Et voilà encore un film totalement culte à côté duquel j'étais passé pendant toutes ces années. Le casting aurait pourtant déjà dû
m'interpeler depuis longtemps. Michael Cimino livre en 1979 (même année que Apocalypse
Now) certainement l'un des meilleurs films jamais créés sur la guerre, en l'occurrence celle du Vietnam, et surtout sur les effets divers de cette guerre.
En trois parties,
Voyage au bout de l'Enfer change constamment de
ton et j'ai adoré suivre l'évolution des 3 ou 4 personnages principaux.

La première partie, qui montre nos personnages
avant la guerre, est certainement la partie que j'ai le moins aimé, même si elle reste excellente. J'ai beaucoup aimé la présentation de cette bande de potes mais j'ai trouvé le mariage trop
long. Cette phase du film est accompagnée de musiques joyeuses et festives qui montrent des jeunes hommes heureux, ce qui est nécessaire pour faire le contraste avec la suite. Je trouve juste
dommage, personnellement, que cette première partie se concentre sur un mariage, alors qu'il y avait certainement matière à montrer d'autres choses, comme par exemple l'excursion de chasse qu'ils
entreprennent avant de partir. J'ai vraiment adoré cette séquence et le parallèle fait avec la fin du film au niveau de l'évolution du personnage de Mike. Ce qui m'a le plus marqué dans cette
première partie est sans doute le moment où les gaillards se retrouvent dans un bar et semblent excités de partir à la guerre, et notamment la réplique de Nick "
j'espère qu'on ira là où ça canarde !!". Cette simple réplique donne rétrospectivement une dimension dramatique géniale au personnage de
Christopher Walken.

Le casting est vraiment de haute volée, à commencer par
Walken justement. Mais pourquoi cet acteur est-il si discret ? Son regard, son sourire, ses mimiques font de lui un acteur unique en son
genre et il mériterait d'avoir plus de premiers rôles.
De Niro est également parfait dans ce rôle, incarnant un personnage plus fort
psychologiquement, celui qui s'avère avoir le plus de courage et de sang-froid. Leur relation triangulaire avec le personnage de
Meryl Streep
est finalement accessoire dans le film, même si je commence à apprécier légèrement cette actrice depuis que j'ai vu
Sur la route de Madison.
John Savage est clairement celui qui m'a le moins marqué, je ne sais pas bien pourquoi car son personnage est intéressant. J'ai trouvé
John Cazale plus mémorable même s'il apparait moins, notamment la discussion assez "drôle" entre Stan et Mike, lorsqu'il lui demande de lui
prêter des chaussures pour la chasse et que celui-ci refuse. Cette scène est très révélatrice du caractère de Mike, arrêté sur ses idées et mentalement infaillible. Mais passons sur cette
première partie qui, bien qu'assez longue, est essentielle pour rendre la suite percutante.
La deuxième partie se passe au Vietnam et constitue déjà une terrible évolution chez les personnages. S'il y avait une
comparaison à faire avec un film comme
Apocalypse Now, je dirais que la réalisation laisse parfois à désirer. Ou tout du moins la
photographie qui s'avère souvent assez moyenne. Néanmoins, ça n'empêche pas à cette deuxième partie d'être une vraie merveille cinématographique. On suit toujours nos personnages sans jamais s'en
décoller (ça fait d'ailleurs plaisir que le scénario ne divague jamais ailleurs) et on les retrouve dans une atmosphère plus cruelle, sombre et dure. D'ailleurs, la musique a disparu afin de
créer une ambiance plus réaliste et plus crue, ce qui est un choix plus que génial. La scène à retenir est évidemment la scène de la roulette russe qui fait clairement partie des meilleures
scènes que j'ai jamais vu. Voir ces jeunes hommes perdre pratiquement la tête face à cette pratique cruelle et scandaleuse est pour le spectateur révoltant et déprimant. La dimension dramatique
de cette scène est hallucinante et elle est appuyée par le jeu grandiose de
Walken et
De
Niro. Le premier flippe complètement, tandis que le deuxième garde un sang-froid à toute épreuve.
Robert De Niro est
simplement extraordinaire dans cette scène, notamment lorsque son personnage est à deux doigts de perdre pied au coeur de cette situation désespérante. Les caractères des deux personnages sont
saisissants et on se prend évidemment de compassion pour chacun d'entre eux. Cette scène frissonnante est clairement l'une des merveilles du cinéma.
Le film prend un tournant à ce moment précis, puisque c'est l'ultime horreur de
la guerre qui va bousiller le moral et le mental de Nick et rendre la troisième partie déprimante à souhaits. D'ailleurs, le fait de ne quasiment jamais revoir Nick avant la fin contribue à la
puissance du dénouement magnifique, car le spectateur se demande constamment ce qu'il est advenu de lui. La musique fait son retour dans la troisième partie du film, elle est maintenant
dramatique et déprimante. Mike revient chez lui mais, même si rien n'a changé, sa vision a changé et il n'est plus le même. Transformé à jamais, il n'est plus le même homme et son comportement
lors de la seconde session de chasse en est témoin, tout comme la scène où, un peu détraqué, il fait comprendre à Stan qu'il ne prend plus les armes à la légère. Il part enfin à la recherche de
Nick, car le devenir de Nick est clairement le mystère que le spectateur souhaite voir résolu, et on assiste alors à la deuxième meilleure scène du film : la deuxième roulette russe.

Nick, perdu par sa fragilité, est pris dans un engrenage terrible, et
l'autodestruction de ce personnage est l'une des choses les plus tristes que j'ai pu voir sur un écran.
Christopher Walken est géant et son
dernier face à face avec
De Niro est un ultime monument de cinéma, à la fois tendu et puissant. Cette dernière scène entre les deux
personnages montre qu'avant d'être un film sur la guerre ou l'après-guerre,
Voyage au bout de l'enfer est une sublime histoire d'amitié,
détruite justement par les effets de la guerre. Mike n'a plus rien à perdre et fait tout pour que Nick reprennent ses esprits. Il compte une fois de plus sur la chance pour s'en sortir, mais on
ne peut pas gagner à tous les coups...
Je ne peux pas vraiment décrire à quel point j'étais bouleversé à la fin du film (et en ce sens que
trouve donc
Voyage au bout de l'enfer supérieur à
Apocalypse Now), et il est clair que
Michael Cimino nous a sorti un chef d'oeuvre brillant et puissant, à voir et revoir absolument.