Ca faisait un moment que je voulais le voir et c'est enfin fait. Comme je m'y attendais, ce film de 1957 est absolument génial et jubilatoire. Ce
premier long-métrage de Sidney Lumet est un huis clos prenant, passionnant même si légèrement prévisible dans sa trame. Pendant 1h30, on suit
le débat de 12 jurés au coeur d'une affaire de meurtre. Un jeune homme originaire de quartier pauvre est accusé d'avoir assassiné son père avec un couteau. Toutes les preuves sont contre lui. Les
12 jurés se retirent dans une salle et procèdent alors à un vote. Tous lèvent la main pour la culpabilité du garçon sauf un, le juré numéro 8, bien décidé à ne pas le condamner à mort sans avoir
pris le temps de réfléchir un peu. Et le vote doit se faire à l'unanimité.
Superbe film dont j'avais déjà vu un remake dans un épisode de la série
Dead Zone. Pendant 90 minutes, on se plonge dans une affaire dont on ne sait rien, mais au fil du temps on apprend les faits, les
accusations, les témoignages et les revendications de chaque personnage. 12 hommes en colère est vraiment un coup de maître, car il parvient, à partir d'une simple scène de crime, à nous tenir en
haleine jusqu'au bout alors que tout se passe au centre de la même pièce. Un huis clos bien pensé, bien écrit, auquel on participe également puisqu'on réfléchit, on se demande comment tel
argument peut être réfuté afin d'arriver au "
Doute Légitime".
Premièrement, le film nous montre à quel point un jugement basé sur la
démocratie peut être bancal et litigieux. On réalise que sans le
juré n°8, les autres seraient passés à côté d'un nombre incroyable de détails et auraient
condamné un homme à mort sans prendre la peine de réfléchir plus de 3 minutes 30. Le film appuie sur le fait que la vie d'un homme ne dépend de pas grand chose dans ces moments-là, car elle ne
tient qu'au jugement de 12 personnes prises au hasard, or l'erreur est humaine. Dans le cas présent, le
juré n°8 se trouve être un bien meilleur avocat que
celui du jeune homme accusé, et on ne peut qu'être émerveillé par son esprit de déduction et de persuasion. Tour à tour, il confronte chaque membre de juré à ses problèmes personnels et parvient,
à l'aide d'exemples simples mais puissants, à les faire douter. Il est intéressant de voir toutes ces personnes se confrontent et se prendre la tête sur un même problème, et de ce côté il faut
dire que les dialogues sont grandioses. Les répliques sont bien pensées, elles nous dévoilent petit à petit les personnalités de chaque juré ainsi que leurs idées. Et nous aussi, on est à fond
dedans. Car en voyant la solidité des preuves existant contre l'accusé, on se demande bien par quel miracle un doute peut être posé. Mais chaque élément de l'accusation est examiné et s'avère
réfutable. C'est jouissif et certaines situations sont franchement bien trouvées, le
juré n°8 poussant les autres à bout afin de démontrer ce qu'il avance (il
pousse le
n°3 à crier "
je vais le tuer !" ou à penser que le témoin âgé de 75 ans
n'est pas infaillible, démontrant ainsi que les arguments de l'accusation sont discutables. L'histoire du couteau est également géniale et inattendue, je me suis dit "
Ah la vache, c'est très fort !"). Le thème de la démocratie est très présent, puisqu'on se rend compte à la fin, lorsque deux d'entre
eux échangent leurs noms à l'extérieur, qu'on n'a jamais su comment ils s'appelaient, renforçant ainsi l'idée d'anonymat des jurés. On réalise que les noms, qui caractérisent habituellement les
personnages, ne sont ici pas importants.
Car effectivement, les personnages sont ici entièrement définis par leurs
caractères et leurs opinions. Le film traite du racisme et du jugement hâtif, des préjugés qui peuvent peser contre un homme, mais également du débat et de la confontation d'idées. Le réalisateur
explore tous les traits de caractère, comme la colère, le doute, l'émotion qui submergera le
juré n°3 à la fin, anéanti. Chaque personnage va réaliser, grâce
à l'argumentaire du
juré n°8, qu'il n'a vraiment pas réfléchi assez à la question et que des choses toutes bêtes qu'ils croyaient acquises s'avèrent douteuses
(plus particulièrement le
juré n°4 - photo - avec l'histoire des lunettes sur le nez). Les acteurs sont grandioses. C'est la première fois que je vois
Henry Fonda et je le trouve génial. Il a la classe et il faut dire qu'il est absolument parfait pour le rôle. Un homme assez calme, cool,
réfléchi et terriblement intelligent.
Martin Balsam est également excellent, je l'ai déjà vu dans quelques films comme
Psychose,
La Classe Américaine ou
Little Big
Man et j'ai hâte de le retrouver dans
Diamants sur Canapé et
Le Crime de l'Orient
Express. Je ne vais pas tous les citer mais que ce soit
John Fiedler,
Lee J.
Cobb,
Jack Warden,
E.G. Marshall ou
Joseph Sweeney en petit père respectable, ils sont tous parfaits. On apprend à connaître chacun d'entre eux, et il est marrant de voir à quel point
Sidney Lumet peut rendre ces 12 personnages aussi captivants, là où d'autres réalisateurs peinent à faire de même avec 3. Le cinéaste
maîtrise également sa caméra, et il vaut mieux. En effet, à part la caméra, les dialogues et les acteurs, le film n'a rien d'autre pour séduire. Aucune musique, un fil narratif assez attendu
(bien que palpitant). Et pourtant, la tension est présente, à travers cette confrontation des personnages, dont la plupart ont des idées bien arrêtées sur la question. Le film est optimiste
concernant l'intérêt d'un débat, et la possibilité de modifier l'avis d'individus convaincus qu'ils ont raison. La tension passe aussi par la caméra, donc,
Sidney Lumet commençant son film en plongée et le terminant progressivement en contre-plongée, donnant ainsi un effet de claustrophobie. Les plans durent
parfois assez longtemps, ce qui leur donnent une valeur incroyable.
Ce film est donc un sacré chef d'oeuvre, peut-être trop prévisible aujourd'hui car on a l'habitude de ce genre de trames et que le synopsis annonçait
fortement la couleur, mais le scénario parvient néanmoins à nous surprendre constamment. Et on se dit que si nous avions fait parti des jurés, non seulement on n'aurait jamais pensé à tout ça,
mais en plus on aurait été convaincus par les arguments du
juré n°8. Ca fait peur vis-à-vis du système juridique un peu bancal.