Dead Man Talking : un film belge, luxembourgeois et français qui sort de l'ordinaire. Assez peu connu depuis sa sortie en 2012, le film mérite clairement le coup d'oeil, ne serait-ce que pour son cynisme et son scénario original. L'idée est simple. Un homme condamné à mort déjoue le système en tirant profit d'un vide juridique : la loi n'indiquant pas clairement la durée du temps de parole auquel il a droit lorsqu'on lui propose de faire une dernière déclaration, il va se mettre à raconter sa vie pour gagner du temps.
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Le film est un quasi huis clos qui m'a totalement embarqué dès les premières secondes avec son générique franchement inhabituel dans le cinéma francophone. Grâce à son idée de base vraiment intéressante et bien développée, Dead Man Talking est aussi passionnant que drôle et émouvant. Le film m'a fait passer par tout un panel d'émotions ; il m'a interrogé, il m'a fait rire, il m'a rendu triste. Doté d'un sacré cynisme et d'un humour parfois grinçant (l'histoire des dobermanns est sublime), il s'avère assez malin dans son propos en y mêlant histoires politiques et critique de la téléréalité et du voyeurisme. On pourrait y voir, par moments, une version francophone de La Ligne Verte mélangée à The Truman Show, même si le personnage principal s'avère totalement différent de celui proposé dans le film de Frank Darabont. Oui, je sais, ces deux analogies sont terriblement nulles, mais j'y ai pensé lors de mon visionnage, que voulez-vous que j'y fasse ? (dans La Ligne Verte, des gardiens de prison s'unissent pour soutenir un condamné, et dans The Truman Show, c'est le public qui s'en charge devant sa télévision).
Il est juste regrettable que certains passages soient parfois grotesques ou que certains personnages soient si caricaturaux qu'on a du mal à y croire à 100%. Le gouverneur, par exemple, est tout sauf crédible et il est dommage que le côté bouffon de ce personnage ait tant été mis en exergue, ce qui n'était clairement pas nécessaire pour dénoncer l'absurdité des manoeuvres politiques. C'est d'autant plus dommage que les autres personnages ont été finement travaillés afin de rendre certains moments terriblement émouvants. François Berléand, par exemple, incarne son personnage à merveille, toujours aussi sublime dans son rôle habituel ; le bougon a priori sans coeur qui finit par craquer sa carapace et se révéler. Le personnage de Denis Mpunga est également très touchant avec une interprétation très sensible. Le personnage principal, quant à lui, est développé juste assez pour qu'on en comprenne toutes les issues. Les quelques flashbacks sont en effet suffisants pour pouvoir comprendre la psychologie du condamné à mort et, même si on nous le présente clairement comme un homme instable et violent, il sait nous attendrir à de multiples reprises notamment lorsqu'il est question de son enfance.
Deux ou trois scènes (celle, notamment, où le gardien de prison pleure devant Virginie Efira, ou encore lorsque les spectateurs sortent leur briquet, mimant à peu de choses près le final de V pour Vendetta de manière risible) m'ont sorti du film quelques secondes par leur côté ridicule, mais cela ne m'a pas empêché de savourer les autres magnifiques séquences du film. Car de belles images, il y en a beaucoup. Je retiens notamment toute la séquence de "rêve" avec l'oiseau et sa cage, moment très émouvant appuyé par une musique incroyable. La fin du film, bien sûr, est un moment d'émotion intense avec un François Berléand au sommet de son art. J'aime comme ce type s'amuse avec le spectateur, jouant tout d'abord l'antipathie pour, 1h30 plus tard, finir dans la fragilité la plus totale.
Bref, malgré les quelques défauts (tons sépias trop appuyés parfois, acteurs pas toujours parfaits), le film m'a énormément touché et cette histoire m'a marqué d'une certaine manière. Que ce soit par la voix de Patrick Ridremont, la larme de Denis Mpunga, la malice de Christian Marin, la délicatesse de François Berléand ou encore le sourire de Pauline Burlet, Dead Man Talking a su m'émouvoir et me captiver. Clairement un film à voir au moins une fois, pour se rassurer et se dire que le cinéma francophone a encore de belles choses à offrir quand il fait l'effort de sortir de ses sentiers battus.