A l'occasion de son déménagement, un professeur (John Oldman) réunit ses collègues au coin du feu et leur révèle le lourd secret de son identité. Si vous n'avez encore jamais vu The Man From Earth, alors mon objectif ici est de vous inciter à le découvrir d'urgence (pas de spoil ici !). Suite à un commentaire sur le blog, j'ai eu l'envie soudaine de me replonger hier soir dans ce film quasiment inconnu que j'ai découvert en 2010 et qui a bouleversé ma cinéphilie. Presque 12 ans après mon premier visionnage, mon opinion dithyrambique subsiste-t-elle ? Ce film mérite-t-il objectivement sa place dans mon top 50 ?
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Et bien oui, indiscutablement. Ce film est fou. The Man From Earth est bien différent des autres films qui peuplent mon top 50, en ceci qu'il n'est pas un objet de cinéma à proprement parler. Sorti en 2007 sans que la France en ait entendu parler, c'est grâce au piratage que le film a commencé à se faire connaître et à atteindre l'aura qu'il possède aujourd'hui auprès des cinéphiles. Le réalisateur Richard Schenkman a lui-même remercié les instigateurs du téléchargement illégal de son film, qui ont contribué à ce qu'il ne tombe pas dans l'oubli le plus total. Ainsi, depuis 2011, il en existe enfin une version DVD.
The Man From Earth est un petit bijou encore très méconnu, ce genre de films qu'il est génial de ressortir à des amis avec une petite phrase du style "Hey, t'as déjà vu The Man From Earth ?" et une pointe de malice, lorsqu'on sait pertinemment à quel point il peut être déclencheur d'une véritable fascination. Juste après l'avoir découvert, je suis tombé dans une spirale infernale : la recherche constante du film inconnu, celui qui sort de nulle part et vous percute de plein fouet. Je voulais retrouver cette sensation. Cependant, des années plus tard, je dois bien admettre qu'aucun film "inconnu" n'a eu autant d'effet sur moi que The Man From Earth. Mon amour pour ce film est démesuré.
Ce film est l'exécution parfaite de ce qu'on pourrait appeler "une discussion palpitante autour d'un feu". C'est un huis clos de 83 minutes durant lesquelles les personnages sont confrontés à un discours séduisant : celui d'un homme qui prétend avoir traversé toutes les périodes de l'Histoire sans jamais vieillir. Durant 1h23, ils vont débattre, poser des questions, et un jeu va se mettre rapidement en place : chacun va vouloir le piéger pour mettre fin à la supercherie tandis que John va devoir argumenter et justifier chacune de ses paroles.
A l'origine, le film est en fait un scénario de Jerome Bixby, auteur de science-fiction décédé en 1998 et qui a terminé le développement de cette histoire sur son lit de mort. Le scénario fut ensuite récupéré par Richard Schenkman, qui réalisa ce film en 8 jours de tournage seulement, avec un budget plutôt réduit de 200 000$. Ce scénario est remarquable en ce sens qu'il tient parfaitement la route et ne souffre jamais d'une seule baisse de crédibilité. Il est tout à fait plausible, pour commencer, que cette bande de professeurs se prennent au jeu si vite, de manière ludique. Certes, il est probable que chacun d'entre nous réagirait de la même façon face à John Oldman, avec cette envie de poser 1000 questions, mais j'ai trouvé intéressante l'idée que le personnage se confronte à tous types d'experts ; archéologue, biologiste, psychologue, historien, etc. Deuxièmement, toute cette discussion est crédible sur les faits, sur les arguments, et sur les réactions de chaque personnage. Le spectateur va inévitablement prendre un malin plaisir à écouter John raconter son vécu, expliquer des choses qui nous paraissent, au fur et à mesure, de plus en plus cohérentes. Il y a réellement un côté philosophico-ludique à suivre The Man From Earth, dans cette ambiance de feu de camp savoureuse.
Tout est fait pour qu'on puisse s'identifier à au moins un personnage ; du blagueur au spécialiste, de la jeune ouverte d'esprit à la croyante outrée, et le spectateur devient lui-même un personnage à part entière puisque, sans évidemment intégrer la discussion, il y participe passivement à travers ses réflexions et ses questionnements. Qui plus est, si le film aurait pu durer 4 heures sur ce même principe, The Man From Earth ne fait jamais l'erreur d'aller trop loin et se concentre sur quelques faits qui, au final, nous suffisent amplement. Nous animent à la fois une part de réponses satisfaisantes et une part de mystère terriblement attirante. Même si la BO n'est pas musicalement transcendante ni inoubliable, elle souligne à la perfection les quelques révélations importantes du film, les moments-clés, transformant parfois une simple discussion en véritable instant fabuleux et prestigieux.
Ce film est donc un tour de force incroyable puisqu'il parvient à tenir son principe complètement dingue jusqu'au bout, sans jamais chercher à l'étirer ni à le forcer. Après la conclusion (que je ne spoilerai pas, mais que je trouve formidable car elle apporte une incroyable dimension émotionnelle), notre esprit fourmille de questions et de réflexions en tous genres. Et s'il avait raison ?
Dans la foulée, je pense me faire prochainement The Man From Earth : Holocene, qui est bien parti pour me décevoir car je ne comprends pas cette idée de proposer une suite à ce chef d'oeuvre. Il se suffit à lui-même et ne nécessite pas plus de développement.
Par contre, je viens juste d'apprendre (par un hasard total) qu'une pièce de théâtre inspirée de l'histoire de The Man From Earth va sortir à Paris, avec des représentations tous les lundis soirs à 20h à partir du 15 novembre. Ce timing est absolument incroyable et il est clair que je vais m'empresser de prendre des places pour ma soeur et moi (elle est également passionnée par ce film). J'en ferai un retour sur le blog et, si jamais ça vous intéresse, voici le lien pour réserver des places :
Voilà donc tout ce que j'avais à redire sur ce film, en espérant avoir titillé à nouveau l'envie de certains lecteurs ou lectrices pour découvrir ce huis clos sensationnel.