Un peu plus rares sont pour moi maintenant les sorties ciné, et encore plus rares sont celles qui me marquent vraiment. Après The Revenant en début d'année qui m'avait fait pousser un "whouah" d'admiration, je me permets de conseiller aux quelques lecteurs encore existants de voir La Tortue Rouge s'il passe encore dans vos salles. Ce film d'animation de 1h20 raconte l'histoire d'un homme naufragé sur une île tropicale peuplée de divers animaux, et les différentes étapes de sa vie sur ce petit bout de terre. Une merveille visuelle, sonore et émotionnelle qui laissera bouche bée autant les enfants que les adultes.
Dès le début, le côté visuel du film m'a scotché. Le mélange entre le crayon numérique et le fusain (plus artisanal) pour représenter les personnages et les décors est époustouflant. La différence entre les deux techniques permet d'obtenir un effet de profondeur assez impressionnant lors des scènes où le personnage est seul entre ciel, mer et sable. Le fusain apporte un effet granuleux sur les décors, notamment le ciel et le sable qui apparaissent à l'écran de façon sublime. Certains scènes sous le ciel étoilé sont extrêmement contemplatives et il n'est pas difficile d'y perdre ses yeux émerveillés.
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Le travail sur les couleurs est également remarquable. J'ai été subjugué par les couchers de soleil et jeux de lumière notamment dans la forêt de bambous, ainsi que par les ombres des divers personnages à différentes périodes de la journée. La nuit, quant à elle en quasi noir et blanc, offre des scènes de grande beauté visuelle qui sont un régal sur grand écran.
Mais ce film n'est pas seulement un exploit visuel. C'est également un exploit sonore. Car les 80 minutes du film ne sont guidées par aucun dialogue. C'est à mon sens l'un des atouts majeurs de La Tortue Rouge, qui parvient à faire passer des émotions et des liens entre les différents personnages sans jamais les faire parler, ce qui donne lieu à des scènes d'une immense poésie. Les émotions du personnage principal sont parfois représentées à travers ses rêves, dont l'aspect onirique est amplifié par la musique de façon puissante.
La musique est ainsi essentielle, autant lorsqu'elle explose et nous bombarde d'émotion que lorsqu'elle s'efface pour laisser planer de grands moments de silence. Le travail de Laurent Perez del Mar, le compositeur, est fabuleux. Les musiques restent en tête longtemps après la projection (notamment le thème principal qui est récurrent dans le film) et cette façon d'accompagner les images m'a incontestablement fait penser au travail de Max Richter dans Valse avec Bachir. Des musiques poétiques, qui donnent des frissons et rendent les scènes inoubliables. Certains passages sont gravés dans ma tête depuis le visionnage du film hier après-midi, pour leur puissance émotionnelle marquante.
La patte Ghibli assez présente permet d'ailleurs d'intensifier l'aspect poétique des images et de l'histoire, à travers notamment des petits personnages secondaires typiquement Ghibliens (ça se dit ça ?). Les petits crabes qui suivent le personnage ont toutes les caractéristiques des films d'animation des studios Ghibli. Petits, mignons, ayant des réactions presque humaines, leurs petites pattes se déplacent sur le sable avec un humour très subtil. On repense tout de suites aux petites créatures se promenant dans l'herbe dans Mon Voisin Totoro. De même, la musique offre des envolées lyriques et poétiques dignes d'un film de Miyakazi, rendant les personnages attachants et émouvants.
Car en effet, au-delà de la musique, des images et de l'absence de dialogues, La Tortue Rouge est également un chef d'oeuvre d'émotion. Une émotion qui ne s'envole pas une fois le film terminé, loin de là. Je suis resté scotché devant le générique de fin, me laissant bercer par la musique encore présente, repassant dans mon esprit les scènes qui m'avaient marqué et presque fait pleurer. Car certains passages sont également subtilement tristes, notamment le début de l'histoire entre la Tortue Rouge et le personnage principal qui donne lieu à un rêve particulièrement émouvant.
Cette émotion est présente grâce à un scénario en béton. Le film ne s'arrête pas à la survie du personnage dans un milieu hostile, non. La survie du personnage est tout à fait secondaire. Le film va beaucoup plus loin en s'intéressant aux différentes étapes de la vie du personnage sur l'île, à travers les rencontres qu'il va y faire (notamment avec la fameuse Tortue Rouge). L'histoire est parfois très imagée avec un retournement de situation assez inattendu au centre du film. Je n'en dis pas plus à ce sujet, car il est bon de découvrir l'évolution de l'histoire sans rien savoir à l'avance. Pour cette raison, je ne m'étalerai pas sur le fond de l'histoire mais je peux quand même dire qu'elle est pleine de poésie et de subtilité.
Bref, si vous n'avez pas encore vu La Tortue Rouge, voyez-le de toute urgence. Vous en ressortirez la tête pleine d'étoiles et de rêveries.
Ce film entre par ailleurs dans le top 50 de mes chouchous, et haut la main.