Ayant enfin un peu de temps à consacrer au visionnage des six derniers films du concours, j'ai continué ma course avec Stéphane, sorti en 2023. Ce film de 1h15 est le premier long-métrage de Timothée Hochet et je tiens à remercier Lolo pour cette découverte. En effet, j'étais un abonné de la première heure sur la chaine Youtube de Timothée Hochet il y a maintenant 10-12 ans et je me souviens très précisément des ambitions que le jeune créateur avait déjà à l'époque : réaliser un long-métrage. Ses courts-métrages balbutiants me plaisaient déjà beaucoup pour leur ton et leur originalité, mais j'ai peu à peu oublié son existence au cours des années, lorsqu'il s'est détourné de Youtube pour d'autres projets. C'est donc avec un énorme plaisir que j'ai appris l'existence de Stéphane qui a eu un succès inattendu dans les festivals.
Le film est réalisé en found footage. On y suit Tim, un jeune réalisateur désireux de tourner son quatrième court-métrage. Alors qu'il est en plein tournage d'une scène d'un grand amateurisme, une personne entre dans le champ de sa caméra : l'homme s'appelle Stéphane et va bouleverser les plans de Tim, l'entraînant dans une aventure aussi drôle que flippante.
Critique du film
Stéphane est un film très original dont l'efficacité est majoritairement due à Lucas Pastor dans le rôle principal : un homme bourru, impulsif et ambigu. La personnalité de Stéphane est à cheval entre le beauf un peu drôle et le monstre psychopathe, ce qui donne au film un ton très particulier. On navigue entre la comédie et, si ce n'est de l'horreur, au moins un profond malaise. La force du scénario est de nous emmener continuellement vers quelque chose qu'on n'attend pas, d'autant qu'on ignore pourquoi Stéphane agit de cette manière et, pire encore : on ne sait absolument pas de quoi il est capable.
Le film offre des moments de suspense puisque Stéphane apparait, disparait et, même s'il n'est pas forcément clair que le personnage soit capable de violence, on craint en permanence ses réactions potentielles. Ceci est habilement mis en place en début de film puisque, dans la première partie, Stéphane fait preuve d'impatience et de colère inappropriée à l'égard d'un vendeur de caméras. Il est clair dès le départ que le personnage a des soucis et peut s'avérer dangereux pour Tim. Malgré tout, il est étrangement plutôt agréable et déconneur avec Tim. Le jeune réalisateur est donc en confiance, d'autant qu'il voit en Stéphane la parfaite occasion d'accéder à tout ce qu'il désire : des costumes, des décors, des acteurs.
Cette manière de marcher sur un fil est tout à fait étonnante et le film parvient à jongler entre la comédie et la tension horrifique avec habileté, sans faux pas. Dans la tradition du found footage, Timothée Hochet et Lucas Pastor proposent des séquences qui font clairement écho à des références qui leur tiennent à cœur, comme Blair Witch ou C'est arrivé près de chez vous, auxquels on pense forcément en voyant l'intrigue évoluer. On a même droit à un jumpscare qui m'a totalement piégé, car il est diablement efficace.
Bien sûr, le film n'évite pas quelques écueils du genre puisque le principe du found footage n'est pas justifié en permanence, mais le contrat entre les réalisateurs et le spectateur tient la route jusqu'au bout puisqu'on pardonne aisément quelques facilités scénaristiques. L'omniprésence de la caméra, de toutes manières, est justifiée par le personnage de Tim qui est à la fois dans la fausse modestie et la prétention la plus totale, allant jusqu'à exiger des choses de son nouvel ami de manière gênante. L'acteur Bastien Garcia excelle dans ce rôle de tête à claques auquel on s'attache pourtant beaucoup. C'est en ceci que Stéphane est passionnant et réussi : les deux personnages principaux sont terriblement ambivalents et jonglent constamment entre deux facettes de leur personnalité. On éclate de rire autant qu'on est mal à l'aise.
Le travail de l'actrice Eva Gregorieff est également à saluer ; son personnage donne lieu à de nombreuses scènes assez glauques qui ne seront pas expliquées mais qui rajoutent à l'univers tordu et mystérieux de ce Stéphane angoissant. Le personnage de Bianca, d'ailleurs, restera muette et passive pendant l'intégralité du film, comme pour représenter la femme invisibilisée dans ce monde masculin.
Bref, même si je ne pense pas aller jusqu'à placer Stéphane dans mon top 400 (mais après tout pourquoi pas ? Mon ressenti sur les jours à venir en décidera...), ce premier long-métrage est maîtrisé, amusant, surprenant et totalement original. Si vous comptez le voir, n'oubliez pas d'attendre les deux scènes post-générique qui sont également très réussies. La conclusion répond notamment à l'une des grandes questions du film de manière délirante. Je vous le conseille sans hésitation et je remercie à nouveau Lolo pour cette proposition aussi audacieuse qu'intéressante.