Si j'ai autant apprécié le film, c'est parce qu'il développe un tas de thèmes assez
insolites qui changent du cinéma habituel, et ça fait du bien. Le personnage principal est tellement différent des gens qu'on cotoie tous les jours qu'on s'y attache. Son seul but dans la vie est
de collectionner les miles parcourus en avion, son objectif étant d'atteindre les 10 millions de miles. Ainsi, il passe environ 300 jours par an à voyager et il fait ce qu'il lui plait. Son
boulot lui permet de financer ces voyages puisqu'il doit constamment faire le tour des USA pour se rendre dans des entreprises et licencier des gens. En effet, le travail de
Ryan consiste à virer des employés à la place des patrons qui sont trop lâches pour le faire eux-mêmes. Alors qu'il a l'habitude de voyager seul et de travailler dans la
solitude, il va devoir former une jeune femme et lui apprendre toutes les ficelles de son métier. Avoir du tact, trouver les formules adéquates afin de rassurer les pauvres licenciés sur leur
avenir, éviter qu'ils ne s'énervent, c'est le délicat travail de
Ryan et c'est tout un art. Ce personnage nous inspire la classe et l'admiration, car il
connait tous les petits trucs, toutes les techniques pour passer rapidement ses bagages à l'aéroport, ne jamais perdre de temps. Il connait tout par coeur et c'est marrant à voir. On a même droit
à des espèces de petits sketches lorsqu'il explique à
Natalie quelle file d'attente elle doit choisir en fonction des gens qui la composent (bébés, vieux,
arabes, asiatiques). Vraiment tordant.
Et ce mode de vie ne s'arrête pas là. Collectionneur compulsif de miles aériens,
Ryan Bingham est
également un homme qui fuit toute forme d'engagement et de contact humain. Il aime la solitude, il aime vivre seul. Misanthrope assumé, il hait le mariage et le matérialisme. C'est un mec cool
qui adore sa vie, qui adore les aéroports, les chambres d'hôtels et les voitures de location. On aurait pu croire que le charmant
Clooney
n'aurait pas collé à ce type de rôle mais c'est tout le contraire qui se produit. Il est à fond dedans et c'est passionnant. La philosophie de vie de
Ryan est
basée sur l'idée d'un
sac à dos. Prenez un sac à dos vide, mettez-le sur vos épaules et remplissez-le de toutes les choses que vous possédez. D'abord les petits choses, les baioles, puis
les objets plus imposants, les meubles, etc. Finissez par votre maison et essayez d'avancer : c'est impossible. Si on est trop dépend de toutes ces choses, elles vous ralentissent en vous
alourdissant. Autre question : si le sac à dos brûle, quels objets va-t-on sauver ?
Ryan développe un raisonnement similaire avec les personnes qu'il cotoie,
sa famille, ses amis : qui doit-on mettre dans son sac à dos ? Au final, la philosophie de vie de
Ryan est de garder son sac vide afin de vivre pleinement
comme on l'entend, sans contraintes. Et si j'ai autant apprécié le film et le sujet abordé, c'est parce que je me suis identifié à ce personnage de façon très violente, ça m'a personnellement
beaucoup parlé. Ce refus du mariage, de la vie de couple, cette peur d'avoir des attaches géographiques sont des sentiments que je partage à fond et j'ai été ravi de voir l'illustre
George Clooney interpréter un tel rôle, aussi profond.
Mais bien évidemment, la morale revient au galop et c'est là que je suis un peu déçu et mitigé. Notre personnage va rencontrer
quelqu'un et sa vision des choses va changer, ce qui peut paraître logique, jusque là pas problème. Le problème ce n'est pas l'évolution du personnage mais la façon dont il est jugé. Le film
laisse entendre que
Ryan n'est pas un adulte, que sa vie est absurde et qu'il doit évoluer. Or je ne suis pas d'accord avec cette idée. Personnellement, j'ai
vu ici un homme heureux, plus heureux que la moyenne des gens mariés, qui vit sa vie à plein temps et se complait dans une certaine solitude amoureuse. La conclusion du film est à mon goût
détestable. On voit passer des employés licenciés qui nous disent que l'amour est merveilleux, que la vie ne vaut le coup que si on la partage avec un conjoint, qu'il ne peut pas en être
autrement et j'ai trouvé ça terriblement décevant. Et finalement le personnage de
Clooney passe presque pour un blaireau qui n'a rien compris
à la vie. Le film veut qu'on ait pitié de cet homme, éternel solitaire, alors qu'au contraire j'ai été fasciné par sa vie et son mode de pensée, que je comprenais et enviais. Des tas de gens ont
un tel mode de vie et s'y complaisent, beaucoup plus épanouis que certains couples confinés dans un moule social quasiment obligatoire. Heureusement, le scénario n'est pas tombé dans le ridicule
de faire sombrer
Ryan dans un modèle de vie conformiste, ce qui sauve les meubles car ça aurait donné un "happy end" pour la majorité des gens, mais un
terrible pessimisme pour ma part.
C'est pour moi le seul défaut du film car pour le reste, je me suis marré (des jeux de mots sympas comme "
Do you want the can, sir ? - Excuse-me ? - Do you want the can, sir ? - The cancer ??", réplique qui justifie à elle seule l'intérêt
de voir les films en VO car ça a été maladroitement traduit par un misérable amalgame soda/sida), j'ai été captivé et j'ai trouvé tous les sujets abordés intéressants. Le casting est royal,
George Clooney en tête bien sûr mais également
Anna Kendrick que je croyais détester.
Un beau film sur le sédentarisme et les divergences d'opinions à propos de l'importance de trouver "l'homme/la femme de sa vie". En plus de ça on a une BO digne de ce nom, vraiment entraînante,
et des images somptueuses. Ca nous donne un film peu ordinaire, original et je ne comprends pas comment un spectateur peut s'ennuyer avec un tel pitch. A voir absolument, car il amène à la
réflexion sur le mode de vie idéal à pourchasser, ce qui change des comédies romantiques à deux balles. Bref, si on exclut la morale finale, c'est un gros coup de coeur.