Hardcore Henry - de Ilya Naishuller - Critique

Hardcore Henry - de Ilya Naishuller - Critique

       Premier film tourné entièrement en GoPro et en vue subjective à la manière d'un jeu vidéo, Hardcore Henry est complètement fou et je ne peux que vous inciter à le voir. Il est sorti en 2015 et je n'en reviens pas d'être passé à côté pendant toutes ces années, malgré mon envie de le découvrir depuis déjà un bon moment. Le film raconte l'histoire d'Henry, un homme qui a été ramené à la vie par sa femme, qui l'a en partie transformé en cyborg avant d'être enlevée par Akan, un psychopathe aux pouvoirs étranges.

 

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      Je n'ai jamais vécu une expérience similaire auparavant devant un film, si on exclut peut-être Enter the void de Gaspar Noé qui utilise ce principe de vue subjective pendant une bonne partie de son intrigue. Cependant, les deux oeuvres n'ont strictement rien à voir en terme de proposition cinématographique, car elles n'empruntent ni la même voie, ni le même style. Si Enter the void était plutôt un trip métaphysique et poétique, Hardore Henry est un pur film d'action bourrin et sanglant qui ne s'arrête jamais une seule seconde. Au niveau de la réalisation, on atteint des sommets de qualité visuelle assez fous ; je peux vous assurer qu'on en prend plein la gueule pendant 1h30. Le film est une immense course-poursuite qui se construit par étapes, avec parfois quelques moments de calme qui permettent au spectateur de se reposer, mais ceux-ci sont rares ! Le principe de la vue subjective est poussé à son maximum et c'est un gros délire inventif et explosif, c'est la première fois que je vois ça de manière aussi poussée et exaltante.

 

    Si vous voulez une idée de ce qu'est Hardcord Henry, il faut imaginer une vidéo de Parkour à l'ancienne tournée avec une GoPro, mélangée à un jeu de shooting de type Half-Life, le tout dans un univers complètement barré et fantastique qui ne se prend jamais au sérieux. Les idées sont folles, notamment l'inventivité visuelle qui m'a scotché à mon siège. Le réalisateur utilise son concept à 100% en explorant tout ce qu'il est possible de faire avec cette idée délirante. Et attention : il ne faut pas croire que le film est dénué d'intérêt scénaristique et qu'il est simplement "bête et bourrin", non. Certes, ça déglingue à tout va, on a droit à des giclées de sang et même à certaines scènes assez hardcore en terme de violence, mais tout a lieu dans un univers tellement fou et assumé que l'ennui ne se fait jamais sentir. Il y a de réelles idées, des choses qui vont vous surprendre. Il n'y a aucune baisse de rythme, aucun moment à jeter, aucune source d'ennui potentiel, c'est parfaitement maîtrisé de A à Z.

 

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      Le film se permet aussi un humour extrêmement bienvenu, avec quelques scènes décalées qui jouent parfois avec la musique (la scène du cheval, par exemple, ou de la chute près d'une étendue d'eau, m'ont beaucoup fait rire). L'humour est aidé par le montage, avec des cuts très astucieux qui permettent de toujours garder un rythme effréné. Par ailleurs, Hardcore Henry est incroyablement malin et bien foutu en terme de montage. La plupart des scènes sont tournées en plans-séquences, avec un sens de la chorégraphie hallucinant de précision, mais j'ai été fasciné par l'ingéniosité des cuts et des ellipses qui sont toutes fluides et ne coupent jamais le récit. Je ne comprends même pas comment ça marche vraiment, mais ça marche du tonnerre et ça crée l'illusion d'une action qui ne s'arrête jamais, sans temps mort, alors que les unités de temps et de lieu changent constamment au fil de l'intrigue, avec une diversité de décors absolument dingue.

 

     Hardcore Henry emprunte clairement aux jeux vidéos et notamment aux FPS, et je me suis revu 25 ans en arrière en 1998 ou 1999, dans ma chambre d'enfant, à jouer à Duke Nukem 3D en famille pendant des semaines et des semaines sur mon Windows 98. Outre la vue à la première personne, la construction du film se calque sur la progression d'un personnage de shooter, notamment au niveau des armes, puisque le personnage principal démarre son "aventure" avec une arme blanche complètement pourrie (ici, un essuie-glace sera la première arme utilisée par Henry) pour progressivement s'armer de plus en plus solidement. 

 

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     En dehors des jeux vidéos, Hardcore Henry rend également hommage à d'autres oeuvres du cinéma, on y retrouve du Matrix dans certaines scènes de flingue et dans les musiques, mais aussi du Kill Bill avec une séquence qui rappelle beaucoup la scène des "Crazy 88", allant jusqu'à reprendre le sol fait de carreaux blancs lumineux, j'ai beaucoup aimé ce passage. 

 

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     Qui plus est, avec tout ce que je viens de décrire, n'allez pas croire que le film ne consiste qu'à montrer des scènes de tuerie débiles sans queue ni tête, car ce serait mal résumer ce que Hardcore Henry propose en terme d'idées scénaristiques. Les personnages sont souvent inventifs, j'ai par exemple adoré l'antagoniste principal du film (Akan) et plus particulièrement sa première apparition qui surprend totalement, à un moment où on ne la voyait pas venir. J'ai adoré le fait que rien ne soit expliqué sur les "pouvoirs" d'Akan, comme si ça faisait partie intégrante de l'univers du film et qu'il n'y avait aucun besoin de tout expliquer. Le spectateur rentre dans cet univers par la force des choses puisqu'il est littéralement à la place du personnage principal, il n'y a même pas besoin qu'on nous explique les codes de cet univers original pour nous y plonger malgré tout. On n'est jamais en-dehors. Ainsi, peu de temps est perdu à discuter ou écouter des personnages, et tout passe de manière fluide car, au fond, on n'a pas besoin de davantage de détails. C'est génial.

 

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     Et puis, bien sûr, je ne vais pas spoiler mais le personnage de Jimmy est dingue d'inventivité et d'humour. Le fonctionnement de ce personnage est une idée absolument brillante qui permet au film d'étoffer son univers et de jouer encore "plus" avec son concept. Je ne peux pas le décrire ici car ce serait gâcher la surprise, mais Jimmy donne lieu à de très nombreuses surprises et il permet un renouvellement permanent de l'action. Ilya Naishuller n'a pas fait les choses à moitié : il est allé complètement au bout de ce qu'il pouvait faire et a créé un film riche en idées visuelles et conceptuelles. 

 

     Je ne vais pas en dire plus pour ne pas trop en révéler, mais si vous n'avez pas peur de la violence ouvertement montrée à l'écran (parfois gore ou rude, je préviens !) et que vous n'êtes pas fermés à l'idée de prendre une claque d'action visuelle en pleine face, alors foncez découvrir ce petit bijou qui me semble unique et prodigieux dans l'histoire du cinéma. Un bon gros délire qui tâche et qui s'avère souvent jouissif.

 

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