J'ai rapidement évoqué Mommy au cours de mon précédent article et je savais que je finirais inéluctablement par écrire sur ce film. J'avais affirmé que je plaçais probablement Whiplash au-dessus, mais je pense que sur le coup je m'étais totalement emporté. Car Mommy m'a retourné comme rarement un film peut le faire, à chaque instant. J'ai beau me repasser le film en tête encore et encore, je ne lui trouve aucun défaut, aussi minime soit-il. A mon goût, Xavier Dolan a réalisé le film parfait et dès le premier visionnage, j'ai immédiatement placé ce chef d'oeuvre dans mon top 50. Une expérience indescriptible.
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Je n'ai jamais pris le temps d'écrire un article sur Mommy car j'ai du mal à trouver les mots pour décrire l'intensité et l'émotion qu'il a suscitées chez moi. Mais ce matin, je me suis replongé dans la BO du film et je n'ai pas eu le choix. C'est donc immergé dans les musiques du film que j'écris ces mots. Je m'arrête 10 secondes entre chaque phrase parce que les images du film me reviennent en tête et ne veulent pas me laisser faire autre chose. Lorsqu'un film parvient à me procurer un tel effet même 3 mois après le visionnage, je sais pourquoi le cinéma a toujours été l'une de mes passions les plus dévorantes.
Que dire sur Mommy ? Des images qui marquent durablement. Des musiques qui s'imprègnent dans la mémoire émotionnelle. Des acteurs si vrais et si impliqués qu'on ne veut pas quitter leurs personnages tant on s'y attache. Un cadrage d'une intelligence rare. Une réalisation remarquable et des couleurs qui captivent la rétine. Tout ça repose sur un scénario original qui nous prend constamment à contre-pied et nous emmène dans les tourments de la vie.
Mommy fait passer le spectateur par une large palette d'émotions et de sentiments, passant par la joie et le rire, la tristesse et la colère, tout autant que les personnages principaux. Tout est intensifié par la musique du film, extrêmement bien choisie et utilisée à chaque instant. Je ne sais pas comment se débrouille Xavier Dolan, mais il est capable de nous sortir des musiques bidons des années 90 et de leur donner un sens nouveau, de nous emporter profondément l'espace de 5 minutes sur des scènes musicales d'une grande puissance. Certaines séquences sont véritablement des envolées poétiques qui nous embarquent et nous clouent au siège. Je ne peux m'empêcher de repenser à ce passage sur la musique de Counting Crows "Colorblind", utilisée de manière extrêmement pertinente, comme si elle avait été composée spécialement pour ces images. Ou encore à ce passage sur "Wonderwall" de Oasis qui résume à lui seul tout le génie de Dolan grâce à une utilisation du cadre sacrément brillante. En d'autres termes, le réalisateur sait mettre des images sur une musique et vice-versa.
L'utilisation des ralentis n'est pas sans rappeler le style de Gus van Sant et offre des moments de pur cinéma bien comme je les aime. Les images parlent d'elles-mêmes et donnent un sens au film, à l'état d'esprit du personnage principal. C'est fascinant et hypnotisant. Ces séquences très posées viennent contrecarrer d'autres scènes plus violentes, plus dures, comme si le bonheur des personnages était constamment perturbé par de nombreux obstacles. Et c'est d'ailleurs ainsi que le film marque indiscutablement le spectateur : en alternant les moments de rêverie et les brusques retours à la réalité. Impossible de ne pas penser à la magistrale séquence accompagnée par la magnifique musique de Ludovico Einaudi, "Experience" qui agit comme un pivot dans le récit en entourant les deux passages les plus marquants du film. Cette inspiration issue de Six Feet Under m'a personnellement paralysé, comme bon nombre de spectateurs. Les images restent en tête plusieurs jours, d'autant que l'impact qu'a la scène sur l'évolution des personnages et la suite du film est d'une rare intelligence, encore une fois.
Outre tous ces passages d'une virtuosité dingue, il faut également retenir la qualité du jeu des acteurs, chacun investi dans la peau de son personnage jusqu'au bout. Des personnages fragiles et désemparés qui ne peuvent faire aucun choix, car ça impliquerait des événements désastreux. C'est le côté le plus cruel et le plus sombre du film : le manque de possibilités offertes à chacun des personnages. Tous les trois sont bloqués et enfermés dans une vie qu'ils subissent et tentent malgré tout de surmonter les difficultés ensemble.
Suzanne Clément est parfaite dans le rôle d'une femme traumatisée et complètement bloquée, qui entrevoit un espoir d'évolution via sa relation avec Steve et Diane. Anne Dorval, qui reprend le rôle de la mère quelques années après l'excellent J'ai tué ma mère du même réalisateur, est éblouissante et incarne son personnage avec justesse. Quant à Antoine-Olivier Pilon, que dire ? Lui aussi est possédé par son personnage et nous fait passer par toutes les émotions possibles. On rit avec lui, on pleure avec lui et on s'énerve avec lui. Difficile de ne pas s'attacher à Steve, d'autant que le réalisateur met tout en oeuvre pour qu'on se sente proche de lui et qu'on ressente avec lui ses états d'esprit. La scène du karaoké en est l'exemple parfait, la mise en scène permet quasiment de se mettre à la place du personnage et la montée en puissance de la scène, de la musique, ainsi que l'accélération du montage et le resserrement de l'image sur le visage de Steve nous donnent quasiment envie d'exploser en même temps que le personnage.
Pour résumer, Mommy est une merveille qui n'a d'autre choix que d'entrer dans le top 50 des films qui m'ont le plus marqué dans ma vie. Le film laisse une empreinte indélébile grâce à une émotion intense, des images puissantes et des personnages au caractère fort. C'est, pour moi, un exemple de film parfait.