J'ai déjà fait deux articles pour ce film, un petit pour présenter à ceux qui ne le connaissaient pas, un autre pour la BO absolument splendide. Mais ce n'est pas suffisant, il faut vraiment que je parle de mon film préféré plus en détails, car j'ai énormément de choses à dire dessus. Cet article est donc consacré exclusivement à ceux qui ont vu le film.
Premièrement, le film a été réalisé par
Sean Penn. J'appréciais assez cet acteur avant (dans
Mystic River ou
21 Grammes où il est poignant), mais le seul fait d'avoir pondu cette merveille qu'est
Into the Wild lui donne mon respect éternel. Il faut dire que le bonhomme s'était intéressé à cette histoire dès la fin des années 1990 et aura mis 10 ans pour concrétiser son projet avec l'accord de la famille de
Christopher McCandless. Pour le réaliser, il s'est très fortement inspiré du livre de
Jon Krakauer, "
Voyage au bout de la solitude". Commençons par parler un peu de ce livre, que je vous conseille de lire. Après avoir découvert le film, il a fallu que je lise cet ouvrage de
Krakauer, ne serait-ce que pour savoir où était le vrai du faux, et pour avoir des détails supplémentaires sur ce jeune homme qui m'a tant touché. L'auteur du bouquin a mené son enquête sur
Christopher McCandless après avoir appris dans un journal qu'on avait retrouvé le corps sans vie d'un jeune homme dans un bus abandonné au fin fond de l'Alaska. Il a donc parcouru les USA pour retrouver des personnes que
Chris avait cotoyé, leur demander comment il était afin d'en savoir le plus possible pour retracer son parcours. Et en lisant le bouquin, j'avoue que j'ai été très surpris. Je savais que le film était tiré d'une histoire vraie et je pensais que de grosses libertés avaient été prises, eh bien même pas. C'est absolument dingue, mais 95% de ce qui est montré dans le film a réellement eu lieu. En parcourant le livre, on réalise à quel point le film est fidèle, et c'est incroyable de voir le boulot fourni par
Sean Penn jusqu'à certains tout petits détails. Je croyais que
Into the Wild était
tiré d'une histoire vraie, alors qu'en fait il
est une histoire vraie tout court. Tous les propos rapportés par les personnes qui ont croisé
Christopher McCandless sont magnifiquement adaptés à l'écran, et il faut savoir que le jeune homme était tel que le film le décrit (à ceci près qu'il est montré un peu plus imbu de lui-même et sûr de lui dans le livre que dans le film). Seuls deux détails sont assez "différents" de la réalité : la descente en kayak et la mort de
Chris. Dans le film, il est dit que le jeune homme a descendu tout le Colorado en kayak, en tant que débutant, ce qui est hautement improbable. Par contre, le livre explique que
Chris a bien descendu une partie du Colorado, la partie basse qui est beaucoup moins tumultueuse et dangereuse. Concernant la mort de
Chris, le film insiste sur une stupide erreur commise par le jeune homme, qui aurait confondu deux plantes similaires. En fait, d'après
Krakauer il est plus probable que
Chris avait bien identifié la plante en question (racines de patate douce), mais qu'en plus des racines il aurait également mangé les graines qui ne sont pas comestibles (et ça, personne ne le savait).
Qui était-il donc ? Lassé de la société, des relations conflictuelles entre ses parents, du matérialisme, il avait une idée dans la tête que personne ne pouvait lui enlever : il fallait qu'il abandonne tout derrière lui afin de découvrir qui il était vraiment. Selon lui, la société actuelle et le matérialisme empêchent l'Homme de montrer sa vraie Nature. Il est donc parti en quête de lui-même, loin de la société. Cette recherche spirituelle devait se terminer dans la solitude la plus totale au beau milieu de l'Alaska, seul face à la vie sauvage. Une aventure humaine qui l'a mené à rencontrer plein de monde (il a fallu qu'il travaille pour s'acheter l'équipement nécéssaire à sa survie). Et tout ce monde a vraiment été marqué par
Chris, de façon positive, alors qu'il n'est resté que quelques jours avec eux, ou pas plus de deux semaines. Il a même eu un impact très fort sur
Ron Franz (le petit père qui voulait l'adopter, dont le vrai nom a été modifié sur demande d'anonymat), c'en est presque bouleversant. Quel est alors le caractère de
Chris ? Beaucoup de gens considèrent que c'est un égoïste, naïf et incompétent qui a eu finalement ce qu'il méritait, mais le livre de
Jon Krakauer nous éclaire lui aussi un peu plus là-dessus. Il s'avère que, même s'il a été dégoûté par ses parents (comme le film le signale dans une excellente scène où
Chris explique à
Wayne qu'il en a marre de la société, des codes et des règles) et que ce fût certainement l'une des raisons de son départ, il n'y avait pas QUE ça, au contraire. Comme le dit la soeur de
Chris (dans le film), il était guidé par autre chose : par un idéal qu'il voulait atteindre à tout prix. D'ailleurs, même s'il a failli renoncer à plusieurs reprises (probablement par un ras-le-bol, notamment lorsqu'il s'est pris une tempête de sable), sa motivation a toujours repris le dessus au dernier moment. Finalement, s'il n'était pas mort, je ne suis pas sûr que
Chris aurait arrêté son voyage comme ça, car il avait une volonté de découvrir le monde et de creuser un peu plus cette philosophie de vie qui semblait lui convenir entièrement (mais il aurait continué dans une moindre mesure, car à la fin il se rend compte qu'on ne peut pas être heureux en restant reclus ainsi). Alors peut-être était-il un peu naïf, certes, mais au moins il a suivi ses rêves et a atteint son idéal de vie. Pour ceci, je ne peux qu'être admiratif de sa démarche. Même si le fait de ne donner aucune nouvelle à sa famille est dérangeant, il a vécu ce qu'il voulait vivre, et on n'a qu'une vie pour faire tout ça. Donc non,
Chris n'était pas un asocial, d'ailleurs tous les gens qu'il a rencontré gardent un agréable souvenir de leur rencontre avec lui, le décrivant comme un homme intelligent, sympathique, qui aimait les gens. Seulement, il ne pouvait plus supporter de rester dans le moule social. D'ailleurs, certains critiquent le fait qu'à chaque fois que
Chris rencontre des gens (notamment
Jan/Rainey et
Ron Franz), il fait preuve d'égoïsme en les quittant sans se retourner. Mais c'est pourtant clair : dans l'esprit de
Chris, il part simplement à l'aventure pendant quelques temps en Alaska, puis va revenir pour passer du temps avec eux. Dans sa tête,
Chris VA revenir et préfère ne pas passer du temps à se morfondre et à s'attacher trop aux personnes qu'il rencontre, sous peine de ne plus jamais avancer. Bref, pour finir
Chris n'était à mon goût pas incompétent ni totalement inconscient (bien que légèrement). Même s'il n'avait pas énormément d'équipement, il a mis plus de 2 ans à se préparer à sa grande aventure en Alaska. Que ce soit l'entraînement physique comme les préparatifs, il était plus ou moins au point (par contre, même s'il s'était renseigné sur la façon exacte de découper et faire cuire le gibier, il n'a pas réussi à conserver sa viande de façon efficace). A ce propos, le bouquin nous en apprend une bonne, que je m'en vais vous relater : il se trouve que lorsque
Chris note sur son journal qu'il n'aurait "jamais dû tuer cet élan", des gens ont cru bon de le critiquer en affirmant (se basant sur des photos retrouvées de la carcasse de l'animal) qu'il ne s'agissait pas d'un élan mais d'un caribou, et qu'il était pitoyable de ne même pas reconnaître l'animal qu'il avait tué. Eh bien
Jon Krakauer rétablit la vérité en confirmant que l'animal était bien un élan, et j'avoue que ça m'a fait rire. Pour terminer ce petit paragraphe, je vous emmène sur
ce lien qui décrit brièvement la personnalité de
Chris McCandless en s'appuyant sur le bouquin.
Maintenant que j'ai parlé de
Chris et du livre de
Krakauer, je vais me reconcentrer sur le film de
Sean Penn. Si ce film a directement pris la première place de mon top 10 des meilleurs films de tous les temps, c'est parce que l'histoire m'a touché. Soyons clairs : pour moi, le cinéma est à 50% une affaire d'émotion. C'est comme ça, vous ne me referez pas : je suis sensible à l'émotion sur grand écran et ça conditionne mes goûts.
Into the Wild, pour moi, est un film magnifique en tous points, car il joue beaucoup sur cet aspect. Bien évidemment, la fin du film est d'une émotion négative extrême. La scène fait frissonner, nous tire des larmes. Toute la fin du film a une dimension dramatique incroyable, notamment avec ce passage où le père de
Chris (admirablement joué par
William Hurt) est effondré au milieu de la route, presque en pleurs, pendant que son fils note sur son livre que "
le bonheur n'est réel que partagé". La musique de
Michael Brook renforce cet effet avec la superbe musique "
Where are they now ?", dramatique à souhaits. De plus, le fait de savoir qu'il a été retrouvé seulement 15 jours plus tard en rajoute.
Mais ce n'est pas tout ce qu'on a à se mettre sous la dent en terme d'émotion. On a surtout beaucoup d'émotion positive, comme un boost d'énergie, de vie, d'humanité qui nous emplit lorsqu'on regarde
Into the Wild. Un sentiment de liberté (c'est cliché mais c'est pourtant ça), de "vrai". On se dit que Chris vit VRAIMENT, tout en suivant une ligne de conduite, un ensemble de principes relativement admirables comme la générosité et toute cette philosophie de vie qui est passée par la tête d'un grand nombre de gens à un moment de leur vie. Le film est une ode à la Nature, qui nous pousse à nous demander "
tout ce que j'ai actuellement en ma possession m'est-il vraiment utile pour vivre ?" et finalement "
Est-ce que je vis vraiment, où est-ce que je me contente d'entrer dans un stéréotype social quasiment obligatoire ?". Certains ne supportent pas d'entrer dans ce monde d'hypocrisie et
Christopher McCandless était de ceux-là. Et pour l'éviter, il n'y a pas vraiment d'autre choix que de suivre le parcours qu'il a entreprit. Bref, je parlais d'émotion positive et la voilà : le simple fait de voir le personnage aussi heureux de vivre le moment présent est un ravissement pour le spectateur.
Tout le film regorge de sublimes scènes, des paysages d'une beauté hallucinante, avec quelques jolis ralentis, et surtout accompagnés de musiques dignes de ce nom. Et pour ça, on remercie
Eddie Vedder qui, avec notamment la musique
The Wolf, nous immerge complètement dans le film, si bien que les 2h30 passent à une vitesse folle. On ne s'ennuie pas une minute, on savoure les images, la musique, on frissonne. Je suis à chaque fois scotché pendant 2 heures sur cet enchaînement d'images. Mais bien évidemment, le film ne s'arrête pas seulement à ça. Il est monté de manière assez particulière : d'un côté, il est divisé en quatre chapitres : l'
Enfance, l'Adolescence, la Maturité, la Sagesse, et de l'autre il est chronologiquement désordonné au sein même de ces chapitres. Le but du film est tout d'abord de nous montrer le parcours de
Chris avant d'arriver en Alaska (de 1990 à 1992) : les rencontres qu'il a faites, les lieux visités. Mais par moments on avance un peu pour nous préoccuper de la survie du jeune homme au sein de l'immensité de glace qu'est l'Alaska et l'histoire du
Magic Bus (qui existe réellement bien sûr, et
le film a été tourné dans ce même bus * correction : je me suis trompé en affirmant que le film avait été tourné dans le vrai bus 142, il s'agit en fait d'une réplique exacte du vrai bus (au millimètre près, d'où la confusion), Sean Penn et Emile Hirsch n'ont en effet pas souhaité tourner dans le vrai par respect pour la famille McCandless). Enfin, on a souvent en voix off l'histoire du point de vue de
Carine McCandless, la soeur de
Chris, qui nous raconte comme elle a perçu le silence de son frère, cette absence pesante, et nous précise également l'évolution de ses parents. Au milieu de toutes ces scènes,
Eddie Vedder nous bombarde de beautés musicales d'un genre folk-rock, qui donnent une ambiance "routard" qui font du film un excellent road movie. De
Society à
Hard Sun, en passant par un plus mélancolique
Long nights, il nous gâte pendant 2 heures. Sans oublier le sublime
Best Unsaid de
Michael Brook. Mais l'émotion atteint donc son sommet sur
The Wolf, lorsque
Chris est en Alaska et surplombe de magnifiques étendues de glace, que la caméra tourne autour de lui. Cette scène est indescriptible. Tiens, je vais mettre la musique là, parce que c'est toujours génial de la réécouter en dehors du film aussi :