Merci à Sami pour m'avoir fait découvrir Eat the night, dont je n'avais absolument pas entendu parler alors qu'il est sorti il y a quelques mois. Ce thriller français est plutôt original, il raconte l'histoire de Pablo, un homme qui passe ses journées à fabriquer et vendre sa propre drogue, mais aussi à arpenter le monde imaginaire de Darknoon, jeu vidéo dans lequel il se plonge quotidiennement avec sa sœur depuis 10 ans. Eat the night est une très belle découverte avec de jeunes acteurs convaincants, il m'a beaucoup touché notamment grâce au personnage d'Apolline. Sorte de Ready Player One à la française, le film explore des thématiques rarement vues dans le cinéma français, mais également quelques unes qui paraissent un peu clichées.
A vrai dire, je vais commencer par ce qui m'a le plus chiffonné dans Eat the night, bien que j'aie adoré ce film : je trouve que deux relations sont parfaitement étudiées, mais que la troisième est en-dessous. Celle qui me pose problème est la relation entre Pablo et Night, qui m'a semblée un peu clichée et superficielle. Théo Cholbi et Erwan Kepoa Falé sont crédibles dans leurs rôles respectifs et l'évolution de leur relation aurait pu être fascinante, mais elle peine à atteindre des sommets. J'ai difficilement cru à leur union qui se conclut en quelques minutes à peine, sans nécessairement nous montrer que cette relation est importante pour l'un ou pour l'autre. A priori, aucun des deux personnages n'avait besoin de l'autre à la base, et je ne comprends pas comment ils passent subitement de deux scènes de sexe à un "je t'aime" sur une moto. C'est vite expédié. En plus de traiter cette relation en surface, il a été choisi de plonger les deux hommes dans le milieu de la drogue et de la violence de la rue, ce qui m'a un peu gonflé car on accumule les clichés du genre avec des incohérences et des rivalités dont on se fiche un peu. Alors certes, ce choix garde une certaine logique : un parallèle est fait entre la violence graphique dans Darknoon et la violence brutale de la réalité, mais tout ceci m'a semblé un peu facile.
A contrario, les deux autres relations montrées dans le film, à savoir Apolline/Night et Apolline/Pablo, sont passionnantes, et j'aurais aimé en avoir beaucoup plus. Le personnage d'Apolline est relativement effacé derrière ces histoires de gangs et c'est dommage, car c'est elle qui aurait mérité d'être le personnage central de cette histoire. J'aurais aimé savoir pourquoi la jeune femme désire tant se réfugier dans ce jeu vidéo, pourquoi elle cherche tant à fuir la réalité. J'aurais aimé connaître ses traumatismes, ses peurs, ses difficultés à s'intégrer dans le monde réel. Malheureusement, à part une séquence de conflit avec son père qui ne sera jamais réellement expliquée, Apolline est constamment vue par le prisme du virtuel ou du rêve.
Par contre, j'ai adoré ça. Toutes les séquences liées à Darknoon sont géniales et le film aurait clairement mérité, à mon avis, de développer davantage cet élément. Le rendu du jeu vidéo est parfait à l'écran, notamment avec ces personnages qui s'humanisent petit à petit pour se rapprocher des visages de Pablo et Apolline. L'avatar de Night, lui aussi, est magnifique. J'ai eu envie de contempler son visage pendant des minutes entières. La relation entre Night et Apolline est tout à fait charmante, que ce soit dans le réel comme dans le virtuel, et j'ai adoré cette complicité naissante entre les deux personnages. Au passage, Eat the night montre qu'on ne sait jamais vraiment à qui on a affaire en ligne, mais que l'attachement à un personnage virtuel peut engendrer de sacrées émotions.
Quant à la relation frère-sœur, elle est également très bien gérée, on ressent à quel point Pablo est la seule personne à laquelle Apolline peut se raccrocher. Sans son frère, son monde s'écroule. Je découvre l'actrice Lila Gueneau avec ce film et j'ai hâte de suivre sa carrière, elle dégage quelque chose de puissant à l'écran. Durant tout le film, je me suis inquiété pour elle, je ne faisais que de me répéter "S'il-vous-plaît, ne touchez pas à la sœur".
De plus, le film nous offre une séquence finale sur Darknoon absolument magnifique. Je ne révèlerai rien, mais j'ai été totalement scotché. J'avais les yeux rivés sur l'écran, emporté par l'émotion et par ce compte à rebours stressant. La dernière image du jeu va me rester longtemps en tête, elle était d'une grande poésie et je pense que ça fera partie du top de mes scènes de cette année.
Pour conclure, et même si l'article pourrait faire penser le contraire, j'ai été happé par Eat the Night et je n'ai pas vu les minutes défiler. Même si j'ai été gêné par une intrigue principale un peu "facile" scénaristiquement (j'aurais clairement préféré que Eat the Night se situe majoritairement dans Darknoon), le film est efficace, prenant et émouvant. Je suis ravi que Sami m'ait proposé de le découvrir. Merci encore.