Compliance - de Craig Zobel

          J'ai vu Compliance il y a maintenant deux mois, et j'en suis toujours aussi marqué. Nul doute qu'on ne ressort pas indemne de ce film, qui provoque un malaise indéniable.

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                Histoire vraie, histoire fictive ? On s'en fout, Compliance nous présente l'expérience de Milgram au coeur d'un fast food. Certains passages pourront paraître trop gros, des spectateurs pourront même penser que ça devient incohérent à partir d'un moment, mais quiconque s'étant déjà intéressé à l'expérience de Milgram (analysant le processus de soumission à l'autorité) sait que rien n'est trop gros et que, dans des conditions particulières et sous l'influence d'une autorité, on peut faire faire n'importe quoi à certaines personnes, même quand ces actions impliquent de gros problèmes de conscience. Ce film en est le reflet, et c'est terrifiant.


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             Avant d'aller découvrir Compliance au cinéma, je ne m'attendais vraiment pas à ce que le film dégénère de cette façon. La bande-annonce étant assez énigmatique, je n'étais même pas sûr que le sujet allait me passionner et je m'attendais à tout et n'importe quoi ; je pensais même avoir affaire à un film sur les dangers des fast-foods. Le sujet m'a donc surpris et je suis resté accroché à mon siège pendant 1h30, les scènes devenant de plus en plus tendues, de plus en plus révoltantes, de plus en plus gênantes. Le spectateur est de plus en plus scandalisé et oppressé par l'horreur à laquelle il assiste. A chaque fois que je me suis demandé jusqu'où le film allait aller, il allait encore plus loin. L'ambiance de Compliance est étouffante jusqu'à en devenir perverse, ce qui fait la force de cette oeuvre inhabituelle. Sans être insurmontable, le film est choquant et certaines images restent en tête longtemps. Peu de spectateurs étaient dans la salle lorsque je suis allé le voir, mais je suis certain que tous se sont dit plusieurs fois "Non, ce n'est pas possible...", tant l'histoire prend des proportions effrayantes. Tout ceci est caractéristique du film et il est évident qu'il est difficile de rester impassible devant tant de violence morale.


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            L'enfer de Compliance, c'est que cette violence morale est presque exclusivement infligée au spectateur lui-même, qui rarement ne se sera retrouvé dans une telle situation d'impuissance. Les personnages, eux, sont embarqués dans une spirale diabolique dont ils ne peuvent pas se sortir, influencés par une autorité qui leur dicte ce qu'ils doivent faire, penser, allant jusqu'à leur faire croire que ce qu'ils font est anodin. C'est un constat hallucinant qui a réellement été expérimenté à travers les expériences de Milgram et de Stanford et qui démontrent qu'un être humain peut perdre toute humanité, aveuglé et manipulé par une domination dont il ne peut pas se libérer. Ce qui fait encore plus peur, c'est de penser que dans leur cas, on ne sait pas nous-même comment nous aurions réagi. Pour autant, à travers la multitude de points de vue, le film ne pose jamais cette question au spectateur, permettant de ne jamais le placer en position de complice ou de voyeur.


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           Outre cette observation faite par le film, les qualités de réalisation sont également indéniables. Craig Zobel rend l'atmosphère de ce fast-food très froide, très gênante, sans laquelle le film n'aurait pas le même propos ni la même force. Le cadre est inquiétant, et le film joue uniquement sur les dialogues (l'intégralité du film étant pratiquement située dans la même pièce), brillamment écrits. Les répliques font mouche à chaque fois, quelques unes d'entre elles provoquant un frisson de scandale dans la nuque du spectateur. Les acteurs sont également impressionnants, Dreama Walker en tête, qui offre une prestation émouvante et juste dans le rôle de la victime. Bref, Compliance est un film puissant et alarmant, centré sur un unique fait divers qu'il ne convient évidemment pas de regarder en famille un soir de Noël...







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L
Bonjour Seb! :)<br /> <br /> Merci de m'avoir fait découvrir ce film grâce à ton blog! <br /> Dans l'ensemble je l'ai bien aimé, il n'a laissé sur le c*l. Cependant, je trouve quand même le scénario un peu trop gros, il manque vraiment de subtilité et je doute que la véritable histoire se soit réellement passée ainsi... Personnellement, je ne pense pas (et je n'espère pas) que je pourrai suivre les instructions sadiques d'un type au téléphone, même s'il se fait passer pour un flic, c'est pourquoi j'ai du mal à comprendre l'attitude des gens... Finalement, l'agent de surface du début, qui ne payait pas de mine, est le seul à avoir l'intelligence de ne pas obéir à ce qui lui semble immoral! Merci à ce monsieur de nous redonner espoir en l'humanité.
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T
J'ai regardé ce film, et connaissant les expériences de Milgram, je connais la force du rapport à l'autorité.<br /> <br /> J’ai apprécié que ce film traite de ce sujet, cependant un nombre important de points me choquent dans ce long-métrage. En premier lieu, dans toutes les expériences similaires, les sujets était confrontés directement à l'autorité, le rapport était fort, mentale, bien sûr, mais aussi physique.<br /> De plus, j'ai lu un article fort intéressant sur l'affaire &quot;Mount Washington&quot; dont est tiré ce film.<br /> Dans cette affaire, la victime s'est uniquement déshabillé, sans subir de contact physique avec ses &quot;geôliers&quot; avant que l'édifice manipulateur qu'a mis en place le faux policier s'écroule comme un château de cartes. Dans ce cas, on peut se demander jusqu'où la victime accepte de subir l'humiliation avant qu'un réflexe de préservation de son intégrité ne soit activé, forcément plus fort que la simple obéissance.<br /> Dans le film, on nous présente carrément un viol, qui dans ce contexte, aussi puissant soit le rapport à l'autorité, paraît vraiment impressionnant, voire complètement illogique.<br /> <br /> Pour bien comprendre l’expérience de Milgram, il faut savoir que le geôlier subit deux pressions bien distinctes : Le rapport à l'autorité, qui est la plus simple à comprendre, mais également un syndrome complexe qui s'enclenche après la réaction à l'autorité, et qui inhibe totalement la logique des personnes qui subissent l'expérience : sous l'escalade nerveuse qui est en train de monter, inconsciemment nous laissons les choses se dérouler tels qu'elles sont, sans moufter, tout en continuant de maltraiter les victimes. Pour ça, il faut que les geôliers se détachent complètement de la situation, qu’ils puissent se déresponsabiliser des mauvais traitement infligés.<br /> <br /> Dans l’expérience originelle, Milgram joue sur ce sentiment, et sépare intelligement la victime de son bourreau. Ainsi, aucun contact physique direct ne se créer entre eux, détachant donc l’exécuteur de ses actes : il ne peut pas voir immédiatement les conséquences de ses actes sur sa victime. Or dans le film, l’employée est directement en contact avec son bourreau, elle le suplie, le regarde dans les yeux, l’implore.<br /> <br /> Une autre incohérence beaucoup trop forte, est que le fiancé de la gérante, en tant que geôlier, s’implique physiquement dans la maltraitance de la victime, et donc doit par la même occasion se rattacher mentalement à la scène. Pour rendre logique la chose, on le fait sortir bouleversé du restaurant, et immédiatement prendre conséquence de ses actes.<br /> Or, la prise de conscience ne vient que lors de l’explication du processus de manipulation au geôlier. Avant qu’il ne s’en rendre compte, il ne s’explique pas ses agissements, et préfère les oublier (une autre partie intéressante de l’expérience de Milgan).<br /> <br /> Bref, pour moi ce film aurait pu être très bon, sur un sujet très peu exploité, mais qui malheureusement souffre d’incohérences beaucoup trop fortes pour que je l’apprécie.<br /> En faite, reprendre exactement le cadre de l’affaire pour en faire un film était en soit une mauvaise idée. Le cas s’arrétant à un simple déshabillement, il était trop léger pour en faire un film, il a donc fallut en rajouter, un peu trop. Sauf que le contexte rends incohérent une maltraitance plus forte, la manipulation continuant tant que l’ambiance le permet, ce qui n’est clairement pas le cas dans ce film.<br /> <br /> Cordialement,
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K
<br /> j'ai vraiment envie de voir ce film, pourrait on m'aider a le trouver ?<br />
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S
<br /> <br /> Le DVD sortira fin janvier !<br /> <br /> <br /> <br />
F
<br /> J'ai étudié l'expérience de Milgram au lycée et ça m'avais passionné !  Si ce film se base sur une expérience similaire alors je suis vraiment curieuse de le voir, il doit être très<br /> intéressant.<br /> <br /> <br /> Dans le même genre d'expérience, je ne sais pas si tu connais l'émission "Zone Xtrême" ou "Jeu de la mort". Il s'agit d'une expérience qui reprend les codes de l'expérience de Milgram (autorité +<br /> questions avec augmentation du voltage lorsque les réponses sont fausses) dans le cadre d'une émission (ni les spectateurs sur le plateau, ni celui qui envoie les décharges électrique ne sont au<br /> courant qu'il s'agit d'une "émission expérience"). Au lieu de se baser sur l'autorité du scientifique en blouse blanche, on se base sur l'autorité du présentateur télévisé. L'objectif est de<br /> démontrer le pouvoir d'asservissement de la télévision et c'est horrible de voir jusqu'où l'homme peut aller pour répondre aux attentes des téléspectateurs et du présentateur et de voir également<br /> la passivité des spectateurs sur le plateau qui ne font strictement rien... Très choquant et intéressant !<br /> <br /> <br />  <br />
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S
<br /> <br /> J'avais entendu parler de cette émission quand elle était passée mais je ne l'avais pas regardée parce que j'étais mal informé : je croyais que c'était une sorte de téléréalité débile. Mais<br /> j'aurais aimé suivre ça pour me rendre compte de ça !<br /> <br /> <br /> <br />