La zone d'intérêt - de Jonathan Glazer - Critique

La zone d'intérêt - de Jonathan Glazer - Critique

      Le film qui a obtenu le Grand Prix à Cannes et qui est en passe de recevoir d'autres récompenses aux Oscars fait beaucoup parler en ce moment. Je n'avais pas prévu de me déplacer pour le voir, mais les critiques dithyrambiques m'ont convaincu d'aller m'en faire un avis. Le film de Jonathan Glazer contient de nombreuses belles idées, mais il en manquait une : se contenter d'en faire un court-métrage. En effet, malgré le point de vue original et le côté glaçant de La zone d'intérêt, le film fait très rapidement le tour de ce qu'il a à dire et à montrer (ou pas), laissant alors le spectateur sombrer dans l'ennui lorsqu'il comprend qu'on lui répètera les mêmes idées et les mêmes propos inlassablement pendant 1h45. Je pense que je n'aurai jamais envie de revoir ce film, non parce qu'il serait insoutenable ou traumatisant, mais parce que j'ai lutté pour le terminer. Au final, ce film amène-t-il une quelconque réflexion sur quoi que ce soit ?

Critique analyse explication du film

La zone d'intérêt - de Jonathan Glazer - Critique

      Pourtant, La zone d'intérêt propose un point de vue efficace et glaçant, en choisissant de suivre une famille de nazis implantée juste derrière les murs qui cernent le camp d'Auschwitz. S'opère alors un contraste brutal entre l'image, qui montre cette famille tout à fait heureuse et ravie de sa condition, et le son qui nous laisse imaginer les horreurs perpétrées de l'autre côté par l'intermédiaire de cris, de coups de feu, d'aboiements de chiens. Une dissonance cognitive se crée chez le spectateur qui se retrouve dans la position désagréable de devoir écouter ce couple se réjouir du "cadre idéal" de leur vie, connaissant les atrocités qui se jouent en arrière-plan. Cependant, au bout de 30 minutes, le concept est entièrement assimilé et le scénario ne va jamais plus loin que cette idée de départ. S'ensuit alors une longue répétition du même schéma : on entend des sons qui nous catastrophent et, dans le même temps, les personnages n'y réagissent pas et continuent de vanter le côté merveilleux de leur situation. Le propos finit par s'alourdir au fil des minutes, notamment lorsque la mère d'Hedwig vient s'installer et visite la propriété en ne cessant de déclamer "Ohlala, on ne peut vraiment pas rêver mieux, ce lieu de vie est parfait !". C'est bon, on a compris, puisqu'on nous a déjà montré les autres personnages s'y complaire depuis 45 minutes.

 

     Visiblement, tout le monde n'a pas subi l'ennui dans lequel je me suis retrouvé à partir de ces 30 minutes, peut-être suis-je donc passé à côté de quelque chose, mais la réalisation, le montage et les éléments de scénario ne m'ont pas aidé à rester captivé. Jonathan Glazer a eu l'idée de positionner des caméras dans la propriété afin que les acteurs ne soient pas gênés par la présence des techniciens et qu'ils puissent improviser à leur guise, mais les scènes sont interminables et le côté "téléréalité" n'a pas fonctionné sur moi. Je ne pense pas que ce procédé apporte quoi que ce soit à l'intrigue, d'ailleurs si je ne m'étais pas renseigné sur le tournage de La zone d'intérêt, je ne me serais jamais rendu compte de ce choix technique. Pire que ça, je trouve que la contrainte du plan fixe dessert le film, mais aussi le jeu des acteurs, puisqu'on interdit à la caméra de faire des gros plans ou de créer une vraie distance et/ou proximité avec les personnages. L'idée de suivre et de se rapprocher des enfants de cette famille était intéressante, mais les problèmes que ça pose en matière d'éducation sont à peine évoqués.

 

     Au-delà de ça, le film casse parfois complètement ce principe de caméra fixe avec des champs / contre-champs sans intérêt, comme cette conversation du couple dans leurs lits, où n'est montré à l'image que le personnage qui parle, créant un effet de ping-pong un peu bête. La cohérence visuelle est également rompue lorsque la caméra s'aventure dans le travelling latéral à plusieurs reprises, esthétisant alors certaines situations de manière injustifiée. En effet, si ces travellings avaient pour vocation de souligner la taille effrayante du camp, alors les plans me semblent trop courts. On a donc, au final, simplement suivi un type pousser une brouette. J'ai lu que Jonathan Glazer et son directeur de la photographie Łukasz Żal avaient souhaité éviter à tout prix d'esthétiser le film. Pourquoi alors rendre certains plans formellement si beaux à travers une symétrie irréprochable ou des travellings minutieusement étudiés ?

 

La zone d'intérêt - de Jonathan Glazer - Critique
La zone d'intérêt - de Jonathan Glazer - Critique

      Quelques autres idées sont, par contre, magnifiques. Je pense à ces séquences en négatif (ce noir et blanc inversé), illustrant une jeune polonaise ainsi que des pommes qui deviendront l'objet d'un drame en toile de fond. Ces scènes permettent de remettre l'humain au centre de l'image, comme si cette fille s'illuminait de l'intérieur, en opposition aux passages sur la famille Höss où l'humain est clairement relégué au second plan, étouffé derrière un mur. L'esthétique de ces images m'ont, de plus, rappelé l'époque où, tout petit, je m'émerveillais en regardant des diapositives formées par des négatifs de pellicule. Parfait pour évoquer le devoir de mémoire, tout comme la séquence finale que je ne révèlerai pas ici mais qui s'avère être une excellente manière de conclure le film.

 

     Pour résumer cet article, je dirais que La zone d'intérêt est une proposition de cinéma réfléchie et originale, qui parvient parfois, en dissimulant le drame, à le rendre bien plus fort que s'il était montré frontalement comme dans la plupart des films sur le sujet. Malheureusement, cette idée brillante aurait été bien plus impactante sur une durée moindre, dans le cadre d'un moyen-métrage par exemple, car le film tourne rapidement en rond et devient extrêmement répétitif voire gonflant, car il n'a rien d'autre à raconter. Même si je reconnais, donc, les qualités formelles de La zone d'intérêt, je me suis beaucoup ennuyé et je n'ai pas saisi tous les choix de mise en scène qui m'ont sorti du film à de multiples reprises.

 

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O
Je n'ai rien trouvé de répétitif dans le film. Et je ne crois pas qu'il faille attendre un véritable effet de cette image de téléréalité. Cela donne une ambiance certes, mais cela donne surtout un sens, polysémique qui plus est. De même, pour ne prendre que cet exemple du champ contre-champ concernant le couple, cela fait sens. Jamais il ne sont vraiment ensemble. Là ils sont donc montrés séparément alors que le soir, au lit, le caractère intime de la situation pourrait au contraire pousser à les montrer dans leur union. L'autre scène qui les montre tous les deux, c'est au bord de la rivière et s'ils sont tous les deux dans le cadre, on les voit de dos, sans davantage de compassion, d'amour, d'intérêt l'un pour l'autre. D'ailleurs, elle annonce qu'elle préfère rester seule.
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S
Tu n'as pas trouvé que le film étirait sur 1h45 la même idée sans vraiment la dépasser ? C'est en ce sens que je l'ai trouvé répétitif.