Une merveille. Coup de cœur immédiat pour ce film que je découvre bien trop tard. Sorti en 2019, je me souviens l'avoir raté en salles alors que j'avais pourtant eu quelques occasions de l'y découvrir. Après l'avoir enfin vu, je regrette amèrement de ne pas l'avoir expérimenté sur grand écran. The Lighthouse est magnifique visuellement, puissant et fou.
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Le scénario de The Lighthouse est librement inspiré d'un fait réel datant de 1810. Dans ce film se déroulant plutôt autour de 1890, deux gardiens de phare doivent cohabiter pendant 4 semaines, chacun devant supporter l'autre. L'un d'entre eux - vieux marin alcoolisé - est joué (admirablement) par Willem Dafoe, tandis que l'autre - jeune bûcheron en quête de changement - est interprété par Robert Pattinson.
Ce qui frappe d'emblée, c'est l'ambiance visuelle et sonore qui font de The Lighthouse un film unique en son genre. Dès les premières secondes, le cadre est posé. Premièrement, un noir et blanc absolument somptueux, avec un grain très particulier. Puis, un format inhabituel (presque carré), hérité des premiers films parlants, qui marquera l'atmosphère confinée de cette histoire. Ensuite, un fond sonore angoissant ponctué d'une corne de brume qui hantera à la fois les personnages et le spectateur. Enfin, trois personnages : deux gardiens de phare, et le phare lui-même.
Dès le début, donc, j'ai été fasciné par la beauté de l'image, par la puissance sonore et par le côté unique de certains cadres, certaines prises de vue. On a affaire, quoiqu'on en pense, à un véritable de film de cinéma avec des plans hallucinants et une ambiance succulente de vieux film expressionniste allemand. On pourrait, par moments, avoir l'impression de visionner un film datant d'un siècle. Rarement j'ai été autant subjugué dès les premières minutes d'un long-métrage. Puis, à mesure que le film avançait, j'ai découvert la richesse de The Lighthouse. Tout d'abord, son humour plutôt efficace grâce à la relation tantôt tendue, tantôt alcoolisée des deux personnages (le film ne donne pas cette impression, au premier abord, mais j'ai ri à gorge déployée de nombreuses fois). Puis, d'un autre côté, une atmosphère fantastique qui franchit parfois la limite de l'horrifique. En plus du malaise provoqué par certaines séquences et certains personnages (pour ne citer qu'elle : la sirène), le film impose une tension palpable au spectateur, soit à travers la relation explosive entre les deux gardiens, soit à travers la musique et la répétition constante du cor de brume menaçant.
Les deux comédiens sont exceptionnels. Willem Dafoe est un choix absolument génial pour ce rôle et on sent qu'il est parfaitement à l'aise dans ses bottes. Robert Pattinson, quant à lui, transpire le mal-être et donne exactement à son personnage la dimension dont il avait besoin. Après avoir vérifié, il semble que les scènes et dialogues joués par les acteurs n'ont jamais été improvisés, et pourtant, il serait facile de le croire tant les échanges entre les deux personnages sont crus et intenses. Il faut saluer notamment l'aisance de Willem Dafoe pour débiter quelques monologues avec une telle rage et une telle folie. Robert Pattinson, quant à lui, n'est pas en reste avec plusieurs coups d'éclat incroyables.
On ajoute à cela une photographie réellement sublime avec, notamment, une lumière captivante. J'ai été, tout du long, émerveillé par les jeux d'ombres et de lumières et par la beauté éblouissante de l'image. Le film est plastiquement parfait, à la fois hypnotisant et énigmatique. Il y a un sens de l'esthétisme qui m'a personnellement cloué à mon fauteuil. D'un point de vue purement visuel, c'est le film le plus beau que j'ai vu cette année, à n'en pas douter.
Et pour finir, bien sûr, The Lighthouse n'est pas seulement l'histoire de deux types qui s'emmerdent et deviennent fous face à l'isolement. Le film est sujet à de multiples interprétations, empruntant ci et là à différents mythes comme Prométhée ou Zeus, et personnages fantastiques comme les sirènes ou encore le kraken. En s'appuyant sur la mythologie et le surnaturel, le film aime perdre le spectateur afin qu'il ne sache plus que croire. Il y a par ailleurs une volonté de brouiller les pistes en faisant mentir les personnages à de nombreuses reprises, et la deuxième partie du film est un labyrinthe fascinant. Chaque spectateur peut tirer ses propres conclusions selon ce qu'il voit, ce qui en fait une œuvre magistralement aboutie. Il suffit d'arpenter le web pour voir le nombre de théories tentant d'expliquer le film, notamment la fin. La seule constante, c'est l'idée inévitable de l'aliénation des personnages (du personnage ?) et leur emprisonnement, dans le phare bien sûr, mais aussi mental. Ils sont comme pris au piège dans la spirale de leurs propres obsessions, leur propre folie, à l'image de cet escalier en colimaçon vertigineux que le personnage de Robert Pattinson ne cesse de gravir et de redescendre. Comme s'il cherchait constamment à atteindre la lumière, la vérité qui lui est interdite d'accès, chutant parfois de manière brutale dans les méandres de son cerveau.
Bref, The Lighthouse est magnifique et il entre bien évidemment dans mon top 300. Un chef d'oeuvre marquant et visuellement très impressionnant.