Continuons sur la lancée des "tops réalisateurs" avec l'un des plus iconiques de tous : Stanley Kubrick. La filmographie de Kubrick a toujours été considérée comme un passage obligatoire pour quiconque souhaite devenir un "vrai cinéphile" (cette expression n'a aucun sens). Il parait cependant que certains amateurs de cinéma ne placent pas 2001 l'odyssée de l'espace dans leur top 10... ni même dans leur top 50 ! Il parait.
Kubrick est réputé pour ses œuvres assez rares. En effet, mis à part ses premiers films plus obscurs des années 50, il n'en a réalisé qu'une dizaine, mais tous sont devenus des monuments du cinéma. Il est très difficile de classer ceux-ci par ordre de préférence car la plupart sont des objets cultissimes, étudiés depuis toujours dans les écoles de cinéma. Je dois admettre avoir galéré à les trier car je trouve les 7 premiers films de cette liste quasiment parfaits.
Le cinéaste est fascinant car il a réussi dans tous les genres, ce qui est assez rare au cinéma car la plupart des auteurs aiment se cantonner à un ou deux genres maximum. Kubrick, cependant, a touché à tout et rien n'est à jeter, c'est une prouesse assez phénoménale. Entre films de guerre, de science-fiction, d'anticipation, romance, comédie satirique, film d'horreur ou encore drame historique, l'ensemble de sa filmographie force le respect pour sa qualité et sa constance. Même si le cinéma de Kubrick peut sembler assez froid à cause de sa mise en scène millimétrée, de ses plans symétriques ou encore de ses mouvements de caméra perfectionnistes, il aborde des thématiques difficiles mais toujours bien traitées. Par le prisme de la violence humaine qu'on retrouve dans chacun de ses films, Stanley Kubrick aime dénoncer des institutions bien en place (l'armée, le gouvernement, les prisons) avec un certain goût pour la provocation qui ajoute beaucoup de piquant à ses œuvres.
Tout en gardant à l'esprit qu'à part Spartacus, qui est un manquement de ma part, je n'ai vu que ses œuvres "majeures", nous allons entamer ce top par la 11e place. N'hésitez pas à partager votre top en commentaires, car personne n'est jamais d'accord avec le podium.
11 - Fear and desire
Ce film durant 1h n'est pas des plus mémorables, notamment parce qu'il s'agit du premier long-métrage de Kubrick et que tout n'est pas parfait, loin de là. Ce sont les prémices d'un Kubrick qui s'intéresse à la guerre, mais on peut aisément se passer de le voir. Le cinéaste lui-même l'a renié, le comparant à un dessin d'enfant sur une porte de frigo. Il a même tenté d'en détruire toutes les copies, mais l'une d'entre elles fut préservée dans les archives de Kodak, ce qui nous permet de pouvoir voir le film aujourd'hui.
10 - L'ultime Razzia
Novateur et précurseur, ce film n'a pourtant pas le statut "d'inégalable" qui caractérise la suite de la filmographie de Kubrick. L'histoire est intéressante à suivre, notamment le fait de voir l'intrigue sous des points de vue différents et de façon non linéaire, mais il est clair que Stanley Kubrick fera beaucoup mieux par la suite.
9 - Lolita
Lolita ne fait pas non plus partie de mes chouchous du cinéaste, bien qu'il soit subversif et formellement magnifique. J'ai été un peu gêné par le propos parfois questionnable, mais je n'ai pas lu le roman original pour en comprendre davantage. Malgré tout, Lolita est un excellent film même s'il reste à mon goût mineur dans la filmographie du maître.
8 - Docteur Folamour
Docteur Folamour est une satire géniale mais ne fait pas partie de mes grands chouchous, en partie à cause d'un Peter Sellers bien trop excessif. Son interprétation est, certes, ce qui fait aussi le sel du film, mais je la trouve assez surcotée. Au-delà de ça, Docteur Folamour est riche en idées et en propos, avec notamment une anthologique séquence de rodéo sur missile, ce qui le rend passionnant. Il fallait oser sortir ce film juste après la crise des missiles de Cuba.
7 - Les sentiers de la gloire
Emotion, humour, cynisme : tout y est. Les Sentiers de la Gloire a été longtemps censuré en France puisque sa première sortie dans nos cinémas s'est faite en 1975, soit 18 ans après la sortie US. Avec toute l'ironie dont il fera encore preuve dans Full Metal Jacket, Stanley Kubrick décrit des personnages sans cœur, certes caricaturaux, mais on ressent toute la sincérité du cinéaste. Qui plus est, il filme la guerre de façon sublime et réaliste, la caméra se déplaçant sur le champ de bataille et dans les tranchées avec de très beaux plans-séquences. Sans jamais montrer l'armée allemande, il n'hésite pas à dénoncer les rapports entre officiers et soldats au sein d'une même armée (française), ce qui a certainement joué dans la censure du film. Les sentiers de la gloire est le long-métrage le plus court de Kubrick (1h26) mais aussi l'un des plus percutants : la conclusion est forte en émotion et en propos.
6 - Barry Lyndon
Barry Lyndon est évidemment une œuvre grandiose. Ce film est comme une succession de tableaux magnifiques, avec des couleurs parfaites. Ce film historique est des plus contemplatifs, il nous absorbe et nous laisse le temps de l'admirer. La lumière à la bougie est somptueuse, tout comme de nombreuses séquences inoubliables (les regards amoureux sur fond de Schubert forment l'une des plus belles scènes d'amour de l'histoire du cinéma). Si Barry Lyndon n'atteint pas le podium de ce classement, c'est simplement parce qu'au-delà de tous ces plans majestueux, une forme d'ennui peut venir ternir l'expérience. A voir sur grand écran.
5 - Full Metal Jacket
Full Metal Jacket est probablement l'un des plus grands films sur la Guerre du Vietnam. L'intelligence de Kubrick est de présenter cette intrigue en deux parties. Dans la première, on croit vivre l'horreur avec le Sergent Hartman, avant de réaliser que tout ceci n'était qu'une partie de plaisir lorsqu'on plonge dans le véritable enfer : la guerre. Le film est toujours aussi parfait techniquement, avec une symétrie qui vient rappeler le cadre militaire, où rien ne dépasse. C'est du cinéma, du vrai.
4 - Eyes wide shut
Le dernier film de Kubrick est à mon sens sous-estimé, injustement mal-aimé. Eyes wide shut est une œuvre monumentale, parfois effrayante, qui nous prend au dépourvu en nous emmenant dans des zones qu'on n'avait pas prévues. Certaines séquences déroutantes prennent une sacrée ampleur, notamment lors du Masked Ball. Un chef d'œuvre.
3 - 2001, l'odyssée de l'espace
Pour certains, 2001 l'odyssée de l'espace est le meilleur film de Kubrick, voire le plus grand film de tous les temps, mais j'ai plutôt envie de relativiser ce statut parfois exagéré. Certes, le film est colossal et ambitieux, c'est une œuvre imposante sur l'évolution de l'humanité, à la fois profonde sur le fond et parfaite sur la forme. Le film est, en plus, une incroyable prouesse technique pour 1968 (nous sommes un an avant les premiers pas d'Armstrong sur la Lune...), les effets spéciaux sont spectaculaires et encore époustouflants aujourd'hui. La caméra offre des scènes d'une beauté dingue, le propos est d'une intelligence absolue. Malgré tout, une petite voix me rappelle qu'à certains moments, on s'emmerde sévèrement devant 2001 l'odyssée de l'espace. Ce qui s'apparente à de la contemplation dépasse parfois celle-ci, notamment lors de certains dialogues interminables en début de film. Ça n'empêche pas au film de proposer d'immenses séquences d'anthologie, comme la première ou la dernière.
2 - Orange Mécanique
Orange Mécanique est une énième merveille de Kubrick. Ce film d'anticipation aborde la violence humaine tout en dénonçant le pouvoir des institutions. Malcolm McDowell y est aussi flippant que pitoyable, il nous inspire autant le dégoût en première partie que la compassion dans la deuxième. La séquence du lavage de cerveau est une véritable scène d'horreur capable de traumatiser un spectateur non averti. Culte et génial.
1 - Shining
Je termine par Shining, qui reste indiscutablement le film que j'ai préféré de l'auteur. Kubrick prouve en deux heures qu'il est possible de réaliser un film d'horreur sans filmer avec ses pieds. Shining est évidemment porté par un Jack Nicholson survolté et possédé. L'acteur est brillant d'un bout à l'autre, soutenu par une mise en scène d'une intelligence assez dingue. Ce film est l'exemple parfait du film qui réussit tout ce qu'il entreprend, sans une seule fausse note. Audacieux, effrayant, percutant, surprenant, Shining est également une adaptation grandiose : celle d'un auteur qui impose sa marque et ne se contente pas de copier-coller le roman d'origine. Film parfait et indétrônable qui concentre tous les talents de Stanley Kubrick : symétrie, travellings, Steadicam, rythme, personnages, tout est parfait.