Sorti en 2018, Guy est un film réalisé, écrit et joué par Alex Lutz. On y suit un chanteur de variété française des années 80 fictif qui, vieillissant, tente un comeback médiatique. Dans le même temps, il accepte d'être filmé par Gauthier pour dresser son portrait. Ce qu'il ignore, c'est que Gauthier est son fils et qu'il souhaite simplement se rapprocher de ce père qu'il n'a jamais connu.
Je remercie Damien, el profe de español qui m'a conseillé d'y jeter un œil dans le cadre de Gagne un DVD #2 en ajoutant qu'il s'agissait d'un joli concept. Je suis plutôt d'accord pour dire que Guy propose quelque chose d'original, j'ai été intrigué par cette idée qui aurait pu mener à une histoire de filiation passionnante. Le principal point positif de Guy est le vieillissement d'Alex Lutz, qui a nécessité 4 à 5 heures quotidiennes de maquillage et de prothèses afin de parvenir à un résultat aussi bluffant. L'acteur-réalisateur a pris 35 ans d'un coup pour entrer dans la peau de ce personnage et le travail des personnes qui ont permis ce rendu est phénoménal. Je trouve inadmissible qu'encore aujourd'hui, les équipes responsables du maquillage et des coiffures n'aient pas la possibilité d'obtenir une récompense aux Césars, comme c'est déjà le cas par exemple pour les Oscars.
Si j'insiste tant sur cet aspect du film, malheureusement, c'est que le reste du long-métrage m'a beaucoup moins convaincu. Le principal défaut du film est de ne jamais vraiment savoir de quoi il parle, ce qui m'a semblé problématique du début à la fin. De quoi est-il question exactement ? D'un jeune homme en quête de ses origines ? D'une star vieillissante qui fait une crise existentielle ? D'une critique des médias et du monde du show-biz ? Finalement, on ne le saura jamais vraiment très bien, et j'ai été particulièrement déçu qu'Alex Lutz ne traite pas en profondeur cette relation père-fils. Si on regarde le film objectivement, Gauthier aurait pu être un jeune journaliste tout à fait lambda, sans lien avec Guy, que ça n'aurait rien changé au déroulement des événements. Gauthier est d'ailleurs terriblement absent, son personnage n'est pas traité une seule seconde. On ne comprend pas sa démarche, ni son regard sur cet homme, ce qui rend tout le principe du film totalement vain. Guy donne une désagréable impression de voir Alex Lutz se donner tous les rôles, tout en faisant bien attention de rester au centre de l'image et du scénario. N'y aurait-il pas un soupçon de mégalomanie dans ce projet, à parler de l'artiste et de l'empreinte qu'il laissera derrière lui ? J'aime beaucoup Alex Lutz, mais bon...
Qui plus est, sa prestation est forcée à chaque instant et parait tellement artificielle que je n'ai jamais intégré Guy comme un véritable personnage. J'y ai vu à chaque instant l'acteur Alex Lutz s'efforçant de disparaître derrière ce maquillage parfait, en cabotinant et en usant de mimiques exagérées durant l'intégralité du film. Puisqu'on parle des Césars, je ne comprends pas comment Alex Lutz a pu voler la récompense à Denis Ménochet, autrement plus impactant et crédible dans Jusqu'à la garde. Je suppose qu'ils ont davantage récompensé le travail global autour du personnage, car pour ce qui est de l'interprétation, ce n'est pas mémorable. On croit voir une imitation grossière de Belmondo, que ce soit dans les intonations que dans cette manière d'ouvrir la bouche et de garder les yeux mi-clos. Je n'ai pas compris ce qu'il cherchait à faire. Guy ne semble pas réel, et c'est problématique dans un film qui veut nous montrer à chaque instant - comme une obsession - que le personnage existe bel et bien. Tout y passe pour donner du crédit à Guy : des magazines, des fausses images d'archives, une photo de Salut les copains, des chansons créées pour le film afin de rendre cette star crédible, des caméos de célébrités comme Julien Clerc, des passages dans les médias avec Michel Drucker, Alessandra Sublet, ou face à Nicole Ferroni dans Europe 1. Pourquoi vouloir à tout prix nous faire croire que tout est réel ? Qu'est-ce que ça ajoute au propos ? Je n'y ai malheureusement vu aucun sens, le message m'échappe totalement.
Au niveau de la réalisation, le film souffre également de quelques problèmes. La mise en scène est totalement plate. On peut l'expliquer par le parti pris de filmer cet artiste à la manière d'un documentaire, certes. Le souci, c'est que même cette idée n'est jamais respectée de manière cohérente. Durant les interminables séquences musicales (que j'ai trouvées très banales et inutiles), Gauthier est censé filmer Guy sur scène avec sa caméra. Sauf qu'au cours d'une même chanson, le point de vue change constamment. Guy entonne ses paroles et, pendant ce temps, Gauthier utilise le don d'ubiquité pour se téléporter sur le devant de la scène, plus loin dans le public, ou encore en coulisses derrière le chanteur. Voilà qui décrédibilise tout le concept du film puisque je n'ai cessé de me demander : qui filme ? Est-ce vraiment Gauthier (le personnage), ou plutôt Alex Lutz (le réalisateur) qui se contrefout des règles de cohérence ?
Malgré tout, Guy propose parfois de belles choses, surtout en terme d'humour. Certains dialogues sont très bien écrits, il faut le reconnaître, et j'ai tout de même ri de nombreuses fois. Cependant, je n'ai été ému à aucun instant. Ce n'est pas un problème en soi, sauf quand le film fait tout son possible pour offrir de grands moments d'émotion. Allez, j'exagère, j'ai failli être touché par moments. Même si le personnage de Guy est affreusement artificiel (puisque c'est un personnage qui joue lui-même constamment un personnage de manière assez grotesque), quelques petites scènes nous le montrent sans sa carapace. C'est très furtif, mais ça se produit deux ou trois fois, et c'était bienvenu.
Bref, je suis navré Damien, el profe de español, car je suis resté totalement en-dehors de ce film, mais je te remercie à nouveau pour ta participation et pour m'avoir permis de regarder un film vers lequel je ne me serais pas tourné de moi-même. Bien évidemment, ça n'empêche pas d'en débattre dans les commentaires car j'ai hâte de connaître ton point de vue sur Guy.