L'amour et les forêts est un drame français signé Valérie Donzelli, qui s'apparente parfois à un thriller. Dans ce film, on suit Blanche, une jeune femme qui se retrouve sans le prévoir sous l'emprise de Grégoire, un homme manipulateur et violent. Je n'avais vu qu'un film de la réalisatrice avant de découvrir celui-ci (La guerre est déclarée, qui m'a beaucoup marqué) et ça me donne envie de creuser sa filmographie.
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Le film ne traîne pas et on découvre dès les premières minutes la rencontre entre Blanche et Grégoire lors d'une soirée. La fragilité dans le jeu de Virginie Efira, face à la voix caverneuse et envoûtante de Melvil Poupaud, permettent une grande crédibilité dès le départ. J'ai particulièrement aimé L'amour et les forêts parce qu'il est très efficace et qu'il permet de montrer aux spectateurs non avertis que de telles choses existent, et comment elles se mettent sournoisement en place. Ce genre de films est capable de faire taire des réflexions du type "Ohlala, si son mari est violent, elle n'avait qu'à pas se mettre avec, c'est de sa faute". L'amour et les forêts montre parfaitement à quel point un être humain (et plus fréquemment un homme) peut user de manipulation et de diverses méthodes malsaines (comme la culpabilisation) pour enfermer une autre personne dans une emprise dont il est difficile de se défaire. Au début du film, Greg est un homme qui semble tout à fait charmant, et qui use d'ailleurs de ses charmes pour arriver à ses fins. Puis, on suit le schéma classique de ce genre d'histoires ; la victime est rapidement isolée, contrainte de faire des choix qu'elle n'avait pas prévu de faire (déménager, avoir un enfant, se marier, ne plus sortir). Le loup ôte son déguisement de prince charmant et la victime est prise au dépourvu.
Au fur et à mesure, l'emprise s'installe et le film montre des scènes de plus en plus choquantes, jusqu'à un final dramatique. La réalisatrice utilise des techniques particulièrement astucieuses pour montrer que la victime est totalement soumise à cet individu. Lors des appels téléphoniques, par exemple, la voix de Melvil Poupaud n'est pas trafiquée, ni atténuée. Elle est aussi claire que si Grégoire se trouvait dans la même pièce qu'elle, juste à côté, pour montrer comme il envahit totalement son espace de liberté. Certaines scènes m'ont coupé le souffle, notamment grâce au talent des acteurs mais aussi de la tension que Valérie Donzelli parvient à insuffler en donnant au film des allures de thriller. La scène où Blanche est assaillie de questions et pleure en se raccrochant à sa bibliothèque et à ses livres est très intense. On sent toute la détresse du personnage qui, dans le désarroi le plus total, tente de trouver un réconfort avec le peu qu'il lui reste. Le talent de Virginie Efira n'est plus à prouver depuis longtemps, mais elle montre à nouveau ici une force de jeu qui permet à L'amour et les forêts de marquer durablement.
Pour qui a vécu (ou s'est renseigné sur) des histoires d'emprise psychologique, le film nous montre le point de vue de la victime et il est intéressant de voir la précision avec laquelle certains mécanismes (de culpabilisation notamment, ou de chantage affectif) sont décrits. Le scénario est, de plus, assez malin puisqu'il fait jouer le spectateur avec certains effets, comme le retour brutal de la sœur de Blanche en deuxième partie de film. En nous faisant oublier totalement l'existence de cette sœur jumelle (ce qui est un comble !), Valérie Donzelli nous place habilement dans la peau du personnage principal.
Malgré tout, j'aurais quelques réserves à émettre au niveau du comportement de Grégoire. Melvil Poupaud est exceptionnel du début à la fin, son regard est terrifiant. Cependant, l'attitude et les réactions de son personnage ne sont pas toujours pertinentes dans le cadre de sa psychologie. S'il s'agissait ici de décrire un individu manipulateur, certes, il n'est pas cohérent, par exemple, que Greg réalise qui il est. En théorie, ce genre de pervers narcissiques nient la réalité de leur monstruosité coûte que coûte, pour justement culpabiliser leur victime davantage. Certaines scènes sont donc assez étranges et m'ont fait tiquer. De la même façon, je trouve que le comportement de Blanche est trop lucide, ou en tout cas trop vite. Le personnage ne semble pas non plus nier la réalité. Elle subit les choses et on ne sent pas chez elle cette tendance qu'ont les victimes à minimiser les actes de leur partenaire, et qui les enferme d'ailleurs dans une prison mentale. Je pense que c'est finalement ce qui m'a gêné dans L'amour et les forêts : le nombre trop important de portes de sortie. On ne ressent pas la difficulté extrême qu'ont les victimes à s'extraire de leur condition, ni la profondeur de cet enfer inextricable, puisque Blanche est consciente de tout et s'offre des solutions d'évasion assez facilement. J'avais presque envie, à la fin du film, de lâcher un "C'est trop facile...".
Bref, j'ai adoré L'amour et les forêts qui s'inscrit dans une lignée de films efficaces et nécessaires, comme l'était Jusqu'à la garde. Malgré tout, quelques petits défauts viennent ternir le propos du film, qui n'insiste pas suffisamment sur la quasi-impossibilité de se débarrasser d'une telle emprise. Je vous conseille tout de même de le voir car Valérie Donzelli a été très forte pour en montrer les mécanismes.