A la sortie de ce film, je dois bien l'avouer, ce film ne m'avait pas du tout intrigué. A l'époque j'avais encore un avis mitigé sur
Clint Eastwood (
quel bêta je faisais !) et il faut dire que le domaine de la
boxe ne m'a jamais intéressé, ni de près ni de loin. Mais à force d'entendre que ce film était un chef d'oeuvre dramatique, je me suis rendu à l'évidence et j'ai fini par le visionner hier. Je me
demande comment j'ai pu louper ce film aussi longtemps ! Acclamé par la presse, puis par les spectateurs,
Million Dollar Baby a récolté 4
oscars bien mérités, que je vais développer ici.
Tout d'abord, l'
oscar du meilleur film. Parfaitement mérité, car ce film a été pour moi totalement inattendu. Premièrement, il dure plus de deux heures qui ne m'en ont parues
qu'une. Je m'attendais à voir un vulgaire film sur la boxe avec tout l'ennui et tous les clichés qui vont avec. Je m'étais déjà trompé là-dessus, puisque ce film ne nous montre pas beaucoup de
boxe, et le sport n'est d'ailleurs pas le sujet principal du film. Les combats qui nous sont montrés sont intéressants et rapides, même le combat final que j'aurais pensé interminable. Le film
est surtout centré sur cette jeune femme,
Maggie, qui cherche à réaliser son rêve, et sur
Frankie, un vieux bonhomme un
peu bougon qui intériorise tous ses sentiments.
Clint Eastwood retrouve un peu le même rôle que dans
Gran Torino, le rôle d'un vieil homme seul, rongé par la culpabilité, qui n'a pas la foi et qui va nouer un lien puissant avec une personne inattendue.
La relation entre les deux personnages est magnifique, avec une complicité extrême. Alors que je pensais trouver de l'ennui dans ce film, j'y ai découvert une superbe histoire, certes triste,
mais profonde et intéressante. Le destin d'une jeune femme, déterminée et prête à tout pour devenir la championne des championnes. On suit son évolution dans le gymnase avec délectation et
intérêt, tout en découvrant son environnement sinistre
, dans la pauvreté au milieu d'un taudis, obligée de piquer des restes au restaurant pour se nourrir le
soir. Elle n'a pas d'amis, sinon une famille ignoble et cupide. Et malgré tout ça, elle a une force, une vitalité et un mental à toute épreuve. Qui plus est, elle garde une certaine innocence et
une grande générosité, notamment à l'égard de sa mère à qui elle donne tout, mais n'obtient rien en retour, pas même un remerciement.
Et puis, bien sûr, le film prend toute sa qualité à partir de sa deuxième
partie, qui constitue un retournement de situation énorme. On sait que
Frankie a fait une erreur dans le passé et culpabilise pour avoir rendu son meilleur
ami borgne à cause d'un combat qu'il n'a pas su arrêter. On sait également qu'il n'a jamais eu le privilège de faire remporter le championnat du monde à l'un de ses boxeurs. On sait que le rêve
ultime de cette jeune femme est d'aller le plus loin possible, de gagner. Le rêve de toute une vie. Et, alors que le film en arrive à la finale du championnat du monde pour
Maggie, alors que la jeune femme reprend le dessus sur son adversaire, le film
OSE, il ose ne pas tomber dans le cliché et nous
surprendre de plein fouet en détruisant tout ça.
Maggie ne suit pas le conseil n°1 de
Frankie, qui était de se protéger
en toutes circonstances. C'est ainsi que sa rivale lui assène un coup totalement illégal et lâche (bien après le retentissement du gong, et par derrière), et que
Maggie devient paralysée à vie en tombant la nuque la première sur le tabouret qui traînait là. Pas de bonne fin toute gentille, aucun achèvement des personnages :
Maggie ne pourra pas réaliser son rêve jusqu'au bout,
Frankie se reprend une bonne dose de culpabilité dans la tronche en
n'ayant pas pu retirer le tabouret à temps, refaisant alors la même erreur qu'il avait faite par le passé. Le film vire alors au drame et il est diablement triste. Le jeu des acteurs est
phénoménal, notamment
Clint Eastwood, dont le personnage nous prend aux tripes dans cette dure épreuve. Le film prend en plus soin d'apporter
un dilemme sur l'euthanasie, où le personnage de
Frankie ne sait pas quoi faire. Il se confesse alors au curé dont il s'est ouvertement moqué pendant 23 ans,
et nous offre une scène des plus poignantes, où on voit un vieil homme, accablé par la culpabilité et le choix extrêmement difficile qu'il doit faire. Comment ne pas le plaindre, alors qu'il
méritait amplement, après 23 ans, de trouver enfin la paix intérieure ? Bref, non seulement
Clint Eastwood a mérité son
oscar de meilleur réalisateur, mais en plus il n'aurait pas été ridicule de lui attribuer celui de meilleur acteur.
Le troisième oscar de ce film revient tout naturellement à
Hilary Swank, en tant que
meilleure actrice. J'ai un peu honte de
le dire mais c'est avec ce film que je l'ai découverte. Une sacrée révélation, car il faut bien avouer que la jeune femme excelle de bout en bout. Avec un sourire plutôt unique, un visage qui
reflète la gentillesse et la détermination,
Hilary Swank m'a clairement offert l'une des meilleures prestations d'actrice que j'ai jamais vu.
Impressionnante. Elle est vraiment très convaincante, crédible, touchante, intéressante. Qui plus est, elle parvient à rendre le rôle de
Maggie attachante, ce
qui n'était pas évident car pour moi, l'image de la "
boxeuse" lui donnait un sacré désavantage dès le départ. Mais j'ai été très agréablement surpris et il est clair qu'elle n'a pas volé
son oscar. Sa complicité et son talent au beau milieu des deux grands du cinéma que sont
Clint Eastwood et
Morgan Freeman impose le respect.
Et venons-en à
Morgan Freeman, qui a donc obtenu le dernier oscar du film en tant que
meilleur second rôle masculin. Cet acteur était déjà mythique, et
Million Dollar
Baby ne fait que renforcer ce postulat. C'est lui qui s'occupe de toute la voix off du film, qui n'est pas inutile comme c'est bien souvent le cas au cinéma. Son rôle est
important, et on peut même dire qu'il a le troisième rôle principal du film tant il crève l'écran. Encore dans un rôle de pacificateur, de médiateur, qui va pousser
Frankie à prendre
Maggie sous son aile et c'est grâce à lui que tout va commencer (chose que va d'ailleurs lui reprocher
Frankie à la fin du film, sous le coup de la colère, mais heureusement tout finit bien de ce côté). Son amitié avec
Frankie est étrange et pleine de non-dits, des non-dits qui ne seront jamais explicités, ce qui constitue un autre point fort inattendu de ce film. Comme le dit
Eddie (le personnage incarné par
Morgan Freeman), il se soucie moins d'être à moitié aveugle que
Frankie lui-même ne s'en veut. Ce qui fait de ce dernier un homme blessé, vraiment meurtri au plus profond de lui-même. Une blessure qui sera réouverte de
plus belle à la fin du film et qui ne cicatrisera probablement jamais, et c'est là que le drame atteint son apogée, parce que le film se conclut de manière horrible.
Eddie est également intéressant car son rôle introduit un autre personnage : celui de
Danger Barch (joué par
Jay Baruchel), un gamin qui souhaite devenir boxeur professionnel mais se laisse impressionner facilement. Un rôle très secondaire, assez amusant au
début mais qui ne cesse d'inspirer la compassion.
La fin du film est triste, très noire et pessimiste, puisque finalement, il
ne sera jamais rien arrivé de bon à
Frankie à part sa courte histoire avec
Maggie. D'ailleurs, ce film brise un autre
cliché en mille morceaux ! Au cours du film, on apprend que
Frankie envoie une lettre à sa fille toutes les semaines. Lettres qui lui reviennent toujours
avec la mention "
retour à l'envoyeur" et qu'il conserve dans une boîte à chaussures. Alors qu'on pense logiquement que, conformément au cliché,
Frankie va finir par recevoir une réponse de sa fille, le film ne tombe pas dans cette facilité et laisse ce personnage plus seul que jamais. On ne saura d'ailleurs
jamais ce qu'il deviendra, ni même si la longue lettre d'
Eddie va lui permettre de retrouver sa chère fille et de renouer des liens (ce qui semble mal
parti). Tout ce qu'on sait, c'est qu'
Eddie n'entend plus jamais parler de
Frankie, et que ce dernier va probablement
racheter le bar avec les fameuses tartes au citron et à la meringue... L'histoire se finit alors aussi de façon déprimante pour cette amitié entre
Eddie et
Frankie, qui n'auront jamais pris le temps de parler vraiment, d'exprimer leurs sentiments.
Eddie va certainement finir
ses jours dans ce gymnase, avec son petit taudis peu accueillant et ne jamais réentendre parler de
Frankie. Terrible, déprimant. Une des fins de films les
plus inattendues et moralement horribles. Bref, un chef d'oeuvre.
Voir aussi : Les 20 films les plus tristes ou émouvants, Gran Torino.