Les dimanches de Ville-d'Avray - de Serge Bourguignon (16/16) - Critique

Les dimanches de Ville-d'Avray - de Serge Bourguignon (16/16) - Critique

     Nous terminons avec cette proposition de cinephile54 (merci pour ta participation !) qui m'a fait découvrir l'existence de ce film français de 1962 dont je n'avais jamais entendu parler. Les dimanches de Ville-d'Avray, c'est l'histoire de Pierre, un pilote qui a perdu la mémoire suite à un événement de la guerre d'Indochine lors de laquelle il croit avoir tué une petite fille. Un jour, il croise Françoise, une enfant abandonnée par son père dans un orphelinat religieux. Il décide alors de tisser des liens avec cette enfant en lui proposant des promenades tous les dimanches... promenades qui sont mal vues par les habitants de la ville. 

 

     Attention, cet article spoile en grande partie les ressorts scénaristiques du film.

 

Les dimanches de Ville-d'Avray - de Serge Bourguignon (16/16) - Critique

     Le film est sublime. Beaucoup de spectateurs semblent trouver le propos douteux voire scandaleux. En effet, certains voient dans Les dimanches de Ville-d'Avray une histoire d'amour romantique entre un homme adulte et une petite fille de 12 ans. Des cinéphiles parlent même de pédophilie et j'avoue que je ne comprends pas. Je me demande si on a vu le même film... Outre le fait que le film ait été tourné au début des années 60 (ce qui n'aurait excusé en rien des propos honteux, on est d'accord), le film n'est clairement pas une romance. Vraiment pas.

 

     Les dimanches de Ville-d'Avray joue évidemment sur ce doute, par contre. Les habitants de cette ville se posent tous des questions sur la nature de cette relation étrange, d'autant que Pierre a un comportement assez bizarre au niveau de ses expressions faciales et de sa démarche. Seulement, au cours de l'enquête menée par son amie Madeleine, mais aussi grâce aux images qui nous sont montrées de cette relation, il devient de plus en plus clair que Pierre a davantage le comportement d'un enfant que d'un prédateur sexuel. Le film joue subtilement sur l'ambiguïté de la situation mais rien ne tend à montrer que Pierre ait des pensées malsaines à l'égard de cette jeune enfant. Nous sommes plus dans une relation de type Léon et Mathilda, a priori ambiguë mais tendant davantage vers l'amitié pure.

 

Les dimanches de Ville-d'Avray - de Serge Bourguignon (16/16) - Critique

      Ce que le film montre, plutôt, c'est un homme perdu et traumatisé qui voit en cette petite fille une occasion de se racheter, suite au crime de guerre qu'il pense inconsciemment avoir commis. Pierre protège Françoise par tous les moyens : d'abord indirectement en lui offrant une présence, quelqu'un qui ne la laissera pas tomber, mais également de manière directe, comme lorsqu'il gifle un garçon qu'il croit violent contre Françoise. Alors évidemment, ces actes nous sont également montrés comme de la jalousie, afin de créer de l'ambiguïté, mais Pierre n'aura jamais un geste ni une parole déplacée envers l'enfant. 

 

     De l'autre, nous avons Françoise qui trouve en cet homme un père de substitution, père dont elle a besoin pour grandir et avoir des repères. Le film joue à un moment sur la ressemblance entre les mots "père" et "Pierre", car il est presque un père pour la jeune fille. De ce côté, une ambiguïté est également créée puisque Françoise parle souvent de se marier avec lui. Sauf qu'il est courant chez des enfants de parler de mariage avec leurs parents, à un âge où ils ne comprennent pas encore vraiment la différence entre l'amour paternel et le sentiment amoureux. Elle semble également très jalouse de Madeleine, mais tout ceci n'est que l'expression d'une enfant qui a peur d'être abandonnée à nouveau. Il existe donc une forme d'amour entre les deux personnages, bien sûr, mais cet amour n'est jamais tendancieux ni sexuel... Le film n'est ambigu que par le regard de tous les habitants de Ville-d'Avray, qui se posent légitimement des questions. En ce sens, la fin du film est tragique puisqu'elle annonce un désespoir total pour Françoise qui, pour la première fois, s'était ouverte à quelqu'un en révélant son prénom, mais voit cette chance partir en fumée.

 

     Les acteurs sont tous fabuleux, à commencer par Patricia Gozzi qui, de manière tout à fait inexpliquée, n'a que quelques films à son actif et ne semble avoir aucun lien avec le cinéma depuis plus de 50 ans. Hardy Krüger et Nicole Courcel sont également excellents dans leurs rôles respectifs.

 

Les dimanches de Ville-d'Avray - de Serge Bourguignon (16/16) - Critique

      Le film n'est pas parfait car il souffre de quelques soucis qu'on retrouve régulièrement dans les films des années 60 : un jeu d'acteur un peu théâtral, des dialogues balancés comme s'ils avaient été appris par cœur puis récités... Tout ceci participe à une émotion qui peine à exploser, notamment la fin du film qui aurait dû s'avérer déchirante mais qui m'a laissé assez froid. Je n'ai donc pas eu un ultime coup de coeur.

 

    Par contre, la mise en scène est magnifique. Je n'ai cessé de m'émerveiller devant toutes les astuces de réalisation qui mettent en évidence les situations et les relations, ainsi que les mouvements de caméra précis qui font du sens. Quelques belles trouvailles m'ont impressionné, comme ces ronds dans l'eau qui viennent troubler le reflet des deux personnages pour montrer les doutes que peut engendrer cette relation.

 

Les dimanches de Ville-d'Avray - de Serge Bourguignon (16/16) - Critique
Les dimanches de Ville-d'Avray - de Serge Bourguignon (16/16) - Critique

      Bref, j'ai adoré Les dimanches de Ville-d'Avray même si ça manque un peu de spontanéité dans le jeu des acteurs, l'ensemble est joliment réalisé. Je remercie donc une nouvelle fois cinephile54 pour cette dernière proposition.

 

 

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article