice ou de voyeur.
Outre cette observation faite par le film, les qualités de réalisation sont également indéniables.
Craig Zobel rend l'atmosphère de ce fast-food très froide, très gênante, sans laquelle le film n'aurait pas le même propos ni la même force. Le cadre est
inquiétant, et le film joue uniquement sur les dialogues (l'intégralité du film étant pratiquement située dans la même pièce), brillamment écrits. Les répliques font mouche à chaque fois,
quelques unes d'entre elles provoquant un frisson de scandale dans la nuque du spectateur. Les acteurs sont également impressionnants,
Dreama
Walker en tête, qui offre une prestation émouvante et juste dans le rôle de la victime. Bref, Compliance est un film puissant et alarmant, centré sur un unique fait divers qu'il
ne convient évidemment pas de regarder en famille un soir de Noël...