C'est avec impatience que j'attendais ce film, après en avoir vu quelques magnifiques images pendant plusieurs semaines. Verdict : Last Night in Soho est un thriller qui se laisse regarder, qui s'avère même parfois plaisant, mais il accumule trop de défauts pour en faire un film mémorable.
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L'idée de départ de Last Night in Soho est la suivante : une jeune femme passionnée de mode et fantasmant les années 60 va subitement avoir des visions de la vie d'une star montante de cette époque. Au fil de ses visions, elle va alors réaliser que l'époque qu'elle idolâtre est finalement moins éblouissante que ce qu'elle croyait. Surfant un peu sur la vague #metoo à l'instar du récent Promising Young Woman, le film est principalement une démystification d'un passé qui a tendance à faire rêver, à travers notamment le traitement réservé aux femmes dans le Londres des années 60. Si le propos est tout à fait intéressant, c'est à mon goût la construction du film qui pose problème. Je ne spoilerai pas la fin dans cet article, mais j'y ferai quand même référence pour exprimer mon ressenti.
Tout d'abord, soyons clairs : j'ai été forcé de voir le film en VF étant donné qu'aucun cinéma ne le diffusait en VOSTFR dans ma région. D'ailleurs, et c'est regrettable pour ce film qui n'en demeure pas moins un film de qualité, j'ai bien failli ne pas le voir du tout étant donné que dans un rayon de 50 km autour de chez moi, seul un cinéma le proposait à l'affiche. Clairement, Last Night in Soho ne méritait pas cette faible distribution dans les salles car il fourmille de bonnes idées et de séquences magistrales. Je vais commencer par ce qui me semblent être les points positifs de cette oeuvre d'Edgar Wright, puis je conclurai avec ce qui me pose souci.
Des points positifs, il y en a quand même un paquet. Indiscutablement, le visuel du film est impeccable. Que ce soit au niveau de la réalisation, du montage, de la mise en scène, des couleurs ou des atmosphères, Last Night in Soho est réussi de bout en bout, empruntant ci et là à de grands noms tels qu'Hitchcock ou Argento, et j'ai réellement apprécié l'univers proposé par le cinéaste avec ce film. Il y a une réelle identité visuelle, un sens de l'ambiance particulièrement réussi et savoureux. Les lumières, notamment, sont magnifiques. Côté mise en scène, Edgar Wright nous propose des séquences vraiment très belles, comme ce passage de danse dans lequel les deux personnages féminins principaux switchent à l'image sans aucun effet numérique. Un véritable ballet qui a dû être sacrément galère à tourner. J'ai beaucoup aimé les jeux de double, de miroirs, même si je me suis fait la réflexion que toutes ces choses avaient un goût de déjà-vu.
Le petit côté giallo / horreur est, quant à lui, bienvenu, avec des scènes qui, sans faire réellement peur, instaurent une tension suffisante pour rester parfois scotché à son siège. En ce sens, j'ai trouvé les interprétations de Thomasin McKenzie et Anya Taylor-Joy absolument parfaites, la première apportant une jolie douceur innocente, contrebalancée par le côté extraverti de la deuxième. Toutes les séquences d'horreur et de suspense sont à mon goût réussies et c'est certainement avec plaisir que je reverrai le film un jour pour les redécouvrir. Je trouve assez dommage, par contre, qu'Anya Taylor-Joy ait été autant mise en avant pour promouvoir le film alors qu'à mon avis, la performance de Thomasin McKenzie lui est bien supérieure.
Cependant, c'est là que s'arrêtent à mon goût les points forts du film. C'est déjà pas mal, me direz-vous, mais il y a quand même quelque chose qui vient gâcher cet ensemble. Cette chose m'est restée en tête après la séance et je trouve qu'elle laisse un arrière-goût désagréable. Il s'agit de la construction narrative de cette histoire, qui m'a parue malhonnête à certains moments.
Sans trop en dévoiler, je peux quand même dire que Last Night in Soho présente deux 'twists', et que je les trouve ratés tous les deux. C'est quand même con, alors que tout le film est parvenu à me tenir en haleine, à me fasciner, à m'enjouer profondément pendant 1h40, de tout détruire avec un dernier acte franchement faiblard. L'une des scènes fortes du film est un énorme mensonge et ça m'a terriblement déçu. Le film est malhonnête à partir du moment où il nous ment ouvertement pour faciliter un retournement final qui, par ailleurs, est totalement crétin. Je n'ai pas aimé cette fin, qui m'est restée en travers de la gorge pour ses énormes ficelles. Le film présente une succession d'événements pas vraiment cohérents, et je lui en veux pour ça. En plus de créer une incohérence de taille, j'ai trouvé que le dernier acte de Last Night in Soho jouait trop sur la corde raide, si bien qu'à un moment, on perd de vue tout le propos féministe du film avant de le récupérer in extremis histoire de se sauver la face.
D'une facilité déconcertante, ce dénouement va presque à l'encontre de ce que le film voulait faire passer, et je considère qu'il n'était absolument pas nécessaire de virer dans ce registre pour en faire un film marquant. Ca me chiffonne beaucoup, car le film était parti pour faire un sans-fautes, et que je ne comprends pas ce choix scénaristique un peu idiot. Ce n'est pas dramatique, hein, mais une fin plus posée aurait sans doute été plus pertinente. Qui plus est, je regrette finalement que Last Night in Soho échoue dans son entreprise d'évoquer la solidarité féminine alors que la plupart des personnages féminins de ce film sont : soit des racoleuses de bas-étage adeptes de bullying, soit - ce qui est plus grave puisqu'il s'agit du personnage d'Anya Taylor-Joy - des objets sexuels. Il n'y a guère que le personnage de Thomasin McKenzie (je le répète : exceptionnelle du début à la fin) pour relever un peu le niveau avec un jeu subtil.
Bref, j'ai beaucoup aimé Last Night in Soho, jusqu'à ce que son dénouement vienne détruire tout ce qu'il avait construit de manière passionnante. Restent donc une réalisation soignée voire virtuose, quelques plans bien pensés et une vision du passé plutôt intéressante. Mais il faut bien le dire aussi : on a l'impression d'avoir déjà vu ça, en mieux.