Pourquoi ? Pourquoi ce film est-il autant passé à la trappe ? Quand je vois de véritables pépites comme celle-ci, je ne peux m'empêcher de trouver déplorable le fait que tant de bouses commerciales engrangent des amas de fric à tour de bras. Pourtant, il me semble que le film avait bien plu au public lors de son unique représentation au festival de Deauville en 2005. Je ne comprends pas qu'il soit sorti seulement dans 10 salles en France. Bon, il faut dire aussi qu'il est paru le même jour que
King Kong de
Peter Jackson, et au milieu de
Harry Potter et du
Monde de Narnia. Difficile de rivaliser, d'autant que ce film ne répond pas exactement aux attentes habituelles du public français. Pour rajouter de la difficulté (
sinon ce n'est pas marrant), le film n'est pas sorti en DVD en France (du moins, pas à ma connaissance). On peut se le procurer en importation des USA (Zone 1), ce qui n'est pas toujours bien compatible avec nos lecteurs DVD.
Tout est Illuminé est un ovni du cinéma, un film d'un genre assez spécial adapté du roman du même nom, écrit par
Jonathan Safran Foer. Le livre, tout comme le film, est basé sur l'histoire vécue de l'auteur. C'est le premier film de l'acteur
Liev Schreiber (quand même assez connu, il a joué notamment dans la saga
Scream), et il n'en a pas refait depuis. Mais quelle réussite ! D'ailleurs, le réalisateur partage une anecdote sur sa rencontre avec
Jonathan Safran Foer que j'ai trouvée amusante :
"Nous devions nous retrouver dans un bar de New York. Je ne savais encore rien de Jonathan, que je m'imaginais sous les traits d'un juif nonagénaire de Nantucket - le genre qui ne communique que par agent interposé. En entrant dans ce bar, j'ai vu un gosse de vingt ans, binoclard, me faire de grands signes de la main, avec force sourires. J'ai pensé "encore un fan de Scream !", mais le gars a continué son manège, jusqu'à ce que je me dirige vers lui. C'était Jonathan !".
Et qui de mieux pour interpréter cet homme que
Elijah Wood ? Comme le précise
Liev Schreiber, le nom de l'acteur lui est venu immédiatemment en tête lorsqu'il a songé au casting. Le film se déroulant à travers les yeux du personnage
Jonathan, il est clair que
Elijah Wood est parfait de bout en bout, avec ses grosses lunettes, ses manies et ses grand yeux ultra-expressifs. Un rôle bien différent de son interprétation de
Frodon dans le
Seigneur des Anneaux, mais également de son rôle de
Sin City. Qui plus est, il est tellement dans la peau de ce personnage qu'on ne pense même pas à le comparer à ses anciens rôles, tant il est crédible et profondément vrai. Cet acteur a vraiment un potentiel de dingue, et je suis ravi de le retrouver dans de si bons films.
Mais parlons un peu du film en lui-même. Il est assez difficile à décrire. Tout d'abord, de l'humour, beaucoup. Un humour à la fois absurde et bienvenu, qui ne tombe pas à plat.
Alex, qui ne comprend pas que son compagnon ne s'appelle pas "
Jonfren" mais "
Jonathan" (avec l'accent, ce n'est pas évident de décerner la différence et ce petit quiproquo récurrent est vraiment tordant).
Jonathan, qui a une peur bleue des chiens mais qui devra subir tout son voyage à l'arrière de la voiture aux côtés de
Sammy Davis Junior Junior, un clébard pourtant pas méchant. Le grand-père, qui fait croire à tout le monde qu'il est aveugle mais qui ne trompe personne (il conduit tranquillement, tourne la tête quand il y a du bruit), n'arrive pas à comprendre les habitudes de cet américain propre sur lui, se demandant ce que peut bien être le végétarisme. D'ailleurs, la scène de l'unique patate servie à
Jonathan lors de son repas d'accueil en Ukraine est bien drôle. Bref, que d'humour et de répliques amusantes, grâce à un trio improbable et attachant dont on suit le parcours pendant 1h30.
Eugene Hutz et
Boris Leskin ont été pour moi de grandes révélations, parfaits et très naturels. Même si la musique, au style inhabituel, est légèrement agaçante au début, elle sert parfaitement l'ambiance du film ainsi que son humour particulier.
Cependant, le film ne se résume pas à ça. En tant que "comédie dramatique", il a son lot de sensibilité, de magie et de féerie. Ce film est une beauté visuelle et auditive. Le personnage d'
Elijah Wood est emprunt de douceur, de naïveté et de sérenité, comme l'acteur sait si bien le transmettre. En plus de ça, le film n'est pas dénué d'une multitude de messages, comme le devoir de mémoire à propos de l'Holocauste, le poids des secrets familiaux, l'amitié, l'amour. Et voir cet étrange individu tout faire pour réunir des objets ayant appartenu à ses ancêtres, c'est magnifique. La beauté des images au coeur de ce road-movie est succulente. A travers des flashbacks ou des scènes d'émotion, le film apporte son pesant de révélations et tout passe par les regards des acteurs, qui font vraiment un boulot énorme.
La toute fin du film est absolument sublime. Une vague de nostalgie et de tristesse nous emplit en laissant partir ces personnages, qui se sont rencontrés et connus l'espace de quelques jours. En sortant de ce film, on se dit "
c'était vraiment spécial, mais j'ai pris mon pied". Le sentiment principal qui en ressort est une impression de sérénité que je ne me suis pas expliqué. Finalement on quitte les personnages et leur histoire en pensant "
ce que je viens de voir est vraiment beau, pas spécialement hallucinant en terme de scénario, mais touchant, simple et agréable". Bref, malgré les deux ou trois légères longueurs, ce film ne m'a pas laissé indifférent, et comme je le répète assez souvent, les films les moins connus sont parfois ceux auxquels il faut s'intéresser le plus.
La bande-annonce (désolé j'ai pas trouvé avec sous-titres, mais ça résume néanmoins parfaitement l'ambiance du film) :
(A noter la magnifique musique de cette BA, "
How It Ends" de
DeVotchKa, qui n'apparaît pas dans ce film mais qui caractérise le chef d'oeuvre
Little Miss Sunshine).