Ce samedi, j'ai fait une chose que je n'avais pas expérimentée depuis 10 ans : un marathon Le Seigneur des Anneaux. De 10h du matin à minuit, je me suis plongé dans l'univers de Tolkien et de Peter Jackson avec un immense sourire, en traversant avec émotion les trois films en version longue. Lorsque j'étais plus jeune, je consacrais une journée chaque année à vivre cette expérience avec ma sœur, ce marathon m'avait donc beaucoup manqué.
Comme tout a déjà été dit en long, en large et en travers sur Le seigneur des anneaux, je n'ai pas réussi à trouver une forme particulièrement originale pour écrire cet article. Si je voulais vraiment entrer dans le détail, ça me prendrait probablement de longues heures, voire davantage. Je vais donc simplement évoquer les temps forts de mon visionnage, tous ces passages qui m'ont touché ou impressionné, et que j'ai eu plaisir à retrouver après tant d'années. L'occasion, également, de confirmer que cette trilogie n'a pas vieilli et qu'elle me passionne toujours autant à 36 ans.
A 10h, j'ai donc inséré le premier DVD et j'ai laissé la magie opérer...
Dès l'introduction, avec l'apparition du titre, je me suis replongé instantanément dans l'ambiance de la trilogie. Des frissons m'ont parcouru dès les premières notes de la musique Prologue, dans laquelle on entend le thème de l'anneau unique pour la première fois. Le travail d'Howard Shore pour Le seigneur des anneaux est indiscutablement merveilleux et proche de la perfection, chaque personnage ou situation bénéficiant de son propre thème musical qui revient régulièrement au fil de ces 11 heures. La musique de l'anneau est idéale pour symboliser cet objet qui sera finalement un personnage à part entière : elle est mystérieuse, séduisante, sombre.
La présentation de l'Histoire avec Cate Blanchett en voix-off est rapide et passionnante, Peter Jackson nous montre dès le départ un grand talent pour les séquences de bataille avec la chute de Sauron. Les plans sont sublimes, tant sur le caractère épique de cette guerre que sur le côté visuel : la photographie, les décors, la lumière sont éblouissants de beauté. C'est un avant-goût de tout ce qui nous attendra dans Les deux tours et Le retour du roi, car La communauté de l'anneau présente assez peu de scènes de bataille. Cependant, l'ambiance est posée et on comprend immédiatement que cette épopée sera extrêmement riche, et généreuse en terme de pur cinéma.
Gollum est introduit comme une silhouette dans l'obscurité, et Peter Jackson aura l'idée géniale de ne pas nous le montrer durant ce premier volet, si ce n'est avec un bruissement de feuilles ou deux yeux qui brillent dans la nuit. Le cinéaste crée du mystère autour de ce personnage qui sera un élément central de l'intrigue des 2e et 3e volets.
Après ces quelques minutes pleines de mystères, qui augurent un univers riche et palpitant, le spectateur est délicatement déposé dans la Comté. La reconstitution de la Comté est prodigieuse. C'est, de toutes manières, une énorme force de la trilogie : la quantité de moyens déployés pour offrir au spectateur des décors et des personnages crédibles à chaque instant, afin de donner vie à l'univers de Tolkien pourtant réputé inadaptable.
La présentation des Hobbits et de Gandalf se fait sur un ton léger, avec toujours cette musique orchestrale a priori très joyeuse, mais dans laquelle on ressent également des élans d'émotion qui nous feront pleurer 11 heures plus tard. Les techniques employées par Peter Jackson pour permettre à Frodon et Gandalf de tenir dans le même cadre, alors que les personnages ne font pas du tout la même taille, sont astucieuses et évitent généralement l'utilisation d'effets spéciaux. Entre les doublures pour montrer les personnages de dos, ou les jeux sur les perspectives, le cinéaste a mis en place de vraies idées qui frisent le génie.
Vient ensuite, au bout de 50 minutes, le départ à l'aventure de Frodon et Sam. Là encore, le réalisateur prend son temps pour développer une relation forte entre les deux personnages, notamment la fidélité de Sam à la promesse qu'il a faite à Gandalf : celle de ne jamais abandonner son compagnon. Puis vient la première séquence de suspense, celle des Nazguls qui, eux aussi, sont introduits merveilleusement à l'aide des costumes, de l'atmosphère fantomatique, de la musique redoutable d'Howard Shore, ou encore de la caméra de Peter Jackson. Le réalisateur, durant ces 11 heures, ne laissera presque jamais sa caméra immobile. Celle-ci est toujours en mouvement et permet, grâce aux diverses plongées, contre-plongées ou autres mouvements circulaires, de nous immerger dans chaque scène. On a même droit à un travelling compensé dans la forêt pour renforcer l'angoisse et nous mettre à la place de ces quatre Hobbits vulnérables.
De manière toujours assez linéaire (ce qui différencie ce premier volet des deux autres en terme de montage), on poursuit l'aventure des Hobbits jusqu'à l'auberge du Poney Fringant, où l'une des plus belles scènes de la trilogie a lieu. Tout d'abord, l'introduction d'Aragorn est géniale. Il nous est présenté comme un rôdeur nommé Grand-Pas, puis abandonnera ce nom lorsqu'on découvrira qu'il est l'héritier du trône du Gondor. En fin de trilogie, le nom d'Elessar commencera lui aussi à apparaître, pour renforcer son statut de roi légitime.
J'aime particulièrement ce plan sur les yeux d'Aragorn, qui apparaissent subrepticement à la lueur de sa pipe. Une magnifique manière de nous présenter un personnage mystérieux, dont on ignore les intentions.
La scène lors de laquelle Frodon glisse et réceptionne l'anneau sur son doigt est grandiose, tant du point de vue visuel que sur la musique puissante. Aujourd'hui encore, même si je connais la scène par cœur, je suis abasourdi par ce plan au ralenti, de toute beauté.
Suite à cette séquence, Peter Jackson met à nouveau en valeur les Nazguls et le danger qu'ils représentent, jusqu'à un climax au Mont Venteux où les paysages sont mis en avant avec de très belles couleurs. Le côté "héros tragique" d'Aragorn est également mis en évidence, le personnage est sensible et mélancolique, mais également brave et compétent. Toute la séquence de l'attaque en haut du Mont Venteux est d'une maîtrise incroyable à tous les niveaux (les effets visuels qui entourent Frodon lorsqu'il met l'anneau sont dingues), c'est du grand cinéma.
Et puis, même si l'univers de Tolkien est très masculin, La communauté de l'anneau n'oublie pas de présenter des personnages féminins forts, comme Arwen qui vient sauver Frodon telle une lumière dans l'obscurité. Encore une fois, Peter Jackson montre son sens du suspense avec une séquence de poursuite absolument dingue, appuyant de manière crédible la menace réelle des Nazguls, mais aussi la puissance phénoménale d'Arwen et des Elfes en général.
Fondcomble est magnifique, majestueuse, tout comme le sera la Lothlórien un peu plus tard. Je me répète, mais Jackson a eu les moyens de ses ambitions : les décors sont d'une richesse folle, j'en ai eu des étoiles plein les yeux pour la 15e fois. Quant à la séquence du conseil d'Elrond, elle est, elle aussi, parfaite. Les plans regorgent d'idées, comme ce reflet des personnages qui se disputent sur l'anneau en gros plan, montrant à quel point ce simple objet peut provoquer la discorde au sein des groupes censés être alliés.
Le conseil d'Elrond prouve à quel point l'anneau exerce une forte et dangereuse influence, au point de voir tout le monde se battre pour l'obtenir. Avec la formation de la Communauté de l'anneau, on met l'accent sur l'importance de s'unir malgré nos différences, mais aussi sur l'intérêt de donner le pouvoir à quelqu'un qui n'en veut pas. De ce côté, Frodon et Aragorn ont beaucoup de choses en commun : chacun va incarner une position (porteur de l'anneau, futur roi) qu'il n'aurait pas voulu assumer à la base.
Au départ de Fondcomble, Peter Jackson magnifie à nouveau les paysages de la Nouvelle-Zélande en prenant le temps d'insérer les personnages au cœur d'immenses plaines et montagnes. C'est juste sublime.
L'anneau, une fois de plus, prend une grande place à l'écran lorsqu'il exerce son pouvoir. Majoritairement caché sous les vêtements de Frodon durant les divers événements de la trilogie, il surgit pourtant au premier plan dès que Boromir le convoite. La mise en scène est soignée et intelligente, chaque plan a un sens. On nous montre ici la faiblesse des hommes avec un personnage plus complexe qu'il n'y parait. Boromir est aveuglé par le pouvoir de l'anneau, mais on apprendra aussi plus tard qu'il était conditionné par un père assoiffé de pouvoir.
Puis viennent les Mines de la Moria. Grâce à cette partie, Peter Jackson peut développer différents aspects de son cinéma avec un univers visuel fait de magie (la porte de la Moria qui s'illumine sous la lueur de la Lune est féérique).
Mais surtout, le réalisateur nous montre l'étendue de son talent pour filmer les combats et les affrontements, avec la séquence d'attaque des gobelins et des trolls. Il faut insister sur la maîtrise hallucinante de Peter Jackson en ce qui concerne la caméra et ses mouvements. La caméra bouge constamment, pour nous montrer l'espace, pour appuyer sur le suspense, pour rendre lisible l'action. On comprend ce qu'il se passe à chaque instant et on est immergés dans cette Moria, comme si nous faisions nous-mêmes partie de la Communauté de l'anneau.
Les décors gigantesques sont époustouflants et la qualité des effets visuels n'a pris strictement aucune ride entre 2001 et 2024. Graphiquement, Le seigneur des anneaux est une prouesse, d'une qualité que les blockbusters actuels sont rarement capables de reproduire. J'ai été abasourdi de voir qu'en plus de 20 ans, l'ensemble est d'une authenticité et d'une solidité imparables. Il faut dire aussi que les gobelins ne sont pas de vulgaires personnages numériques dégueulasses, mais des acteurs maquillés à la perfection, avec un souci du détail qui force le respect. Difficile d'imaginer la montagne d'idées, d'accessoires et d'efforts déployés pour arriver à un tel résultat.
Côté effets spéciaux, là aussi, Le seigneur des anneaux parvient à passer l'épreuve du temps de manière assez dingue. Le Balrog est encore aujourd'hui sublime visuellement, on y croit à 100%. Il est effrayant, immense, sauvage, d'autant que les prises de vue de Peter Jackson témoignent d'un grand sens de l'ampleur, sans compter tous les mouvements de caméra qui frisent le génie, comme le plan zénithal qui suit nos personnages lorsqu'il traversent tous le pont de Khazad-dûm. Tout est brillant.
Et puis bien sûr, il y a cette chute de Gandalf, qui est incontestablement la scène la plus forte du film. Tout est parfait : la mise en évidence de la puissance du magicien face à ce démon des ténèbres, mais surtout l'émotion créée par la disparition de ce personnage qu'on pensait infaillible. La musique d'Howard Shore The bridge of Khazad-dûm est peut-être l'une de mes préférées de la trilogie tant elle parvient à capter avec exactitude le désarroi et la tristesse de l'ensemble des personnages qui assistent à sa chute. Les acteurs sont tous profondément touchants, avec de simples regards emplis d'incompréhension et de larmes. Le ralenti, une fois de plus, vient à point nommé et nous permet de prendre le temps d'assimiler l'information.
Pour faire ce deuil, le film nous emmène dans l'un des lieux les plus féériques de l'univers de Tolkien : la Lothlórien. Dans ces lieux visuellement magiques, nos héros vont pouvoir reprendre des forces et pleurer la mort de leur ami. Le spectateur, lui aussi, a bien besoin d'un peu de calme et de repos après toute cette déferlante d'action et d'émotion.
Outre les décors absolument merveilleux qui nous envoient hors du temps, ce passage dans la Lothlórien permet de développer un autre personnage féminin très fort : celui de Galadriel. Ici, Frodon va pouvoir rencontrer une personne qui peut le comprendre, car elle vit également le poids d'un anneau de pouvoir. Galadriel est un personnage énigmatique, parfois effrayante avec son pouvoir de vision, mais elle se révèlera d'une aide capitale pour l'intégralité des personnages. Entre la corde donnée à Sam ou la Lumière d'Eärendil qui sauvera Frodon des crochets d'Arachne, nul doute que la mission des Hobbits n'aurait jamais pu être accomplie sans elle.
Lorsque les personnages empruntent le fleuve et que la 3e heure commence à s'achever, on comprend rapidement que l'action va revenir sur le devant de la scène. On assiste alors à l'éclatement de la Communauté de l'anneau avec le départ de Frodon et Sam, la capture de Merry et Pippin, ainsi que la mort héroïque de Boromir qui peut enfin prouver sa valeur. Le sacrifice de Boromir reste encore aujourd'hui l'une des morts de personnages qui m'a le plus marqué. La scène est sublime, encore une fois mise en valeur par la musique d'Howard Shore et les talents de Peter Jackson à la caméra.
Cette mort permet à deux personnages d'évoluer. Premièrement, Boromir est enfin vu comme un personnage de valeur, avec son courage mais aussi ses larmes de regrets pour son comportement. Et surtout, la séquence permet à Aragorn d'évoluer, car il trouve en Boromir une source de motivation pour assumer son futur rôle de Roi. A travers les yeux de Boromir mais aussi ses dernières paroles ("My Captain... My King..."), Aragorn se sent désormais investi d'une tâche : honorer la mémoire de son compagnon. C'est à partir de ce moment qu'Aragorn va commencer à embrasser le destin qui l'attend.
Le film se conclut avec Frodon et Sam dans une scène des plus poignantes. Sam vient honorer sa promesse en s'imposant aux côtés de Frodon, montrant là aussi tout le courage dont ce personnage fera preuve par la suite.
Préférant se noyer plutôt que d'abandonner Frodon, Sam montre sa force et sa volonté. Lorsque leurs deux mains s'agrippent sous l'eau, il se dégage une puissance émotionnelle telle que j'en ai lâché des larmes. Qui plus est, cette main de Frodon qui vient secourir Sam est un magnifique écho à l'une des scènes finales du Retour du Roi, au cœur de la Montagne du Destin, lors de laquelle ces rôles seront échangés.
Lorsque le générique de fin est apparu, j'ai été aussi bouleversé et remué par les émotions que lorsque j'ai vu le film pour la première fois. Alors qu'on vient de passer 3h30 devant ce film, on comprend que nous ne sommes, en fait, qu'au tout début d'un très long périple. La communauté de l'anneau est une merveille sur tous les points, j'ai été ravi de le redécouvrir même si je le connaissais toujours par cœur, presque à la réplique près. Après avoir écouté le générique final pendant 20 minutes (car le titre May it be de Enya est pour moi un choix parfait pour conclure cette première partie : la chanson me file des frissons incroyables de nostalgie triste, mais pleine d'espoir), j'ai attendu une bonne heure avant de reprendre cette aventure l'après-midi même...
Pour découvrir la suite de ce marathon avec Les Deux Tours et Le Retour du Roi, c'est par ici :