Dans cet article, on va aborder la passionnante Histoire du cinéma à travers trois courts-métrages réalisés au début du XXe siècle. En bonus, un court-métrage de 10 minutes, coup de cœur qui m'a saisi et que je vous conseille d'urgence.
In Old California (1910, David W. Griffith)
Dans les objectifs que je me suis fixé en ce mois de janvier figurait In Old California, film sorti en 1910 et réalisé par D. W. Griffith. J'avais sélectionné ce monument du cinéma pour une raison toute simple : In Old California est le tout premier film tourné dans ce qui était à l'époque le petit village d'Hollywood, bien avant que les studios ne s'emparent du lieu. Un film qui a marqué l'Histoire du 7e art, donc, car c'est probablement la première fois que les paysages d'Hollywood furent filmés. De ce que j'ai pu lire, le film fut novateur sur plusieurs points, notamment dans l'idée de filmer en extérieur plutôt qu'en studios, et j'ai cru comprendre que Griffith avait utilisé des techniques comme le gros plan ou le changement d'angles de caméra, choses peu courantes à l'époque et qui devinrent source d'inspiration pour la génération suivante. Toute cette histoire a d'ailleurs mené à la construction d'un monument en hommage à Griffith et à ce film, situé au 1713 Vine Street, juste au nord d'Hollywood Boulevard.
Problème : je n'avais pas prévu que le film soit tout simplement impossible à voir, d'aucune manière que ce soit. In Old California, en effet, est un trésor rare dont la plupart des copies ont disparu ou été détruites avec le temps. Et oui, 115 ans, ce n'est pas rien... Pourtant, l'existence de ce film est avérée, puisqu'il a bénéficié d'une exceptionnelle projection publique en 2004, lors du Beverly Hills Film Festival qui s'était tenu à Hollywood même. Ce fut d'ailleurs la première fois depuis 94 ans que des spectateurs purent voir ce film historique... et probablement la dernière, car je n'ai lu aucune trace d'une autre diffusion après 2004 ! Pour cause, le film n'a jamais été numérisé pour le public moderne et reste probablement conservé quelque part, bien à l'abri de potentielles dégradations. D'un côté, c'est dommage, car nous ne pouvons avoir accès à ce trésor quasi archéologique. De l'autre, ça permet de garder un peu de magie et de mystère, en faisant de ce film une sorte de fossile cinématographique.
Ramona (1910, David W. Griffith)
Qu'à cela ne tienne, je me suis donc tourné vers un autre film du cinéaste datant de la même année, et de même longueur. Ramona, lui, est bien disponible sur Youtube, vous pouvez le regarder ci-dessous. Ce furent pour moi 16 minutes plutôt émouvantes, car il est toujours touchant de voir ce que le cinéma avait à proposer quelques années après son invention, à l'heure où tout était nouveau, où les cinéastes ont marqué l'histoire par leurs idées et leur inventivité. Le film est basé sur un roman de 1884 signé Helen Hunt Jackson : une histoire d'amour sur fond d'injustice : le racisme anti-amérindien. Ramona est un très joli morceau de cinéma, où l'exploration de la photographie était en pleine émergence. Le directeur de la photographie, Billy Blitzer, fut un pionnier dans le domaine en magnifiant ici les paysages de montagnes californiennes. Un autre trésor de l'Histoire du cinéma.
Le voyage à travers l'impossible (1904, Georges Méliès)
Poursuivons dans le cinéma des débuts, avec ce film de Méliès qui ressemble beaucoup au célèbre Voyage dans la Lune, sorti 2 ans auparavant. Le voyage à travers l'impossible est tout aussi charmant que son prédécesseur. Là encore, j'ai été touché par toutes ces tentatives et ces découvertes parfois un peu naïves des origines du cinéma, notamment ici en terme de montage. On sent que l'idée de monter des images pour créer une histoire fluide en était à ses balbutiements, Méliès n'ayant pas eu l'idée d'utiliser les collures sur la pellicule pour dynamiser son intrigue, créant alors quelques scènes "doublons" dès que le cinéaste voulait montrer la même scène sous deux angles différents. Ce qui me fascine le plus avec Méliès, c'est toute la magie du décor, avec des arrière-plans peints à la main sur des toiles, ou encore des objets de décor en carton (comme la fusée). Chaque plan est joli et très théâtral : la même scène de théâtre est utilisée pour tous les plans du film, et ce sont les décors qui changent. La valeur ajoutée, par rapport au pur théâtre, est évidemment l'utilisation du trompe-l'œil ou de divers effets spéciaux et trucages qui rendent certaines scènes bourrées d'inventivité. Magnifique à voir, émouvant aussi.
Curve (2017, Tim Egan)
Je termine avec le court-métrage Curve qui, en l'espace de 9 minutes, m'a époustouflé. Si vous n'avez rien à faire de particulier, faites-moi confiance et donnez-lui une chance. C'est l'histoire d'une femme qui se réveille contre une paroi courbée. Derrière elle, aucune issue : le mur grimpe à la verticale. Devant elle : le vide total, une mort assurée. Elle se tient juste au milieu, sur une surface lisse et courbe, et va faire tout son possible pour ne pas glisser. Curve est un court-métrage dont l'horreur nous saisit à chaque instant, j'étais accroché à mon siège, chaque glissade provoquant des sursauts d'effroi. Laura Jane Turner est géniale dans le rôle, mais j'ai surtout adoré cette idée très originale qui, sans aucun contexte, nous file des frissons. La réalisation est oppressante, j'ai notamment aimé les plans sur les mains qui ont un effet extrêmement vertigineux, comme si nous étions nous-mêmes à la place de la jeune femme. Curve est, en plus, une puissante métaphore de la dépression ou même, pourquoi pas, de l'addiction : peu importe avec quelle force vous voulez en sortir, chaque effort surhumain vous donnera l'impression de ne pas avancer, de sombrer tout de même vers l'inéluctable. Sans aide extérieure, la volonté ne suffira pas. Effroyable.