Voilà le genre de films qui me réconcilient avec le cinéma français, ça fait franchement du bien. Même si le postulat de base est assez moyen (une fille couche avec des fachos pour les convertir à la gauche), le film traite un grand nombre de sujets de façon sensible, fine et agréable. Je ne pensais pas que j'apprécierais autant Le Nom des Gens car justement, le sujet de la politique ne m'intéresse pas vraiment et du coup, le synopsis me paraissait relativement ridicule. Et pourtant, c'est un film plein de gaité, d'émotion, de profondeur, même s'il a ses défauts.
Dès le début, on nous présente deux personnages totalement différents. Bahia Benmahmoud est une femme très extravertie, elle est la seule à porter ce nom en France. Ses grands-parents ont été tués pendant la guerre d'Algérie par des soldats français. Elle a les idées bien posées, un peu dans le genre hippie et considère que presque tout le monde est facho. Résultat : elle tente de les convertir en couchant avec eux. Quant à Arthur Martin, son nom est plus que banal en France. Très discret, ses grands-parents étaient juifs et ont été tués pendant la guerre. Il ne sait rien d'eux, ou presque. Ses parents sont de droite, victimes de la société de consommation puisqu'ils achètent tous les gadgets les plus inutiles qui soient. Dans cette famille, les tabous sont nombreux, si bien que les repas sont silencieux et gênés. Mais quand les deux personnages se rencontrent, tout ceci soulève en 1h40 un nombre impressionnant de sujets. Le racisme, bien évidemment, c'était inévitable, notamment l'amalgame arabes/musulmans. Le conflit gauche/droite bien sûr, même si je n'aime pas particulièrement ce thème je me suis marré à plusieurs reprises (la fille qui sort en pleurs de l'isoloir parce qu'elle a été obligée de voter pour Chirac, l'accouchement devant des images de Sarkozy, mais également la brève apparition de Lionel Jospin très drôle). Le film dénonce avec brio l'absurdité de ce conflit et du catalogage de la population dans des cases. Bref, pour ma part le sujet qui m'a beaucoup plu est celui du travail de mémoire. Se souvenir du passé, que ce soit pour les juifs comme les algériens, est important et le film le souligne bien. L'absence de communication entre Arthur et sa mère est frappant et donnera lieu à des belles scènes, très fortes en émotion, notamment lorsque celui-ci cherche à en savoir plus sur ses grands-parents. Le film fourmille de trouvailles merveilleuses et c'est un plaisir à regarder. Même s'il reste une comédie, il nous émeut parfois grâce à une BO sublime (les scènes avec du grain dans l'image sont sublimes). Sinon le film traite également de l'écologie, mais aussi de la pédophilie, un thème qui rend le personnage de Bahia très attachant et sensible, sous ses airs de surexcitée. Enfin, le film parle beaucoup de l'identité, un sujet très casse-gueule mais parfaitement bien traité (la morale étant que le concept "d'identité nationale" est ridicule).
Bref, j'ai absolument adoré ce film, surtout que les acteurs excellent. Jacques Gamblin, que j'avais déjà adoré dans Le premier jour du reste de ta vie, est toujours aussi drôle, attachant. Quant à Sara Forestier c'est pour moi une sacrée révélation. Avant de voir le film je pensais que je n'allais pas la supporter, mais c'est tout le contraire qui s'est produit. Son personnage est extravagant, plein de vie, d'opinions, elle est déjantée et j'ai franchement adoré. L'essentiel du film se base sur elle donc on a intérêt à accrocher à cette actrice. Petit bémol pour ma part, j'ai trouvé que parfois ce personnage en faisait beaucoup trop. Le stéréotype de la fille qui se fout de tout et se met à poil tout le temps, j'ai trouvé ça assez bof même si ça fait partie du personnage. Je pense qu'il n'y avait vraiment pas besoin de ça, et que le talent de Sara Forestier suffisait amplement à rendre son personnage intéressant. Pour finir avec le casting, Zinedine Soualem est absolument génial dans le rôle du père de Bahia. Son personnage est émouvant, un ouvrier qui ne se croit pas artiste et préfère toujours donner que recevoir. Pour conclure, c'est un film débordant d'idées fines, très fines, qui m'a emplit de joie et de rire, mais aussi d'émotion. Bien réalisé, bien construit, il m'a pris à contre-pied et ça fait du bien.
Note : j'ai remarqué deux trucs marrants dans le film. En tant que fou des maths, je n'ai pas pu m'empêcher de faire un arrêt sur image au début du film lorsqu'on voit le personnage principal faire des maths sur un papier (ça dure une seconde ou deux). Eh bien je ferai remarquer que si elle veut intégrer par parties l'intégrale, elle commence très mal puisque sa décomposition en deux facteurs est fausse dès le départ ! Héhé. Sinon, un peu plus tard lorsque Arthur apprend à sa mère à faire du vélo, ils repartent sur de l'herbe. On a l'impression qu'ils sont entrain de marcher depuis un moment, sauf que la trace laissée par le vélo sur l'herbe derrière commence au beau milieu de la pelouse, là où la scène a commencé ! Ca m'a fait rire. Voilà.