La réplique du dimanche #19 - "J'ai eu un flashback" - Valse avec Bachir

La réplique du dimanche #19 - "J'ai eu un flashback" - Valse avec Bachir

       Si vous n'avez jamais vu Valse avec Bachir, qu'attendez-vous depuis 15 ans ? Ce dimanche, revenons sur l'un des films les plus marquants de ma vie de cinéphile, un chef d'œuvre d'émotion, une claque visuelle signée Ari Folman.

 

La réplique du dimanche #19 - "J'ai eu un flashback" - Valse avec Bachir

      En 2008, Ari Folman sort Vals im Bashir, un film d'animation mêlant quelques prises de vue réelles. L'auteur nous livre un récit autobiographique, celui de son amnésie totale suite au massacre de Sabra et Chatila auquel il a assisté en 1982 à Beyrouth-Ouest en tant que membre de l'armée israélienne. Valse avec Bachir est un film qui marque tant par ce qu'il raconte et dénonce que par ses qualités visuelles et émotionnelles, la BO du film étant composée par l'exceptionnel Max Richter. L'artiste livre ici, sans l'ombre d'un doute, l'une des plus belles bandes originales de ces 20 dernières années. 

 

      Je n'ai pas revu Valse avec Bachir depuis plus de 12 ans, peut-être même 15, et pourtant certaines images du film résonnent encore dans ma mémoire émotionnelle, tout comme la musique qui vient me hanter régulièrement. La scène la plus poignante du film survient dès l'ouverture. Ari Folman nous balance directement le contexte de son film. Nous sommes 24 ans après le massacre de Sabra et Chatila. Ari est déjà réalisateur pour le cinéma et a une discussion avec Boaz, l'un de ses amis de l'époque. Celui-ci lui raconte un rêve étrange qu'il fait chaque nuit depuis 2 ans et qu'il pense être un souvenir de la guerre. Suite à cette conversation, lors de laquelle Ari affirme n'avoir, pour sa part, aucun souvenir de cette période, il a un flashback...

 

Cette nuit-là, pour la première fois après plus de 20 ans, j'ai eu un flashback effroyable. Un flashback du Liban. Pas n'importe quel Liban. Celui de Beyrouth-Ouest. Pas n'importe quel Beyrouth-Ouest. Celui du massacre de Sabra et Chatila.

       C'est l'une de mes scènes préférées du film, oui, mais aussi du cinéma en général. Cette séquence, accompagnée par l'entêtante et obsédante musique "The Haunted Ocean" de Max Richter, est une merveille sur tous les plans. Cette musique symbolise la douleur et le poids du passé que le personnage principal tente de reconstituer. Les tons jaunes et ocres, créés par la lumière des fusées éclairantes qui se reflètent sur l'océan en pleine nuit, sont sublimes. Et surtout, la valeur autobiographique de ce souvenir traumatique provoque un sentiment puissant à l'écran, car Ari Folman y a mis toute sa mélancolie, toute sa douleur. 

 

      J'aime la lenteur de la scène. Mise à part la musique de Max Richter qui plane comme un fantôme sur ce souvenir, la scène est silencieuse et les mouvements des personnages sont lents, comme pour immortaliser à l'écran ce moment d'effroi et de perte, suspendu dans le temps, ainsi que cet espace hanté par les horreurs de la guerre. C'est magnifique : je pourrais me repasser cet extrait mille fois, et mille fois ressentir la même chose. La scène est d'autant plus emblématique qu'elle resurgit plusieurs fois dans le film pour montrer à quel point elle obsède le réalisateur.

 

     Pour une fois, cet article aura plutôt été une "non-réplique du dimanche", car c'est l'absence de commentaire ou de voix-off qui rend cette scène parfaite. Sans aucun mot, elle est à la fois immersive et bouleversante. Le génie d'Ari Folman est d'avoir transmis une partie de son obsession au spectateur qui, sans aller jusqu'à ressentir le traumatisme du cinéaste, se retrouve totalement hanté par la musique et les images. Un incroyable tour de force.

 

 

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