Parmi ces quatre films sortis ces dernières semaines, nous avons : un documentaire sur un compositeur de génie, un thriller français passionnant, une comédie d'action divertissante et un drame coréen convenable.
Ennio
(Guiseppe Tornatore)
Si vous cherchez un documentaire complet sur le travail d'Ennio Morricone depuis ses débuts dans les années 50, vous serez servis avec ce film de plus de 2h30 qui retrace avec beaucoup de détails le parcours du compositeur. Ennio est long, trop long sans doute, mais une fois le train en marche, il est difficile de décrocher du wagon. Le film passe en revue l'intégralité (ou presque) de la filmographie de ce musicien de génie, avec des images d'archives, des extraits de films et des commentaires de Morricone lui-même. Pour les non-initiés aux techniques musicales (comme moi), on apprend beaucoup de choses même s'il est parfois assez compliqué de bien saisir toute la virtuosité qui se cache derrière telle ou telle idée, mais le film parvient parfaitement à rendre compte du talent extraordinaire d'Ennio Morricone. Certains passages offrent leur lot de frissons même si, pour ma part, ce fut surtout le revisionnage de toutes ces séquences cultes du cinéma qui m'a conquis.
Sur la forme, j'ai néanmoins trouvé ce documentaire assez peu inspiré et trop linéaire. Les années défilent les unes après les autres, ce qui amène parfois une forme de lassitude. Le ton global, quant à lui, est par moments très ampoulé, ce qui a pu gâcher mon plaisir. L'ouverture et la fermeture du film, selon moi, sont de trop ; elles ne consistent qu'en une succession de commentaires de personnalités, utilisant tous les superlatifs possibles pour insister sur le génie de Morricone. Ce n'était pas nécessaire, car quiconque s'intéresse un minimum au cinéma ou aux musiques de films n'a pas besoin qu'on le persuade du talent incommensurable de ce compositeur. Mis à part ces quelques lourdeurs et ce manque de subtilité (gros plans sur un Ennio Morricone silencieux ou prêt à pleurer, avalanches d'éloges qui durent bien trop longtemps), le film reste un document passionnant.
La nuit du 12
(Dominik Moll)
Premier film de l'année que je retourne voir une deuxième fois. L'ayant beaucoup aimé la première fois il y a deux semaines, j'ai dû effectivement le revisionner pour savoir s'il méritait sa place dans mon top 300. Ce soir, j'ai donc décidé de lui octroyer ce privilège car La nuit du 12 m'a finalement marqué bien plus que ce que je pensais. Même s'il est malheureux de le formuler ainsi, le fait de voir l'intégralité du casting jouer proprement et de manière crédible est déjà un atout considérable pour un thriller français. Le film est, en effet, porté par une ribambelle d'acteurs brillants, à commencer par Bastien Bouillon et Bouli Lanners qui incarnent à merveille ces deux policiers taciturnes. Les deux personnages rendent le film palpitant. Leurs regards, leur attitude me sont restés en tête plusieurs jours. Je ne vais pas citer tout le casting mais Pauline Serieys et Camille Rutherford tirent clairement leur épingle du jeu avec deux personnages complexes, permettant de traiter le véritable sujet du film, puisque l'enquête policière ne sera finalement qu'une toile de fond pour un propos bien plus profond.
En plus d'avoir le mérite d'aborder le sujet du féminicide et des violences conjugales, La nuit du 12 le fait de manière très intelligente et adroite, sans aucune lourdeur. Contrairement à d'autres films récents dont j'ai parlé ici-même (coucou Men d'Alex Garland !), ce thriller policier de Dominik Moll ne sombre jamais dans le grotesque et l'exagération. Tout sonne juste et tout semble nous pousser à la réflexion. On ajoute à ça une musique complètement dingue et assez inhabituelle dans ce genre de films ; elle apporte une atmosphère toute particulière notamment lors des plans d'ouverture et de fermeture (qui se répondent l'un l'autre). Bref, vous l'aurez compris, je vous encourage fortement à aller découvrir La nuit du 12 en salles tant qu'il y passe, c'est l'un de mes gros coups de cœur de cette année. Elégant, sobre, efficace, subtil.
Bullet Train
(David Leitch)
Divertissement extrêmement sympathique avec un casting hors norme (certains acteurs pourtant très populaires n'apparaissent que quelques secondes), ce qui est clairement le point fort de Bullet Train. Tous les personnages sont facilement identifiables et j'ai éprouvé un plaisir primaire à voir s'affronter Brad Pitt, Aaron Taylor-Johnson, Zazie Beetz, Hiroyuki Sanada ou encore le magnifique Michael Shannon.
Le scénario est suffisamment écrit pour apporter des surprises régulièrement, si bien que je ne me suis pas ennuyé une seule seconde. Les incohérences sont justifiées par un humour absurde omniprésent et des dialogues délirants et tout ceci a suffi à me faire rire pendant 2 heures. Bien sûr, Bullet Train est loin du chef d'œuvre car il tente maladroitement de copier ses aînés (et la comparaison n'est pas en sa faveur), mais il n'en demeure pas moins un divertissement explosif de très bonne facture. Je ne pense pas le revoir un jour car il m'a semblé trop étiré sur la longueur et qu'il n'est pas assez jouissif pour qu'un deuxième visionnage s'impose. Malgré tout, c'était un putain de bon moment.
Decision to leave
(Park Chan-wook)
J'ai vu le film il y a 4 jours et j'ai pensé l'avoir adoré. Malheureusement, quelques jours suffisent parfois à savoir si un film restera gravé dans la mémoire. Pour ma part, la réponse est clairement non ; je me suis surpris à devoir relire le synopsis et revoir des images du film pour me souvenir des principaux éléments afin d'écrire cet article.
Decision to leave manque sans doute de toute l'énergie et de toute la folie dont Park Chan-wook faisait preuve il y a une vingtaine d'année avec - notamment - Old Boy, qui reste mon film préféré du cinéaste. Je suis loin d'être un spécialiste de ce réalisateur, mais je suis bien obligé de constater que chacun des films que j'ai vus après Old Boy ont tous eu deux effets consécutifs : je les ai adorés sur le moment, puis je les ai oubliés très rapidement. Mis à part Stoker, que j'avais réellement détesté, je n'ai aucun mal à dire que j'ai apprécié tous ses longs-métrages. Il y a en effet une certaine virtuosité dans cette caméra et dans cette manière non-linéaire de raconter des histoires. Decision to leave est ingénieux à plusieurs reprises sur le plan de la mise en scène, je me souviens avoir remarqué des idées de transitions merveilleuses pendant la séance. Seulement voilà, je ne sais pas si c'est de ma faute ou non, mais je n'ai pratiquement rien retenu du film. C'est bête à dire, mais je ne suis même pas certain de me souvenir comment il s'est terminé. Il m'est arrivé la même chose pour Mademoiselle, Lady Vengeance, Sympathy for Mr Vengeance... C'est très curieux. Je retiens par contre une scène sublime au sommet d'une montagne, j'étais scotché.
Bref, j'ai adoré Decision to leave sur la forme, mais il lui manque probablement un fond plus percutant. Sans propos pour accompagner la forme, difficile de ne pas trouver ce nouveau film de Park Chan-wook anecdotique.