Une balle dans la tête - de John Woo - Dédicace à Ze Ring

Une balle dans la tête - de John Woo - Dédicace à Ze Ring

     Ça y est, c'est fait. Ze Ring, si tu passes dans le coin : j'ai enfin vu ce film que tu me poussais à voir il y a bientôt 15 ans, celui que tu considérais comme le meilleur film de John Woo, celui que t'as vu 50 fois : Une balle dans la tête. Evidemment, t'avais raison : on a ici un film de qualité, avec des scènes marquantes, même si je ne le classerai pas, pour ma part, parmi mes grands chouchous. Il s'en est fallu de très peu, néanmoins.

 

Une balle dans la tête - de John Woo - Dédicace à Ze Ring

       Je n'ai vu le film qu'une fois, cette critique à chaud ne proposera donc aucun point de vue "expert" sur Une balle dans la tête, d'autant que je connais mal John Woo. Si vous souhaitez approfondir les nombreux détails autour du film, vous pouvez jeter un œil sur cet article de Ze Ring datant de 2013 (ou 2010 si on en croit l'URL ?). Je vous conseille également son nouveau blog si vous parlez anglais, car Ze Ring est un cinéphile passionné et passionnant, véritable référence notamment en terme de cinéma asiatique.

 

      Mais revenons à Une balle dans la tête. Avant de le découvrir ce soir, j'avais totalement oublié que ce film était une sorte de remake de Voyage au bout de l'enfer (1978) de Michael Cimino, mais ça m'est revenu dès le début du film avec cette histoire de potes insouciants qui se retrouvent au cœur la guerre du Vietnam. The Deer Hunter étant l'un de mes films préférés (et probablement dans mon top 3 des films de guerre), il était bien difficile de ne pas le comparer à ce film de John Woo, car les ressemblances sont parfois très évidentes. Heureusement, Une balle dans la tête s'affirme par le style unique du cinéaste hongkongais, notamment en terme de mise en scène et de choix de thématiques, ce qui permet au film de ne pas trop souffrir de la comparaison. En effet, même si les éléments de scénario sont parfois identiques (le démarrage assez long sur fond de mariage, mais surtout la dernière heure du film lorsqu'ils sont faits prisonniers et que le film embraye sur de la torture psychologique), les deux films n'ont pas grand-chose à voir sur le plan visuel. 

 

Une balle dans la tête - de John Woo - Dédicace à Ze Ring

      Là où Michael Cimino insistait sur la psychologie de ses personnages, avec notamment l'évolution de Nick (Christopher Walken) suite à son traumatisme, John Woo propose quelque chose de bien plus frontal, mettant l'accent sur la violence physique et les gunfights en veux-tu en voilà. De ce côté, je donne clairement ma préférence à Voyage au bout de l'enfer, dans lequel les répercussions morales se ressentaient via les regards, les visages, les larmes, là où Une balle dans la tête me laisse avec une sensation d'explosions en pagaille et de types qui passent leur temps à se flinguer ou à chuter au ralenti. La séquence de torture morale est à mon goût un poil plus réussie chez Cimino : j'y ressentais toute la tension, le dilemme palpable, la douleur psychologique dans les yeux de Walken et dans les rires nerveux de De Niro. Ici, même si j'adore Tony Leung qui arrive à se dresser pratiquement au niveau de De Niro, et même si la séquence reste tout de même ultra efficace et violente, le côté excessif de l'ensemble (jeu d'acteur de Jacky Cheung, fusillades) m'a fait tiquer. C'est le style de John Woo, certes. J'y suis moins sensible. 

 

Une balle dans la tête - de John Woo - Dédicace à Ze Ring

      Malgré tout, et même si Voyage au bout de l'enfer restera à tout jamais inégalable à mes yeux pour traiter des horreurs de la guerre et de leurs répercussions, Une balle dans la tête n'en reste pas moins génial à regarder, car John Woo a su revisiter le film de Cimino tout en se l'appropriant réellement. J'ai, par exemple, adoré l'histoire de l'amitié brisée, avec le personnage de Waise Lee qui trahit ses amis pour une boîte pleine d'or. L'idée rajoute encore plus de nihilisme et ça renforce toute l'atrocité de cette guerre. Par ailleurs, tout ce qui est lié au titre du film - cette fameuse "balle dans la tête" - est brillant et apporte un peu de complexité aux personnages et aux situations.

 

      Le film a même failli devenir un coup de cœur avant que le dernier acte du film ne me déçoive ; je n'ai pas vraiment compris l'intérêt de la scène de course poursuite finale en voiture, qui gâche à mon goût toute la construction dramatique mise en place juste avant. D'ailleurs, le film hongkongais est plus intéressant que la version de 1978 en terme de poésie tragique, notamment à travers la musique que j'ai trouvée exceptionnelle d'un bout à l'autre. La BO, signée James Wong, m'a marqué pendant deux heures et parvient à surpasser celle de The Deer Hunter (qui était elle-même mémorable). Il y a un côté Ennio Morricone et grand western.

 

 

       Pour conclure, Une balle dans la tête est un excellent film sur la forme comme sur le fond, malgré une certaine profusion au niveau du jeu des acteurs comme des effets pyrotechniques. Je le recommande sans hésiter.

 

 

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Z
Mais! Je reve!<br /> Je n'etais pas sur que tu allais aimer.<br /> J'ai cherche un moment qui Li Zi-Xiong etait ; tu utilises le nom en mandarin de Waise Lee ; mais a Hong Kong on parle le cantonais, et les gens ont tres souvent des prenoms occidentaux a cause du passe de Hong Kong en tant qu'ex-colonie britannique.<br /> J'etais sur que tu allais approcher le film via ses ressemblances avec Voyage au bout de l'enfer, mais en fait c'est beaucoup plus complexe que ca.<br /> D'une part Une balle dans la tete n'est pas vraiment un film de guerre, c'est ce qu'on appelle un "heroic bloodshed" ou un "hero movie" ; un sous-genre du polar hongkongais ne dans les annees 1980 qui raconte des histoires romantiques et romanesques de gangsters chevaleresques. Ca parle beaucoup d'amitie, de famille, de devoir, de loyaute, de code de la chevalerie... Et c'est fondamentalement une retranscription dans un contexte contemporain du wu xia pian ; le film de sabre et de chevalerie chinois, genre dans lequel John Woo a fait ses premieres armes en tant qu'assistant-realisateur de Chang Cheh (Un seul bras les tua tous, La rage du tigre...)<br /> Du coup c'est pour ca qu'Une balle dans la tete est un film beaucoup plus poetico-tragique que Voyage au bout de l'enfer : c'est ca qu'il est cense etre. Le contexte vietnamien est un resultat des obsessions de John Woo, sa colere vis-a-vis du massacre a Tian'anmen l'annee d'avant, son passe d'exile (il est ne a Canton en 46 mais sa famille a fui le regime communiste chinois peu apres leur victoire en 1949)... C'est pas vraiment la these centrale du film, a l'inverse de celui de Cimino. Woo s'interesse a des valeurs d'amitie, de famille et de code chevaleresques, et Une balle dans la tete est le moment ou son cinema bascule completement vers quelque chose de beaucoup plus desenchante ; la guerre au Vietnam devient un espece de point d'orgue pour un monde ou l'honneur, les valeurs traditionnelles et le code n'ont plus cours.<br /> C'est d'ailleurs pas pour rien que le personnage le plus chevaleresque du lot, joue par Simon Yam, se promene partout avec un costume blanc tache de sang, et perd son bras comme un des sabreurs manchots de l'ere Chang Cheh ; la figure quintessentielle du film de chevalerie chinoise.<br /> Et du coup c'est la que fait sens le dernier acte, le retour a Hong Kong, la confrontation finale par les armes entre le chevalier blanc de la mythologie chevaleresque chinoise (ici completement dechu et finalement detruit par ce qui s'avere etre un acte de vengeance futile) et le traitre fourbe qui a echange ses valeurs pour des acquisitions materielles qu'il ne peut pas emporter avec lui quand il passe l'arme a gauche.<br /> Personellement je trouve que la poursuite finale est le point d'apotheose du film ; d'une part l'action est dantesque, d'autre part c'est tres emouvant de voir ces amis revenir sur les lieux de leur enfance, tous les trois changes completement par la guerre et ce qu'elle leur a fait subir. C'est beaucoup mieux que la fin qu'on a failli avoir (ou Tony Leung va voir Waise Lee au bureau et le tue sans sommation).<br /> <br /> Content que ca t'ait plu en tout cas!
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S
Je vois oui, la démarche est différente mais je m'y attendais, j'ai dû voir seulement 2 ou 3 John Woo et y'a toujours un peu cette violence et ces fusillades au ralenti. Je tenterai The Killer un jour, étant donné que tout le monde en parle tout le temps comme étant une référence. À toute épreuve j'avais essayé il y a plusieurs années et ça ne m'avait pas emballé, j'avais arrêté en me disant que ce n'était pas le moment. À voir dans quelques temps pourquoi pas !
Z
Les codes chevaleresques sont la, mais c'est a partir de ce film que Woo a commence a devenir veritablement desenchante, et le film parle plutot de la disparition des codes. Il y a deja un peu de ca dans The Killer, sorti l'annee precedente, mais le film est extremement romantique et chevaleresque ; d'ailleurs si tu as aime Une balle dans la tete il y a de grandes chances que tu aimes aussi The Killer, A toute epreuve et Le syndicat du crime.<br /> Plus qu'un remake du Cimino, Une balle dans la tete est aussi un remake lointain d'un film de Chang Cheh, Freres de sang, sorti en 1973 ; Une balle dans la tete est une espece de fusion des deux films, refletant les influences traditionelles de Woo mais aussi son amour du cinema etranger (Woo ne se cache pas d'avoir ete influence par Kinji Fukasaku, Enzo Castellari, Sam Peckinpah, Jean-Pierre Melville, Stanley Donen, Gene Kelly, Francois Truffaut, etc).<br /> La violence c'est une partie essentielle de l'heroic bloodshed, la culmination totale de toutes les tragedies et dilemnes moraux. Les personnages de ces films vivent par l'arme et meurent par l'arme, tous leurs differends doivent se resoudre par une confrontation martiale.
S
Merci pour tous ces détails, dont certains que j'avais déjà lus sur ton article ;) Ça apporte un éclairage intéressant sur certains aspects, même si je n'ai pas tellement ressenti cette thématique des codes chevaleresques.<br /> <br /> En effet j'ai adoré le film, et je pense que j'ai eu raison d'attendre si longtemps, je ne pense pas que le film m'aurait autant plu il y a 10 ans par exemple.<br /> <br /> J'ai changé le nom pour Waise Lee, merci de l'avoir fait remarquer. Quant au rapprochement avec le Cimino, ça m'a paru tout naturel vu la ressemblance de la trame et de certaines scènes en particulier. <br /> <br /> Quant à la fin, effectivement celle-ci est meilleure que l'autre que tu décris, mais j'ai trouvé ça un peu too much, je ne pensais pas que ça se finirait à nouveau dans la violence après toute celle qu'ils ont déjà traversé.
Z
Et un meilleur lien pour la BO : https://www.youtube.com/watch?v=VZrRYAPMUAY&t=576s