Si c'est pour continuer de découvrir des pépites de ce genre, je ne suis pas prêt de mettre un terme à ce petit jeu du samedi (à condition que le principe ne vous lasse pas) ! Délivrance m'a été proposé par Damien, que je remercie pour la découverte. Ce film de 1972 ne m'avait jamais particulièrement attiré même si je connaissais un peu sa réputation, et je suis ravi d'avoir comblé cette lacune. C'est un film brutal, presque bestial, qui a clairement inspiré de nombreuses œuvres cinématographiques telles que Voyage au bout de l'enfer, sorti six ans plus tard, ou même Mean Creek que j'ai revu récemment et dont j'ignorais les similitudes avec ce film de John Boorman.
L'histoire est assez simple : il s'agit d'une bande de 4 hommes qui décident de descendre une rivière pour la dernière fois avant que ce ne soit plus possible, puis que l'inondation de la ville et de la vallée est en projet. Malheureusement, cette virée en canoë au coeur des rapides vire au cauchemar suite à une mauvaise rencontre... Je ne donnerai pas beaucoup plus de détails sur la suite car Délivrance nous prend par surprise avec une violence inattendue ; je ne pensais pas que le film serait si éprouvant si rapidement.
L'intrigue commence assez tranquillement avec la présentation des personnages : une bande d'amis plutôt insouciants, comme on pouvait l'être dans les années 70, qui partent à l'aventure ensemble malgré leurs personnalités toutes différentes. Menés par Lewis, un homme rustre dont la philosophie est basée sur un retour de l'Homme face à la nature, ils abandonnent leurs voitures à des types qu'ils ne connaissent pas, mais à qui ils font confiance pour ramener leurs véhicules dans une autre ville en contrebas, étape finale de leur descente. Avant ça, on a droit à une séduisante scène musicale au banjo qui m'a filé un grand sourire. Tout semblait démarrer dans le meilleur des mondes (enfin, avant que la séquence ne devienne plus sombre et qu'on comprenne qu'il y a des histoires de consanguinité).
Délivrance offre plusieurs scènes que j'ai trouvé très intéressantes, comme la manière avec laquelle la rivière nous est dévoilée pour la première fois. Les personnages mettent un certain temps avant de la dénicher, comme un trésor caché au milieu de la forêt, et sa première apparition est lumineuse et scintillante. J'ai beaucoup aimé le fait qu'elle nous soit révélée à la façon d'un coffre rempli d'or, devant lequel Lewis et Ed s'émerveillent.
Passée cette scène, tout ce qui suivra ne laissera plus aucun répit aux personnages, dans une histoire de traque, de vengeance, de chasse à l'homme qui laissera des séquelles à chacun d'entre eux de manière différente. Le personnage de Lewis est antipathique malgré son efficacité, j'ai cependant adoré son côté instinctif et l'idée de lui avoir collé un arc et des flèches pour le rapprocher de l'homme primitif. Burt Reynolds est excellent dans le rôle. De plus, le thème de la chasse permet de rapprocher Délivrance de The Deer Hunter, dans l'idée qu'il est difficile de passer à l'acte, et que les personnages vont traverser des épreuves qui vont les traumatiser.
J'ai, ceci dit, davantage été sensible au personnage de Jon Voight, qui porte une grande partie du film sur ses épaules. C'est la première fois que je découvre l'un de ses rôles étant jeune, je suis davantage habitué à ses films récents. L'acteur est parfait du début à la fin, notamment lors de la séquence de l'agression, mais aussi lors d'une autre scène (ci-dessous) dont j'ai apprécié l'angle de vue.
Pour conclure, je dirais que la force de Délivrance réside dans ses ambiances sonores qui résonnent de manière obsédante. Il y a un vrai travail du son, au-delà de la musique très sombre, qui permet de créer une atmosphère assez glaçante. Je pense par exemple au moment où Ed crie "Drew !" plusieurs fois et que son appel résonne dans la forêt de manière très étrange et angoissante. L'effet est saisissant.
Je remercie à nouveau El profe de español pour m'avoir poussé à voir Délivrance car, à part plusieurs exceptions comme justement The Deer Hunter, la décennie 1970 est celle qui me parle le moins au cinéma. J'ai retrouvé de nombreux aspects du film de Cimino dans celui-ci (le thème de la chasse à l'homme, des traumatismes face à la cruauté, de la bestialité de la nature humaine) et ça m'a beaucoup plu. Je réfléchis encore quelques jours avant de l'intégrer à mon top 500, mais je pense que ça se fera.