Pour changer du cinéma trop actuel qui prend peut-être une place disproportionnée sur ce blog, parlons d'un film bien trop peu connu à mon goût : Love Affair de Leo McCarey. Envie de découvrir une pépite oubliée ? De plonger dans les origines du film romantique au cinéma ? Vous avez été bouleversé par une histoire comme Before Sunrise ? N'hésitez pas : regardez Elle et lui sans attendre et sans lire les synopsis : le film va nécessairement vous parler et vous toucher par sa simplicité et sa beauté.
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Elle et lui, c'est l'histoire d'une femme américaine et d'un homme français qui se rencontrent sur un bateau. Cette rencontre va les foudroyer et leur faire oublier les projets qu'ils avaient envisagés dans leurs vies respectives. Ils décident alors, à l'issue de la traversée, de se retrouver 6 mois plus tard au 102e étage de l'Empire State Building. Je n'en dis pas plus, vous aurez compris qu'il s'agit là d'une histoire d'amour impossible et de la rencontre d'une âme soeur.
Oui, je sais, ce thème a déjà été abordé de manières multiples au cinéma, mais rares sont les films à le faire aussi brillamment, notamment à travers ses personnages criants de vérité. Love Affair pose un peu les bases de l'histoire romantique au cinéma, et le fait de façon particulièrement touchante. Les regards, les hésitations, les discussions, les gestes, tout sonne terriblement juste et les acteurs n'y sont pas pour rien. La complicité entre Irene Dunne et Charles Boyer transpire dans chaque scène du film, tant et si bien que Elle et lui parvient à produire un effet assez rare aussi cinéma : on y croit vraiment. Et on oublie qu'il s'agit là d'acteurs. C'est un exercice difficile, et dieu sait que de nombreux films ont lamentablement échoué dans cette entreprise, à commencer par le récent Cold War, qui a été encensé par la critique de manière totalement incompréhensible pour moi.
Elle et lui enchaîne les plans d'une beauté folle, le magnifique noir et blanc offrant indiscutablement un côté intemporel au film. Le film a beau avoir plus de 80 ans, il traverse les époques. Outre ses qualités cinématographiques indéniables à travers notamment le travail du cadre, Love Affair touche parce qu'il réunit et sépare deux êtres dotés d'une sensibilité et d'un humour qui font du bien à voir. On sent que rien n'est faux. Et puis, il y a ce sentiment que rien n'est joué d'avance même si on voudrait espérer que ça le soit.
Qui plus est, le film ne se contente pas de traiter cette histoire d'amour stricto sensu puisqu'il se permet d'apporter une profondeur aux deux personnages avec la présence d'un personnage pivot : la grand-mère du personnage principal. On assiste alors à une séquence magistralement émouvante qui, en plus de présenter un nouveau personnage attachant et de donner une âme aux protagonistes, va sceller pour de bon l'amour naissant entre les deux "âmes soeurs". Bref, le déroulement de l'histoire nous mène de surprises en surprises et nous tient parfois en haleine, jusqu'à ce final d'une incroyable puissance.
Et là, en plus du travail extraordinaire de mise en scène, il faut saluer la force des dialogues qui, pendant l'intégralité du film, nous font apprécier chacun des deux personnages de plus en plus. Le dialogue final est d'une intelligence incroyable et d'une subtilité assez jouissive, où le spectateur assiste émerveillé à des répliques "miroir" qui le font passer par divers états. Tout est d'une douceur, d'une poésie ! Deux personnages en retenue totale, à la fois incapables et obligés de se dévoiler. C'est merveilleux.
Je vous incite donc à découvrir ce film qui nous fait passer par tout un tas d'émotions sans jamais nous lâcher jusqu'à la dernière seconde, et dont la trame m'a beaucoup fait penser aux sublimes Before Sunrise/Sunset, films dont je suis secrètement amoureux. Pour celles et ceux qui veulent le découvrir, il est actuellement disponible sur Youtube, là où je l'ai moi-même découvert. Par contre, il n'y a pas de sous-titres.
À noter que le réalisateur a fait une autre version de ce film en 1957 avec Cary Grant et Deborah Kerr, beaucoup plus connu mais que je n'ai pas vu. Il n'y a, à mon sens, aucune bonne raison d'en avoir fait un remake, car la version de 1939 est un petit bijou qu'il n'est jamais trop tard de découvrir.