C'est ma période des grandes découvertes. En ce moment je touche un petit peu à tout ce dont je n'avais jamais osé touché et j'avoue que ça
me plait. Plus j'explore et plus ma soif de curiosité grandit. Aujourd'hui c'était donc mon premier film d'Hitchcock, ça faisait longtemps
que je voulais voir à quoi ressemblait ce cultissime Psychose et je suis soufflé. Impressionné de voir tout le génie que peut comporter ce
chef d'oeuvre apparemment indémodable même un demi-siècle après sa sortie. Je pensais que ce n'était qu'un simple film d'épouvante sans trop de fond et le fait de voir autant de richesse de
scénario et d'idées m'a bluffé. Le film ne va pas m'empêcher de dormir, il ne va pas m'empêcher de me doucher non plus, mais bon diou qu'est-ce que c'est bon ! Le film raconte l'histoire de
Marion Crane, une femme qui en a marre de ne pas pouvoir mener la vie qu'elle veut. Alors quand son patron lui demande d'aller déposer l'équivalent de 40 000
dollars en liquide à la banque, son cerveau ne fait qu'un tour : elle s'enfuit avec l'argent au volant de sa voiture. Le soir venu, sous la pluie battante, elle s'arrête à un motel.
La chose difficile lorsqu'on veut parler d'un tel film, c'est de savoir par où commencer... On peut déjà rappeler que le film est
adapté d'un roman de
Robert Bloch, lui-même inspiré de faits réels s'étant produits en 1957. Quoiqu'il en soit, le film se démarque autant
par son scénario que par son casting, sa réalisation et ses scènes cultes. Sorti en 1960,
Psychose est néanmoins tourné en noir et blanc car
Alfred Hitchcock ne voulait pas donner une ambiance trop sanglante à son film qui est surtout très subjectif dans l'angoisse, mais aussi
psychologique. D'ailleurs, pour réaliser les scènes de meurtres, le réalisateur a utilisé en guise de sang du sirop de chocolat (comme quoi on pourrait faire passer n'importe quoi pour n'importe
quoi !). Pour pouvoir voir ce film en couleurs, il faudra attendre 1998 avec le remake de
Gus Van Sant qui a décidé de reproduire le film à
l'identique, scène pour scène (avec un casting différent bien entendu). Je compte d'ailleurs le voir bientôt pour la comparaison. Pour finir avec les anecdotes liées au film, il est marrant de
remarquer que
Psychose est le premier film montrant une femme simplement habillée d'un soutien-gorge et d'un slip (
franchement, si c'est pas scandaleux de voir ça !). Les choses ont bien changé depuis et je sais pas trop si on doit dire
"heureusement" ou "malheureusement", car même s'il est évident que les moeurs ont changé en 50 ans et que l'évolution était inévitable (
maintenant pour choquer les gens faut montrer une femme folle à lier qui se coupe le clitoris avec des vieux ciseaux rouillés (vous n'avez déjà vu
Antichrist ? Même si certaines scènes sont insoutenables, je le conseille quand même fortement aux âmes pas trop sensibles)), il est clair que le cinéma comme
Psychose est bien plus agréable et génial à regarder. Tout en retenue et en finesse, avec des plans ingénieux permettant de ne jamais
dévoiler une poitrine, on est en droit de regretter cette époque. Deuxièmement, et pour terminer là-dessus,
Psychose est également le tout
premier film américain dans lequel un personnage utilise la chasse d'eau. Là, c'est plus insolite comme remarque mais également moins intéressant (
peut-être les gens étaient-ils toilettophobes avant 1960, je ne sais pas... Si ça se trouve dans 50 ans, avec la pénurie d'eau potable, une telle
scène fera scandale. Bon j'arrête là mon délire).
Toujours est-il que
Psychose est aujourd'hui une référence absolue pour les films
d'épouvante, en particulier cette fameuse scène de la douche qui, d'après ce que j'ai lu, serait la scène la plus analysée par les étudiants en cinéma. C'est vrai que quand on parle de
Psychose, on entend toujours parler de cette scène culte, comme si le film se réduisait à cet unique passage. Personnellement (parce que je
déteste savoir ce qui se passe dans un film que je n'ai pas vu), je ne savais absolument pas ce qui se passait dans cette scène sous la douche. Je ne connaissais que l'image classique de
Janet Leigh qui crie, et rien d'autre. Je n'étais même pas au courant qu'on avait ici un meurtre (je croyais bêtement que, comme dans tout
bon film d'épouvante, l'héroïne s'enfuyait par je-ne-sais-quel miracle). Et non, cette scène est à mon goût cultissime parce qu'elle est surprenante et innovante. Notre personnage principal,
qu'on suit depuis le début, se fait assassiner même pas avant la moitié du film. Il est assez rare (c'est même la première fois que je vois ça, je pense) de voir un héros se faire zigouiller bien
avant la fin du film (la plupart du temps ils en ressortent même indemnes). D'ailleurs, je m'étais fait la remarque il n'y a pas si longtemps que ça : "
dès qu'on a un héros, un personnage principal idéal sur lequel se base un scénario, on peut être sûr qu'il ne disparaîtra pas avant la toute fin
du film". Je me doutais que le procédé avait déjà été exploité et j'applaudis l'idée à fond. Tuer le personnage principal à l'issue du premier tiers du film est très fort, ça relève
clairement du génie. Le spectateur est soudainement déstabilisé, ça perturbe et on se demande alors "
mais alors, que peut-il bien se
passer d'intéressant maintenant ?". En utilisant ce principe,
Hitchcock (je devrais en fait parler du scénariste : probablement
l'auteur du bouquin que je n'ai pas lu), envoie balader d'un seul coup toute l'histoire qu'il venait de poser (cette histoire de panique liée au vol des 40 000 dollars) pour en balancer une autre
encore plus passionnante. Et bien sûr ça tombe à pic car le scénario a à peine le temps de s'essouffler que l'intrigue change totalement de cap pour se concentrer sur un deuxième personnage
autrement plus important.
Marion Crane laisse alors sa place à
Norman Bates, le gérant du motel qui s'avère être très
intrigant.
J'admets que la scène de la douche est cultissime. Les moyens utilisés pour tourner ce passage sont grandioses. Toute l'angoisse et
tout le suspense présents avant l'attaque du mystérieux agresseur sont palpables et en ceci, je comprends pourquoi
Hitchcock est surnommé "le
maître de l'angoisse" (même si je n'ai pas eu peur à proprement parler, le suspense est bien là). Mais surtout, le meurtre en lui-même est filmé de façon géniale. J'ai lu que pour imiter le bruit
d'un couteau qui pénètre dans la chair, le réalisateur avait enregistré le son d'un couteau planté dans un melon. C'est amusant et captivant de connaître ce genre de détails, car il est
impressionnant de voir qu'avec des moyens rudimentaires on peut réussir à rendre crédible une scène qu'on ne voit pas tous les jours.
Une dizaine de bruits de
melons, une lame posée sur un ventre, quelques gestes de haut en bas, des cris, du sirop de chocolat dans la baignoire et nous voilà avec une effroyable scène de meurtre. Je suis fasciné
par tant d'inventivité et d'ingéniosité, car le rendu est saisissant. Mais cette scène serait-elle aussi culte sans sa musique stressante ? Une musique composée de petits pics sonores et
stridents répétitifs et qui a été extrêmement novatrice dans le genre, la référence ultime des films d'horreur qui a inspiré un paquet de films d'épouvante par la suite.
Hitchcock voulait, à la base, tourner la scène dans le silence total, avec simplement les hurlements de l'actrice
Janet Leigh, mais on comprend qu'en écoutant la partition musicale du compositeur
Bernard Hermann,
le cinéaste ait subitement été convaincu !
Bref, cette scène figurant bien évidemment au Panthéon du 7e art pour tout le côté culte qui flotte autour, ce n'est pas pour autant
la meilleure scène du film, à mon goût. Il regorge d'autres scènes absolument géniales, comme par exemple le contrôle de police effectué par un agent quelque peu insolite. Toute la tension du
début du film (qui finira par paraître dérisoire comparée à celle présente à la fin) est mise en place avec ce flic assez étrange qui suit la jeune femme partout. C'est l'acteur
Mort Mills qui interprète l'agent à lunettes noires (
non, ce n'est pas un article sur
Matrix, vous êtes sûr que vous suivez toujours ?) et son personnage est grandiose. Il apporte même un peu d'humour car il vient s'interposer dans le scénario sans qu'on ne s'y
attende, avec son visage insolite et son côté décalé. On ne le voit que quelques minutes mais comment l'oublier ? C'est à ça qu'on reconnaît un véritable travail des personnages et ce policier en
vadrouille est clairement une pépite du genre. La discussion qu'il a avec
Marion, lorsqu'il la réveille dans la voiture, est des plus banales mais elle reste
gravée dans la tête grâce à son atmosphère loufoque. Un personnage qui participe activement au stress de l'héroïne, qui se pose énormément de questions sur le délit qu'elle vient juste de
commettre.
Mais, bien évidemment, je ne peux pas parler de
Psychose sans aborder le personnage le plus
important du film, interprété avec un talent infini par
Anthony Perkins. Pendant toute la durée du film, je n'ai cessé de me poser la
question : "
mais à qui ce mec ressemble-t-il tant ??". Pour moi, il a clairement des airs (c'est plutôt impressionnant par
moments) de
Scott Mechlowicz (le mec qui joue le rôle de
Marty dans le sublime
Mean Creek), mais cette comparaison ne me convenait pas. Puis j'ai eu le déclic il y a quelques minutes, et en fait c'est fou ce que cet acteur me fait
penser à
Nestor Carbonell (
Richard Alpert dans la série
Lost). Bref, vous prenez le physique de
Carbonell, vous ajoutez les mimiques, le sourire et le
charisme de
Mechlowicz, et vous obtenez
Anthony Perkins. Cet acteur a, dans ce film, un
talent surdimensionné, j'en suis encore étonné. Il interprète le mystérieux et surprenant
Norman Bates et c'est finalement lui qui s'octroie le rôle principal
du film. A partir de la moitié, on bascule subitement dans une intrigue à laquelle on se s'attendait pas du tout et encore une fois, je trouve ça génial. On a comme un retournement de situation
qui fait que la caméra n'est absolument plus centrée sur
Marion Crane mais sur
Norman Bates. Dès le début, le personnage
semble sympathique, il est ultra-charismatique et extrêmement intrigant. Son regard, son sourire, tout ça crée un homme qui fait un peu peur. Quelqu'un qui n'a pas d'amis, qui vit pratiquement
seul au milieu d'un grand manoir, en l'unique compagnie de sa mère. On pourrait croire qu'il est passablement fou à lier mais sa gentillesse extrême pose le doute. Pour ma part, je n'ai réalisé
qu'il était dérangé que lorsqu'il range le corps de
Marion dans la voiture et la fait disparaître dans le marais. Avant ce passage, j'étais persuadé qu'il
était simplement honnête et gentil. Mais son caractère est tellement complexe qu'il en devient passionnant. D'ailleurs, le discours du psychologue à la fin du film est captivant et très
intéressant, car il révèle avec exactitude et concision tout ce qu'il y a à savoir sur
Norman Bates et son syndrome de double personnalité. Ceci transforme
complètement le film qui devient alors extrêmement psychologique et recherché (encore plus qu'avant), puisqu'il faut maintenant revoir le film sous un angle différent, certaines scènes devenant
encore plus terrifiantes (et les frissons dans le dos qui vont avec). Intelligent et tout simplement génial, je ne vois pas quoi dire d'autre. Même si sa personnalité commence à se révéler
lorsqu'il "dîne" avec
Marion (à mon goût, leur discussion constitue la meilleure scène du film), on est à mille lieues d'imaginer tout ça.
Le film nous offre un final digne de ce nom, surprenant et macabre à souhaits, dans une tension des plus dingues. Je l'avoue, j'ai
ressenti beaucoup de suspense. Cette angoisse passe par le biais d'un autre personnage, à savoir le
manoir de Norman Bates. Je ne sais pas si on peut parler
d'un personnage à part entière mais je prends le risque. Cette maison (qui, d'ailleurs, a été construite pour les besoins du film mais existe toujours !) est absolument effrayante. On n'a pas la
chance de visiter toutes les pièces du manoir mais les quatre ou cinq qu'on peut voir suffisent à rendre le spectateur nerveux. Même l'extérieur de la baraque est super impressionnant, on a
toujours des scènes en plongée ou contre-plongée (suivant qu'on nous montre un personnage sur le seuil (victime) ou la maison elle-même (agresseur)) qui donnent une imposance de dingue à cette
simple maison. Dès que la caméra passe le pas de la porte d'entrée, le spectateur est plongé dans un état de stress qu'il ne peut quitter qu'une fois revenu à l'extérieur. Les plans de caméra
sont maîtrisés, lents et inventifs. Pourquoi cette maison a-t-elle tant de présence ? Quel est le secret d'
Hitchcock ? Difficile de le dire,
mais tout passe par l'imagination et la suggestion. Dès le début, on nous montre furtivement la silhouette de la mère de
Norman à travers l'une des fenêtres
éclairées, et dès le départ on sent que quelque chose d'extrêmement louche se trame dans cette maison. Quoi donc ? On ne le sait pas immédiatemment, mais la mort du
détective Arbogast calme quand même pas mal. On a d'ailleurs une scène "amusante", lorsque ce personnage chute dans les escaliers.
Hitchcock a ici encore une fois fait preuve d'ingéniosité puisqu'il a en fait tout d'abord filmé l'escalier sans l'acteur, puis a superposé ce dernier
par-dessus l'image, assis sur une chaise que des techniciens secouaient. Une petite astuce qui donne une scène assez étrange.
Bref, tout ça sans parler de la toute fin du film, où l'acteur nous offre un regard absolument démentiel accompagné d'un frisson qui nous
parcourt l'échine. Au final, j'ai été encore une fois ravi de découvrir un nouveau réalisateur et d'aller piocher dans des films plus vieux (avant 2011, je m'étais essentiellement arrêté aux
années 70). Je ne regrette pas et je vais bien évidemment continuer sur cette voie.
Psychose est un film culte, presque parfait que je
n'oublierai pas de si tôt. Du génie à l'état brut qui change de ce qu'on voit maintenant au ciné.
Pour finir, un génialissime gif de
If we don't,
remember me :