Que dire ? Déjà, dès le début du film j'ai ressenti la patte de
Sofia Coppola, assez proche de
Gus Van Sant dans sa façon de montrer les choses, avec cette intro constituée d'un plan long, trop long pour certains (mais ça reste du
Sofia Coppola, vous savez à quoi vous attendre). Puis la musique s'accélère et le générique apparaît, une musique qui impose l'ambiance et qui m'a fait frissonner dès le départ.
Ensuite, le film ne plaira pas à tout le monde, c'est évident. Si vous aimez le cinéma de
Gus Van Sant (car j'aime me répéter) et les précédents films de la réalisatrice, foncez. Elle reprend plusieurs thèmes très proches de
Lost In Translation, tout en imposant une atmosphère lente qui se traduit par des plans d'une longueur assez folle. Comme dans
Lost In Translation, qui est à mon goût une vraie perle, ce film ne raconte quasiment rien. Mais le fait de ne rien raconter en dit beaucoup quand même. On a encore deux personnages principaux, sauf qu'au lieu des deux inconnus qu'interprétaient
Scarlett Johansson et
Bill Murray, elle nous montre une relation entre un père et sa fille.

La réalisatrice renoue (pour la quatrième fois sur ses quatre films, est-ce une obsession ?) avec le thème de l'ennui. Dès qu'il est seul, le personnage s'ennuie et ça se ressent. Des plans parfois interminables, mais que j'ai savourés (avec une légère lassitude parfois, je l'admets), les images ne racontent aucune histoire (mais vraiment aucune !) et se contentent de nous montrer le petit bout de vie d'un homme complètement paumé, qui n'a pratiquement aucun ami. Seule la présence de sa fille remue sa vie, permettant d'ailleurs au film de vivre un peu, avant que le personnage ne retombe dans un ennui profond dès le départ de celle-ci. Et c'est quelque chose que j'apprécie chez cette cinéaste : la façon avec laquelle elle traite son sujet à la perfection. D'après les quelques critiques que j'ai pu lire, il y a un peu de déception chez les spectateurs. Beaucoup pensent que "c'est trop", que le film dure 1h37 pour rien du tout. Mais justement, le fait de ne rien raconter a quelque chose de beau que je ne saurais expliquer. Même si on attend quelques révélations, qu'il se passe un truc, finalement il n'en est rien. Toutes les pistes sur lesquelles on réfléchit pendant la projection (qui est la personne qui lui envoie des méchants messages ? que se passe-t-il exactement à la fin du film ?) ne trouvent aucune réponse, tout simplement parce que pendant 1h30, on a été plongés dans la vie d'un homme malheureux, puis qu'on en est exclu aussi sec. Même si on sent qu'il a évolué, qu'il est peut-être plus heureux, la surprise est totale. Personnellement, je me suis laissé emporter par tous ces jolis plans comme la réalisatrice sait bien les faire, et je ne me suis pas ennuyé dans l'ensemble (même si tout semble mis en oeuvre pour nous le faire ressentir). De très beaux plans, parfois accompagnés de musiques superbes, je me suis pris au jeu.

D'ailleurs, mis à part un bref moment d'émotion vers la fin, et le dénouement suffisamment mystérieux pour m'avoir plu, on n'a pas grand chose à se mettre sous la dent. Mais ce n'est pas un défaut, et c'est là que le film fait fort, car il parvient à nous captiver grâce à la mise en scène, l'ambiance, et j'aime ça. On se pose devant ce film et on le contemple, tout simplement. Avec quelques touches d'humour, on suit le quotidien de ce Johnny Marco et on assiste à un type de cinéma assez inhabituel, mais néanmoins agréable au milieu de toutes ces superproductions. De plus, la réalisatrice n'hésite pas à pointer du doigt quelques petits détails, en se moquant gentiment de
Twilight ou de la télé italienne (notamment sur les doublages de
Friends et lors de la cérémonie de remise de trophées). De même, elle insiste sur le fait qu'aujourd'hui, un acteur n'a plus exactement les mêmes fonctions qu'avant. En effet,
Johnny Marco ne fait rien de ses journées, et les seuls moments où il doit se déplacer sont pour assister à des conférences ou poser comme modèle pour les effets spéciaux. Bref, j'avais noté pas mal de choses intéressantes concernant ce film mais j'en ai oublié un petit nombre, tant pis. On retrouve le sujet du mal-être, du mal de vivre qui était au coeur de
Virgin Suicides. J'ai également adoré la reprise du thème de l'ennui dans le lit (qui est omniprésent dans
Lost In Translation et un peu dans
Marie-Antoinette) ainsi que de la relation entre deux personnes au sein des couloirs d'un hôtel (comme je l'avais déjà mentionné dans
cet article).

Une relation d'ailleurs assez mignonne, pour ne pas dire touchante, entre un père assez désespéré et une fille qui se sent délaissée. Ca donne lieu à quelques moments d'émotion, ce qui est relativement attendu pour un film comme ça, mais sans non plus atteindre de grands sommets. Même si elle fait plutôt 14 ans que 11,
Elle Fanning est géniale dans ce rôle de gamine sensible qui aime rire. Et elle a de qui tenir puisqu'il me paraîtrait logique qu'elle suive le même parcours que sa grande soeur
Dakota Fanning (la "fillette" maintenant ado de
La Guerre des Mondes). Quant à
Stephen Dorff, il est parfait et extrêmement talentueux dans ce rôle, à la fois poignant, amusant et décontracté. Je ne connaissais pas cet acteur et ce fut une bonne surprise. Aussi j'ai été ravi (et étonné) de voir apparaître, ne serait-ce que 15 secondes,
Benicio Del Toro dans un rôle de quasi-figurant. De même, bien qu'on la voit 5 minutes à peine, la présence d'
Ellie Kemper (la nouvelle réceptionniste de
The Office,
Kelly) m'a bien fait rire.

Quoiqu'il en soit, c'est avec très peu de dialogues que la réalisatrice parvient à nous maintenir devant son film, et ça aussi c'est balaise. Beaucoup de regards (vraiment beaucoup), des plans saisissants, la cinéaste maîtrise parfatiement l'art d'en dire beaucoup avec uniquement du silence et de la concision. Par l'intermédiaire de cette ambiance silencieuse et longue, le caractère déprimé et j'm'en-foutiste du personnage principal est mis en avant, et le film dénonce d'ailleurs toute la superficialité liée à la célébrité (comme les paparazzis ou les grandes suites d'hôtel) en n'omettant pas de signaler que les meilleures choses de la vie sont souvent les plus simples (comme regarder sa fille faire du patin à glace ou écouter tranquillement un petit père chanter une chanson tout en s'endormant).
Bref, si je devais résumer cette quatrième merveille de
Sofia Coppola, ce serait de cette manière : la réalisatrice s'approche de plus en plus du cinéma de
Gus Van Sant, c'est flagrant, tout en continuant sur le sujet de l'ennui, qu'elle maîtrise parfaitement bien. Même si le film est légèrement en dessous de ses précédents, il est également plus inattendu dans la construction de la trame assez déroutante. Ce n'est pas un film d'action, c'est même l'opposé, mais on savait à quoi s'attendre et c'est ce que je voulais voir. En plus j'ai été envoûté par l'ambiance et la musique (
Phoenix, The Strokes), ça y fait pas mal. Même si ça ne varie pas énormément de ce qu'elle a fait précédemment, c'est encore avec grande hâte que j'attends son prochain film.
La film sort le 5 janvier 2011 et vous pouvez aller voir la bande-annonce
en cliquant ici.