Portrait de la jeune fille en feu - de Céline Sciamma - Critique

Portrait de la jeune fille en feu - de Céline Sciamma - Critique

      Douze ans après Naissance des pieuvres, Céline Sciamma et Adèle Haenel se sont retrouvées en 2019 pour Portrait de la jeune fille en feu. Ce drame, écrit par la réalisatrice, prend place au 18e siècle et relate l'histoire d'amour impossible entre Héloïse, une jeune noble, et Marianne, une peintre chargée de faire son portrait en vue de son mariage arrangé. Le film, acclamé par la critique, a remporté quelques prix et il me tardait de le voir non sans une certaine appréhension.

 

Portrait de la jeune fille en feu - de Céline Sciamma - Critique

      Ma relation avec Céline Sciamma, en effet, n'est pas toujours une grande histoire d'amour. Lorsque j'avais découvert Naissance des pieuvres en 2012, j'avais été subjugué par les sublimes atmosphères, la photographie, la mise en scène déjà prenante pour un premier film, et surtout une conclusion de 6 minutes saisissante, restée gravée encore jusqu'à aujourd'hui. Parfois, j'y repense et je me repasse l'extrait. Malheureusement, le film n'avait pas été un coup de cœur à cause de dialogues surécrits qui m'avaient beaucoup ennuyé. Dix ans plus tard, en 2022, j'ai découvert Petite Maman que j'ai absolument détesté. Ce fut un supplice de le terminer, tant les dialogues, qui manquent de vie et de crédibilité, m'ont horripilé. 

 

      Alors, quand je me suis lancé dans Portrait de la jeune fille en feu, film de costumes français ayant lieu en 1770, j'ai eu peur de me faire chier comme jamais. Le verdict est bien plus positif : j'en suis ressorti satisfait, même si je dois encore remarquer qu'il y a un gros problème avec l'écriture des dialogues.

 

Portrait de la jeune fille en feu - de Céline Sciamma - Critique
Portrait de la jeune fille en feu - de Céline Sciamma - Critique

      La mise en scène ainsi que la photographie sont sublimes. Il n'y a pas à dire, le film regorge d'idées, de points de vue, de mouvements de caméra qui sonnent justes... tant qu'ils restent silencieux. Les actrices sont époustouflantes de talent. Si j'adorais déjà Adèle Haenel avant de voir le film, je craignais de devoir supporter la présence de Noémie Merlant, sur qui j'avais d'énormes a priori négatifs. Sciamma est cependant parvenue à me faire apprécier cette comédienne, ce qui n'était pas gagné d'avance. Toutes deux sont parfaites : Céline Sciamma crée des instants électriques entre les deux personnages. On ressent le trouble dans leur souffle, il y a de véritables moments suspendus qui rendent le dénouement profondément tragique.

 

Portrait de la jeune fille en feu - de Céline Sciamma - Critique

     De même, la forme fantomatique d'Héloïse qui apparait puis disparait dans l'ombre est une brillante idée de mise en scène qui trouve son explication en fin de film, ce sont toutes ces petites choses qui permettent parfois au Portrait de la jeune fille en jeu de toucher la grâce. Si seulement... si seulement les dialogues étaient à la hauteur du reste ! Durant deux heures, pas une réplique ne sonne juste. J'ai soupiré à de multiples reprises en subissant ces clichés bourrés de mièvrerie ou de naïveté, ces dialogues dont on aurait clairement pu se passer entre les deux jeunes femmes. A vrai dire, le film aurait presque pu être entièrement silencieux, car les regards, les gestes et les respirations des deux personnages offraient des moments captivants et émouvants, presque poétiques. Mais dès que l'une des répliques est prononcée, tout retombe comme un soufflé, les dialogues viennent gâcher des scènes magnifiques car ils sont sans substance, prévisibles, inutiles. Vides. 

 

     Ce déséquilibre est profondément frustrant et, jusqu'à la toute fin, je ne savais pas dire si le film m'avait davantage conquis ou agacé. Et puis, le plan final est venu tout renverser. En deux minutes seulement, Céline Sciamma et Adèle Haenel sont venues réaliser le même exploit qu'avec Naissance des pieuvres : la séquence finale est d'une tristesse mélancolique telle que j'ai dû retenir mon souffle. J'aurais presque voulu offrir à Adèle Haenel un César, là, tout de suite. Nul doute que cette scène restera marquée comme celle de la danse sur fond de la musique de Para One dans Naissance des pieuvres. Ces deux femmes sont capables de miracles ensemble.  

 

     En conclusion, Portrait de la jeune fille en feu m'aurait totalement emporté si les dialogues ne m'avaient pas sorti constamment du film et de son émotion. C'est dommage, car c'est tout de même sacrément beau.

 

 

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
R
L’un des films les plus splendides visuellement ces dernières années. Il me semble l’avoir vu en consultant la dernière édition du top 250 de la revue Sight and Sound.<br /> Je n’avais pas de souvenir de cette gabegie au niveau des dialogues.<br /> J’ai juste le souvenir de plans somptueux, d’une ambiance générale reflétant ce temps suspendu, cette parenthèse dans le cour de leur vie que vivent les personnages durant ce bref moment passé ensemble. Pour moi ça serait un top 500, mais ça mériterait bien une révision.
Répondre
S
Je crois que c'est moi qui ai un souci avec les dialogues de Sciamma, ça sonne vraiment comme le cliché du film français d'auteur comme on se l'imagine.