Il existe des films qu'il est impossible de transposer par écrit, et Stay fait partie de ces rares expériences exclusivement réservées au cinéma. C'est-à-dire qu'une bonne partie de sa trame et de sa construction sont dépendantes de la mise en scène et du montage. Le scénario assez simple intrigue dès le départ : un homme dépressif annonce à son psy qu'il va se suicider 3 jours plus tard. Celui-ci va tout faire pour en connaître les raisons et essayer de l'en empêcher, mais va faire des rencontres pour le moins étranges.
Le film s'amuse à perdre le spectateur pendant 90 minutes en le menant sur de fausses pistes. J'ai eu beau me creuser la tête pendant le film, envisager diverses possibilités (même les plus bateaux), j'étais à 100 lieues de deviner la fin qui explique tout de façon magnifique. Au fur et à mesure qu'on suit cette histoire, on a l'impression que la fin va être décevante et qu'elle ne pourra pas répondre à toutes ces questions en même temps, un peu comme dans Lost. Et pourtant, elle le fait, et bien. Le dénouement du film, magnifique twist final, nous offre en plus de l'émotion en rafale. J'étais sur le cul devant l'intelligence du scénario, même si j'étais également déconcerté par les zones obscures que le film me laissait encore. Je n'ai vu
Stay qu'une seule fois, donc je n'ai pas encore assimilé tous les détails, mais il est clair que c'est certainement un film à voir 3 ou 4 fois. Certaines scènes doivent prendre une puissance énorme au deuxième visonnage, comme la scène où Henry Letham se retrouve dans un club de strip-tease et se voit sur les écrans du fond en pleurant. Une scène qui, retrospectivement, est magnifique et un peu déprimante.
Ryan Gosling porte pratiquement le film sur ses épaules en dépressif mystérieux, mais ne fait pas d'ombre à
Ewan McGregor ni à
Naomi Watts qui excellent respectivement dans leurs rôles, comme à leur habitude.
Stay, qui porte extrêmement bien son nom même si on ne le cerne pas immédiatement, n'est pas seulement un bijou scénaristique.
C'est également un bijou de mise en scène et d'ambiance. Certaines scènes sont visuellement tellement belles que je me demande encore comment un réalisateur peut avoir de si bonnes idées. Les gens qui n'ont pas aimé le film (ou pire : qui le critiquent parce qu'ils ne l'ont pas compris) qualifient souvent cette mise en scène de prétentieuse. J'ai beau me torturer l'esprit, je ne comprends pas comment on peut utiliser cet adjectif pour qualifier le travail d'un cinéaste. "Prétentieux" signifierait que le réalisateur aime utiliser tous ces talents et ses idées pour "montrer tout ce qu'il sait faire". Et alors ? N'est-ce pas l'un de leurs buts ? Si je vais au cinéma, c'est en partie pour admirer tout le savoir-faire de certains artistes comme
Lars von Trier ou
Terrence Malick qui sont souvent les cibles de ce genre de critiques. Pourtant mince : s'ils savent manier la caméra et s'ils ont de brillantes idées de réalisation, je veux évidemment voir tout ça, et pas me taper une mise en scène banale sous prétexte que ça fait plus modeste. D'autant qu'ici, cette mise en scène et le brillant montage (très impressionnant) sert totalement le bon déroulement du film. Mais passons.
Stay offre des transitions fluides entre les scènes grâce à des artifices visuels magnifiques et brillants (comme de ceux qu'on a pu voir ensuite dans
Mr Nobody). La fin du film, notamment, dispose d'un montage excellent, afin de donner à cette histoire toute sa dimension émotionnelle. Le film a également une atmosphère efficace, à la fois sombre et poétique, renforcée par les personnages troublés et troublants que j'ai adoré suivre pendant 1h40.
Bref, ce film est pour moi l'un des plus gros chefs d'oeuvre de la décennie 2000-2010, brillant et sublime. Je ne comprends pas les mauvaises critiques de la presse ni la réception moyenne du public.
Stay fait partie des films qu'il est agréable de voir et de revoir sans se lasser (j'ai eu immédiatement envie de le relancer quand je l'ai fini), et qui gagne probablement en puissance et en émotion au fur et à mesure des visionnages. Un futur film culte, si vous voulez mon avis.