Wouaw. Ca faisait longtemps que je n'avais pas utilisé ce "wouaw". Je ne m'en sers que rarement, généralement une fois par an, si on cherche vraiment à en faire des statistiques. Ce "Wouaw", je le réserve à des films particulièrement marquants. A des films qui savent me prendre par les émotions, sans que je ne m'y attende vraiment. Dans ses yeux fait partie ce ceux-ci. Il m'a bouleversé de toutes les façons possibles, avec ses respirations, ses regards, ses dialogues, sa douceur mélancolique. Le film argentin m'a retourné dès les premières secondes, et c'est suffisamment rare pour en faire un article tout particulier.
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Je pensais en faire un énorme article et finalement, je ne le ferai pas. A mesure que je revois certaines scènes, je me sens incapable de décrire ce que j'ai pu ressentir devant elles. Dans ses yeux porte bien son nom, en ce sens qu'il se concentre sur des détails tels que des regards, pour en faire des séquences d'une grande émotion.
Les premières minutes du film m'ont saisi comme rarement, avec une scène des plus nostalgiques. Avec juste un regard en gros plan, une scène d'adieu dont on ne saisit pas encore toute la teneur, on comprend immédiatement que le film ne va pas ménager nos émotions. La musique m'a enveloppé dans une nappe de douceur et j'ai été happé par le film dès la première image. Douceur, c'est d'ailleurs le mot qui pourrait définir la plupart des scènes de ce film, car le réalisateur prend vraiment le temps d'installer ses ambiances sonores et visuelles, sans se presser. Les 4 premières minutes m'ont bouleversé alors que je n'avais aucun contexte, aucun visage, aucun dialogue. A partir de ce moment, je suis entré dans cette histoire et je n'en suis ressorti que deux heures plus tard, complètement bouleversé par tous les éléments mis en place tout au long du film : l'histoire d'amour impossible, l'enquête policière qui hante le personnage principal, le destin de chaque protagoniste jusqu'à, même, réussir à nos émouvoir avec l'auteur de ce crime atroce.
Je ne pensais pas que Dans ses yeux me ferait un tel effet, à vrai dire. J'écris ces lignes presque deux jours après l'avoir vu, et mes sensations ne désemplissent pas. J'en garde des scènes d'une beauté folle, à commencer par la découverte de la scène de crime. A seulement 13 minutes du début, le personnage principal découvre en effet les lieux du crime, et il s'ensuit alors deux minutes qui semblent hors du temps. Lorsqu'il voit le corps de la jeune femme, il est brutalement interrompu dans ses paroles, saisi par ce qu'il a sous les yeux. A partir de cette rupture brutale, on n'entend plus que sa respiration et le spectateur semble vivre la découverte macabre avec lui. Le souffle coupé. Et c'est exactement pour ça que Dans ses yeux se démarque de tous ses homologues cinématographiques : il est imbibé d'une sensibilité et d'une délicatesse qui en font un film marquant.
Cette scène n'est pas la seule qui m'ait attrapé par les sentiments avec son travail sonore délicieux. La musique est somptueuse et permet d'appuyer des moments d'émotion qui marquent durablement. Je ne vais pas citer tous les moments qui m'ont fait chavirer car ils sont nombreux, mais l'ensemble du film garde une incroyable cohérence avec son titre. Dans ses yeux, comme je le disais, s'attarde sur des petits détails comme des regards ou des gestes, pour en faire des scènes de grande ampleur. Par exemple, le moment où Irene capte en un seul regard toute la psychologie du suspect est aussi intense que remarquable dans sa réalisation. De même, la façon dont l'histoire d'amour impossible est traitée est prodigieuse avec ses non-dits, ses regards, ses moments de flottement, jusqu'à une séquence poignante sur le quai d'une gare. Tous ces moments sonnent authentiques grâce au jeu des acteurs, notamment Ricardo Darin et Soledad Villamil qui sont parfaits dans ce combat de regards et d'émotions tourbillonnantes.
Et puis, le film n'a pas démérité son Oscar du meilleur film en langue étrangère car, outre le travail du son, de l'émotion, du casting ainsi que du scénario, Dans ses yeux bénéficie d'une réalisation et d'un montage impeccables. A titre d'exemple, il est impossible pour moi de ne pas parler de ce plan-séquence de plus de 5 minutes dans un stade qui a dû être galère à gérer avec son incroyable foule de figurants. Je n'arrive toujours pas à comprendre, quelques heures plus tard, comment ce plan a été tourné. Il démarre en vue aérienne pour se rapprocher du stade, pour ensuite passer de manière fluide à une caméra à l'épaule nous permettant de nous immerger dans l'ambiance de ce stade. Je ne sais pas comment ils ont fait, mais c'était hallucinant.
Bref, je vous conseille évidemment de découvrir Dans ses yeux si vous ne le connaissez pas. Après tout, le cinéma argentin n'est pas très populaire en France (d'ailleurs, c'est probablement le premier film argentin que je cite sur le blog), et il serait donc dommage de se priver de cette pépite dont l'émotion et la cohérence sont bluffantes d'efficacité.