En voilà un dont j'ai repoussé le visionnage pendant des années et des années, craignant qu'il soit ennuyeux ou que je ne l'apprécie pas à sa juste valeur. Dans l'objectif de découvrir la nouvelle version de Robert Eggers, cependant, il fallait bien que le film de Murnau fasse partie de ma culture ciné. Nosferatu le vampire a maintenant plus d'un siècle, et c'est ce qui le rend si fascinant à regarder aujourd'hui. En plus de proposer un film construit et travaillé au niveau des ambiances, Murnau a posé ici quelques bases du cinéma d'horreur, et c'est passionnant.
Le système de colorisation de l'image permet déjà, pour l'époque, d'imposer des idées en terme d'atmosphère. Avec le jaune pour les scènes de plein jour (ou de chaleur) et le bleu pour les scènes de nuit (ou de froid), parfois le rouge lors des séquences de lever de soleil, Nosferatu est graphiquement varié et riche. Il faut dire que la version remastérisée met en valeur le grain et la qualité de l'image, ce qui semble assez exceptionnel lorsqu'on repense au parcours de ce film, qui a failli disparaître à cause d'une affaire de plagiat avec le Dracula de Stoker. Nosferatu était voué à ne jamais traverser les décennies, et c'est grâce à une unique copie préservée aux Etats-Unis qu'il a pu devenir le morceau d'histoire qu'on connait. C'est d'ailleurs probablement l'une des raisons de son incroyable notoriété, et de son destin de trésor cinématographique.
Il faut dire qu'en dehors de ce passé, le film en lui-même est plaisant à découvrir, surtout si on le remet dans son contexte : le cinéma des années 20, où tout restait à découvrir et à inventer. Le travail sur les ombres est absolument fascinant, surtout concernant la silhouette du Comte Orlok qui est régulièrement projetée sur les murs pour accentuer son allure de monstre. D'ailleurs, les apparitions du vampire sont bien plus savoureuses sous cet angle, car le maquillage de Max Schreck n'est pas terrible et rend le personnage assez moyen visuellement lorsqu'il apparait de manière frontale. Le visage du vampire peine à terrifier, à part lorsque son corps apparait en entier à l'écran, car il faut admettre que sa posture est particulièrement sinistre.
De même, Nosferatu innove en terme d'effets spéciaux, avec plusieurs trucages plutôt saisissants pour l'époque. Même si ce n'est pas grand-chose de notre point de vue, l'idée d'utiliser le montage pour supprimer des images, ou pour donner un effet accéléré au vampire, est géniale. On a également quelques trucages intéressants, comme l'image du Comte assis sur son cercueil en transparence, le rendant alors fantomatique. Egalement, on a un semblant de stop-motion lorsque le vampire fait voler le couvercle de son cercueil pour le refermer sur lui. C'est assez émouvant à voir.
Alors bien sûr, Nosferatu n'est pas parfait, notamment en terme de rythme ou de scénario. Bien que la musique soit excellente, de nombreuses séquences sont beaucoup trop longues. La première demi-heure du film est parfaite, avec la présentation du château et de la situation, ainsi que l'introduction du vampire lui-même. Malheureusement, à partir du moment où Orlok quitte le château pour prendre la mer, la narration s'éternise et j'ai fini par ressentir l'ennui que je craignais au départ. A un moment, le vampire est même complètement mis de côté pour nous concentrer sur la Grande Peste, on s'écarte alors de l'idée du film de monstre. Malgré tout, Nosferatu est un précurseur qui a inspiré des décennies de films d'horreur, et même quelques bases indispensables à tout bon film d'épouvante moderne. Pour ces raisons, il s'agit d'un film à voir absolument pour son histoire miraculeuse et sa qualité visuelle indéniable. Il rejoint donc mon top 500 sans hésitation, bien qu'il ne soit pas un réel coup de cœur au sens propre.