Difficile de critiquer ce film qui est en fait une succession de 18 courts-métrages de 5 à 6 minutes autour du même thème : "Paris et
l'Amour". Il n'empêche qu'ils s'enchaînent avec une certaine cohérence et j'imagine que le montage a dû être des plus complexes (quand on lit que le film a eu 80 versions différentes avant la
version définitive, ça ne m'étonne pas). Paris, je t'aime a le mérite de faire découvrir le court-métrage à ceux qui ne connaissent pas trop
(moi le premier), car c'est un domaine assez peu populaire. L'initiative est vraiment louable car le film est un travail collectif auquel ont participé une vingtaine de réalisateurs, et il est
intéressant de voir comment chacun et chacune a décidé de traiter le sujet.
Avec tant d'idées différentes, le film développe un certain nombre de formes d'amour diverses, tout ça au coeur de Paris, que
certains appellent "la plus belle/romantique ville du monde". Du coup, le film fait un peu office d'énorme cliché, en rendant hommage à cette ville qui est (peut-être ?) trop idéalisée par le
monde entier, mais ça n'empêche que la démarche est bonne et nous permet, si on n'aime pas l'un des courts-métrages, de se rabattre rapidement sur un autre.
On peut dire vraiment que l'amour est présenté à toutes les sauces, vu différemment par chacun des
réalisateurs du projet. De banales rencontres (
Montmartre) à des divorces (
Quartier
Latin), du mélange des cultures (
Quais de Seine) sensible et crédible à des histoires plus loufoques
(
Tour Eiffel), de l'amour naturel pour un fils perdu (
Place des
victoires) à un amour impossible entre humain et vampire (
Quartier de la Madeleine), tout en traitant les cas
les plus banals (
Père Lachaise),
Paris je t'aime est un éventail d'histoires
diverses mais n'en reste pas moins assez inégal (c'est pour moi le plus grand défaut du film). Tous les courts-métrages s'inscrivent dans la même thématique et forment un long-métrage cohérent et
touchant, mais il faut bien avouer que cette diversité pose parfois problème, car chaque histoire ne peut pas plaire à tout le monde. Pour ma part, j'ai trouvé quelques scénarios assez peu
inspirés, et notamment de la part des réalisateurs dont j'attendais beaucoup comme
Gus Van Sant,
Wes
Craven et
Alfonso Cuaron. Le premier est vraiment sans surprise :
Gus Van
Sant qui traite du
Marais (cliché), on ne pouvait pas faire plus attendu et plus logique, et j'avoue qu'au délà du
thème de l'homosexualité, qui abonde dans son oeuvre et qu'il me semble nécessaire d'aborder dans un tel film, j'aurais aimé une écriture de scénario plus intéressante et plus psychologique.
Bref, je m'attendais à beaucoup mieux de sa part, et également au niveau de la réalisation. Il a habituellement un style magnifique auquel j'adhère totalement, mais je n'ai vraiment pas reconnu
sa patte ici. Quant à
Alfonso Cuaron, dont j'adore en principe l'univers sombre et original, il m'a également déçu avec un extrait assez peu
inspiré (je trouve), malgré le plan-séquence. Il nous fait part néanmoins d'une petite balade dans le
Parc Monceau qui n'est pas
totalement désagréable. Pour continuer dans les déceptions, je n'ai pas vraiment accroché à l'histoire des coiffeuses asiatiques dans la
Porte de
Choisy, ni à celle de la babysitter dans
Loin du 16e. J'ai trouvé ces courts-métrages vraiment sans grand
intérêt et assez peu pénétrants (notamment le deuxième même s'il rend bien l'atmosphère du métro parisien). D'autres sont également assez moyens bien qu'agréables car ils nous font passer
d'arrondissement en arrondissement assez rapidement, parfois avec beaucoup d'humour (le "con de mime" (référence à La Cité de la Peur ?) m'a plutôt fait rire même si les effets sont moches), un
peu d'émotion et de subtilité (avec notamment
Bastille d'
Isabel Coixet) et
souvent portés par des comédiens superbes (quel plaisir de voir
Maggie Gyllenhaal dans
Quartier des
enfants rouges avec le thème de la drogue, et
William Dafoe dans
Place des
Victoires).
Le film détient pour moi 6 ou 7 petites perles. Après
Montmartre qui traduit surtout la vie parisienne vue par un parisien,
Quais de
Seine, lui, nous fait entrer dans le film dans la bonne humeur avec un jeune homme qui tombe amoureux d'une musulmane. Ce court-métrage est un vrai plaisir, notamment son
dénouement qui donne le sourire (mais également par la critique des blaireaux qui sifflent les filles dans la rue).
Place des fêtes
est aussi une merveille car il raconte une histoire d'amour assez originale, amour qui commence dans la mort d'un brave homme sous les yeux d'une infirmière. La trame est bien construite, les
acteurs sont touchants et
Oliver Schmitz a vraiment créé 5 belles minutes (il n'est pas évident d'émouvoir avec des personnages si éphémères
et c'est là toute la difficulté d'un court-métrage).
Quartier de la Madeleine avec
Elijah
Wood est clairement le plus audacieux de
Paris, je t'aime.
Vincenzo
Natali a fait preuve d'inventivité en plaçant de façon improbable une histoire de vampires au coeur de Paris. Inattendu et bienvenu, bien qu'il soit en décalage avec le reste du
film plus traditionnel. Elijah Wood est toujours aussi génial.
Faubourg St Denis nous permet de savourer le jeu d'actrice de
Natalie Portman (une fois de plus) et se permet de créer en 5 minutes un (tout petit) twist final magnifique et optimiste. Cette histoire
entre une actrice et un aveugle est touchante et très inspirée (le montage est excellent et intelligent et se démarque clairement des autres par son efficacité). En quelques minutes, le
réalisateur balaye plusieurs années d'un couple et c'est juste sublime, d'autant que
Portman est parfaite pour ce rôle un peu excentrique.
Finalement, le film se conclura par
14e arrondissement, magnifique d'un bout à l'autre et très émouvant. Un beau final sur l'amour
d'une femme pour Paris, tout simplement, avec une interprétation sublime de
Margo Martindale. L'accent de l'actrice ajoute un charme énorme à
ce dernier court-métrage, plein de tristesse et de beauté. Il n'est pas étonnant qu'il ait été choisi pour conclure le film. La vraie pépite de ce film (car évidemment, je ne l'ai pas oublié)
reste
Tuileries des
frères Coen, hilarant d'un bout à l'autre grâce à
Steve Buscemi. Je suis franchement fan du cinéma des deux frangins et leur premier essai sur un court-métrage est extrêmement génial. Steve
Buscemi fait tout à lui seul, sans jamais prononcer un seul mot (il est vraiment balaise pour ça). Je vous laisse carrément la vidéo de ce court-métrage qui est pour moi le plus drôle et le plus
passionnant du film.
Le film se termine finalement sur quelques images regroupant plusieurs protagonistes de courts-métrages
différents, afin de montrer que malgré la diversité des lieux de Paris, la ville reste une unité magique et romantique. Pour conclure, j'ai aimé le film malgré de nombreux passages à vide. Il
constitue une démarche cinématographique intelligente, une belle collaboration dans le monde du 7e art qui fait plaisir à voir. Je ne sais pas si New York,
I Love You est dans la même veine, mais ça donne envie de découvrir car l'expérience est concluante.