Du haut de ses 80 ans, on est en droit de se dire que
Clint Eastwood
réalise là un film très personnel. Le réalisateur se pose-t-il des questions sur la vie après la mort ? En tout cas, il tente ici d'y apporter une réponse basée sur le paranormal et ça me plait.
Pour moi qui suis super intrigué par les témoignages de mort imminente, je dois dire que le sujet du film m'a automatiquement passionné. Le scénario se divise en trois intrigues qui traitent de
la mort sous trois points de vue différents.
George (
Matt Damon) est medium et parvient à contacter des
personnes décédées, mais ce travail le hante et il a décidé d'arrêter, afin de vivre une vie normale.
Marie Lelay (
Cécile de France) est journaliste pour
France Télévision et subit malgré elle une expérience de mort imminente.
Quant au gamin
Marcus, il vient de perdre un être très cher à ses yeux, son frère jumeau
Jason. Il n'arrive pas à vivre
sans lui et ne parle plus à personne à part à sa mère dont il est malheureusement séparé depuis le drame. Par l'intermédiaire de ces trois personnages,
Clint
Eastwood nous offre trois visions différentes de la mort et c'est relativement intéressant. Le sujet traité est intrigant, mais le scénario laisse parfois à désirer.
Pourtant, ça commence fort, très fort. Dès les premières minutes, le réalisateur entre directement dans le vif du sujet sans traîner.
Il nous présente rapidement le couple
Marie/Didier avant de leur faire subir une catastrophe naturelle : un tsunami. Visuellement, la scène du tsunami est
impressionnante, vraiment bien foutue et dévastatrice. Filmé avec réalisme, ce passage nous mène droit sur une première intrigue.
Marie se noie dans les
remous de la déferlante (on a droit à une scène des plus sublimes, avec un zoom sur son dernier regard) et passe "de l'autre côté". Là,
Clint
Eastwood nous donne un aperçu de ce qu'il y a après la mort selon lui, le tout dans une ambiance vraiment géniale. On est plongé dans cet univers étrange et j'ai été captivé par
les images. Puis, elle est ramenée à la vie et à partir de ce moment, tout change pour elle. Obnibulée par ce qu'elle a vu, elle va tenter par tous les moyens d'ouvrir les yeux aux gens sur le
sujet en écrivant un livre, jouant de sa notoriété. Cette intrigue aurait pu être passionnante, malheureusement la suite de ce scénario n'est pas à l'image de son début gigantesque. Après le
tsunami, l'intérêt retombe subitement pour ce personnage.
Cécile de France est loin d'être mauvaise, c'est même la classe d'avoir un casting
français et autant de dialogues en français dans un film américain, mais l'histoire ne prend pas. On nous montre sa vie quotidienne, son travail en tant que journaliste, ses discussions avec son
mari
Didier, et honnêtement on s'en fiche royalement. Le personnage n'en demeure pas moins très important, mais le scénario aurait quand même pu être plus
palpitant. Pour être franc, dès que le film s'attardait sur cette histoire, je m'ennuyais.
Thierry Neuvic est néanmoins excellent, mais tout
ce qui est raconté ici est presque sans intérêt. On suit l'évolution de la jeune femme et sa façon de voir les choses, mais il n'y a guère que deux bons passages à retenir la concernant. Le
premier, c'est le début bien sûr, j'en ai déjà parlé. Le deuxième, c'est lorsqu'elle va voir un médecin pour lui raconter son expérience, qu'elle apprend que son cas est assez fréquent et que des
témoignages du style abondent. A part ça, pas grand chose à se mettre sous la dent et j'ai largement préféré les intrigues de
Marcus et
George, vraiment prenantes et touchantes.
En effet, l'intrigue centrée autour des jumeaux est, elle, charmante Les acteurs
George et
Frankie McLaren sont époustouflants, vraiment touchants. J'ai lu que, pendant le
tournage, les deux acteurs avaient interprété alternativement les deux personnages, chose qu'il est impossible pour nous de remarquer évidemment. Cet effet était pour renforcer la connexion
particulière entre les deux personnages, pour accentuer cette notion de "deux moitiés d'un tout". Bref, l'histoire est vraiment très touchante, grâce aux deux jeunes acteurs très attachants. Ils
ont vraiment une tête sympathique et on éprouve de la tristesse à de nombreuses reprises. La scène la plus mémorable reste certainement lorsque
Marcus attend
plusieurs heures en bas de chez
George. Le medium est probablement son dernier espoir d'avoir un contact avec son frère qu'il a tragiquement perdu. Leur
séparation est d'autant plus déchirante que le lien entre deux jumeaux doit être incroyablement intense. Grâce à cette intrigue,
Clint
Eastwood dénonce quand même implicitement les dangers d'Internet, puisque c'est grâce à Google que
Marcus rencontre
George et se retrouve seul chez lui, sans que personne ne sache où il est. Le réalisateur ne manque pas non plus de mettre le point sur le nombre impressionnant
d'arnaqueurs qui se servent de la souffrance des gens pour gagner de l'argent. D'ailleurs, le frère de
George représente typiquement ce genre de personnes,
prêt à tout pour se faire du fric sur le dos de son frère en montant un business dont le medium ne veut pas.
Et c'est incontestablement cette dernière intrigue qui m'a le plus passionné.
Matt
Damon est vraiment l'un des meilleurs acteurs de cette génération et il le prouve haut la main. Touchant, profond, son personnage est confronté tous les jours à la mort et cherche
à fuir ce don qu'il considère comme une malédiction. On a quelques scènes à la
Dead Zone vraiment géniales, qui nous replongent dans cet
univers après-mort tout calme et reposant. J'ai beaucoup aimé la façon avec laquelle le personnage de
George a été traité, et notamment tout le passage avec
Bryce Dallas Howard. Cette actrice, que j'avais déjà trouvée excellente dans
La Jeune Fille de
l'Eau et surtout
Le Village de
Shyamalan, est ici l'un des gros points
forts du casting (et à mon goût le plus important). Drôle, touchante, originale, c'est un personnage que j'ai regretté de ne pas avoir vu plus longtemps. Elle permet juste de montrer qu'il est
extrêmement difficile pour
George de nouer le contact avec quelqu'un. A ce propos, j'ai été assez déçu par la fin du film (la toute fin), lorsqu'on nous
laisse entrevoir une relation amoureuse entre
Marie et
George. J'ai trouvé ça particulièrement décevant et je m'attendais
à un final beaucoup plus intense en émotion, comme
Eastwood sait les faire. Par contre, le réalisateur aborde constamment un thème
intéressant : celui du destin et de la coïncidence. Même si on s'y attendait un peu, nos trois personnages se retrouvent à la fin au même endroit, leurs destins se croisent et j'ai trouvé ça
beau. Notamment, comme je l'ai déjà dit, l'histoire entre
Marcus et
George qui finalement vont s'aider mutuellement à
avancer. C'est quelque chose d'assez fort. On retrouve également cette notion de destin lorsque la casquette s'envole de la tête de
Marcus dans le métro, lui
permettant alors d'échapper à la mort. Vraiment très beau, d'autant que les frères
McLaren sont surprenants et émouvants.
Le film souffre donc de quelques longueurs, notamment pour le personnage de
Marie, mais les sujets
abordés sont passionnants et le film a été fait avec une sensibilité extrême. Une sensibilité qui nous touche et il est clair qu'on n'en attendait pas moins de la part de
Clint Eastwood. La musique est typiquement Eastwoodienne, douce mais pas mélo-dramatique. On retrouve plusieurs airs au piano très proches des musiques
de
Gran Torino. D'ailleurs, le cinéaste a lui-même participé à la BO en composant deux thèmes. C'est donc pour moi un film en partie réussi,
mais en partie seulement car la fin est à mon avis quelque peu ratée.