Etant prof de maths, ça faisait déjà un bout de temps que je voulais recenser une partie des plans ou scènes symétriques qu'on peut trouver dans les films. J'ai longtemps pensé que cette technique géométrique était essentiellement visible dans la filmographie de Stanley Kubrick ou Wes Anderson, mais après mes recherches je me suis rendu compte que la symétrie apparaissait absolument partout ou presque, et que je n'avais qu'à citer un film dans ma tête pour penser presque immédiatement à un plan symétrique qu'il contient. J'en suis même venu à me demander si la volonté, de la part d'un cinéaste, de ne montrer aucune image symétrique, n'était pas un choix encore plus rare dans le monde du cinéma.
La symétrie au cinéma m'a toujours fasciné car, au-delà d'être un principe mathématique bien précis, elle permet d'exprimer tout un tas de choses différentes à travers une image. L'utilisation la plus évidente de la symétrie est pour rendre l'objet de la scène imposant ou majestueux. C'est un procédé qu'on retrouve parfois dans les films historiques, lorsque le décor s'y prête tout particulièrement avec de grands châteaux ou des jardins à la française. Cette sensation du "bâtiment imposant" a également toute sa place dans le cinéma d'horreur, la symétrie permettant alors de donner aux lieux ou aux personnages un effet intimidant, pour impressionner le spectateur. Midsommar, d'Ari Aster, en est un exemple frappant car il utilise perpétuellement ce procédé pour créer même parfois un climat angoissant.
Lorsqu'on pense à la symétrie au cinéma, deux noms viennent immédiatement en tête. Stanley Kubrick, premièrement, usait de cette technique constamment. Impossible en effet de ne pas penser à Shining, où presque chaque plan semble basé sur cette volonté de rendre l'hôtel grandiose et impénétrable, mais également à toute sa filmographie puisque la symétrie chez Kubrick est également synonyme d'harmonie. 2001 l'odyssée de l'espace en est l'exemple parfait : la symétrie vient souligner l'harmonie du cosmos et celle-ci est d'autant plus palpable que les musiques la renforcent. On retrouve également cette idée de "personnages imposants ou terrifiants" avec Eyes Wide Shut, notamment lors de la scène de la secte, ou de bâtiments majestueux dans Barry Lyndon.
Le deuxième nom qu'on ne peut absolument pas oublier en évoquant la symétrie est Wes Anderson, pour qui ce procédé mathématique a semble-t-il toujours été une religion. Le point culminant de sa filmographie à ce propos reste sans doute The Grand Budapest Hotel qui joue constamment sur cet effet. Moonrise Kingdom est également très marqué par les symétries axiales, tout comme The Darjeeling Limited (assaisonné de travellings qui appuient encore plus le rendu visuel), La famille Tenenbaum et j'en passe. Chez Anderson cependant, cette symétrie a un autre but encore ; elle permet de renforcer le côté décalé des personnages. Chez Anderson, on a souvent affaire à des personnages hauts en couleur, extravagants, qui ne semblent pas a priori correspondre à l'idée de perfection et d'harmonie. Ces personnages parfois torturés, déjantés, semblent l'être encore davantage lorsqu'ils évoluent dans des décors bien droits, bien carrés, à l'opposé de leur personnalité. C'est aussi ce décalage qui permet aux films de Wes Anderson d'aller sur le terrain de la comédie avec douceur.
Bref, on pourrait parler de symétrie au cinéma longtemps, tant le 7e art regorge de cette technique. Elle apparaît chez Shyamalan, Aronofsky, Tarkovski, Burton, Nolan, Tarantino, dans le western et j'en passe, et elle n'a pas fini d'alimenter nos films. Et rien de mieux pour la mettre en valeur que cette série de trois vidéos recensant plus de 150 scènes de films où la symétrie intervient.