Le projet de Richard Schenkman est affreux, et je pense qu'il ne faut pas le laisser faire. Je reviendrai sur ce point en fin d'article.
J'avais laissé de côté le visionnage de ce film, persuadé d'avance qu'il serait inutile et décevant, et ça n'a pas loupé. Pire que ça, cette suite est l'ébauche de la destruction du matériau de base et je n'apprécie pas du tout ce que le réalisateur Richard Schenkman a prévu de faire de cette histoire. Je préviens d'avance : cet article spoilera le film, mais je vous encourage cependant à le lire même sans avoir vu Holocene, ça vous permettra de comprendre en quelques lignes pourquoi vous ne devez pas le voir, et pourquoi il aurait mieux valu se cantonner au premier film (exceptionnel).
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Si vous décidez de regarder The Man From Earth : Holocene, sachez tout d'abord que vous n'apprendrez rien de plus sur le personnage de John Oldman présenté dans le premier volet. L'idée est la suivante : 10 ans après son départ, notre héros est maintenant professeur dans une autre université sous le nom de John Young. Arthur Jenkins (souvenez-vous : le motard du premier volet) a sorti un livre qui raconte la discussion palpitante du premier film, et le monde entier se moque de lui. C'est alors qu'un groupe d'étudiants du professeur Young va tomber sur ce livre et comprendre que leur enseignant est en fait un homme de 14000 ans.
Le film ne fait alors que suivre ce groupe de 4 jeunes cherchant à tout prix à démasquer John. Autant vous dire que cette histoire n'a véritablement aucun intérêt. Pendant plus d'une heure, les étudiants vont chercher à apprendre la vérité sur ce mystérieux personnage, en contactant Art Jenkins et en fouillant dans le passé de John. Le problème, c'est qu'il n'y a strictement aucun enjeu pour le spectateur, étant donné que nous connaissons déjà l'histoire relatée dans le premier film et que nous nous contentons alors simplement de regarder ces jeunes gens enquêter sur un truc qu'on connait déjà.
Le film nous présente, de plus, des personnages caricaturaux au possible, et c'est insupportable. Déjà, je passe sur le fait qu'Art Jenkins, qui nous était présenté dans le premier film comme un motard cool, est devenu une sorte de pépère qui cueille ses tomates et choisit de faire un trajet de 10 heures dans une vieille bagnole pourrie. Nous avons un défilé de stéréotypes affreusement gênants car, côté féminin, on nous présente d'une part une jeune femme asiatique studieuse, sérieuse et respectueuse et d'autre part, une blonde écervelée qui ne sait faire marcher que son décolleté. Nous sommes dans le niveau zéro du cliché, avec des personnages sans aucune profondeur. Le paroxysme sera atteint lorsque la deuxième cherchera à embrasser de force son professeur, simplement pour amener un rebondissement scénaristique très attendu depuis une heure (à savoir que John va se méfier et vouloir fuir sa vie une nouvelle fois).
Et puis, nous avons le stéréotype grossier du fervent catholique pratiquant, blanc et propre sur lui, petit fils à maman sans aucun recul, qui croit à la Bible de A à Z, et deviendra le bourreau de son prophète. Une sorte d'illuminé crétin qui va être le centre de la dernière partie du film lors de laquelle il enferme et attache John sur une chaise pour lui poser des questions. Si on met de côté la psychologie débile de ce personnage et ses réactions sans cohérence, j'ai pensé à ce moment que le film allait devenir intéressant. J'ai cru que le gamin allait poser des questions cruciales à John, que le spectateur allait pouvoir creuser davantage le fond de cette histoire magique et fascinante. J'ai pensé, bêtement, que nous en saurions plus et que l'ambiance du premier film allait revenir. Que nenni ! A part un bref moment d'une durée de 10 secondes, lors duquel John explique avoir pris la parole du haut d'une colline il y a 2000 ans (chose qu'on savait déjà !), tout cet échange est d'une inutilité frustrante. Ridicule.
Et puis, il y a le dénouement. Et là, je dois dire que je suis fâché par ce que Richard Schenkman tente de faire de ce projet. Nous avons, certes, le plaisir de retrouver John Billingsley (dans le rôle de Harry, le professeur au chapeau), mais ce plaisir sera de courte durée lorsqu'apparaîtra la scène post-générique, à côté de laquelle j'ai bien failli passer. Sans cette scène après le générique, j'aurais pensé que le film était raté, inutile et à jeter aux oubliettes. Mais cette scène change complètement la donne. Nous y voyons un inspecteur de police qui se présente chez Art Jenkins et qui lui pose des questions. Selon lui, John serait un serial killer de 14000 ans. Fin.
Suite à ça, nous avons un message de Richard Schenkman qui nous annonce que son projet est de décliner cette histoire en série de films, ou en série tout court, et que nous devons donc absolument faire des dons à sa cause afin d'amorcer ce projet. Et là, je dis NON. Ne donnez rien à ce cinéaste qui, à mon avis, est en train de détruire l'idée géniale du premier film. Ce mec n'a rien su faire d'autre que récupérer un scénario magnifique (celui de Jerome Bixby, le véritable auteur de The Man From Earth décédé en 1998) et le mettre à l'écran en 2007. Devant le succès grandissant de son film, il a pondu Holocene, cette suite navrante et dénuée de tout mystère, qui montre clairement que Schenkman n'a aucun talent pour l'écriture. Et maintenant, fort du seul succès qu'il ait eu dans sa vie, Schenkman veut étirer encore ce superbe personnage en le faisant passer pour un tueur en série et en créant une espèce de thriller bas de gamme ? Il faut empêcher ce massacre et je vous le demande donc sincèrement : téléchargez The Man From Earth Holocene si vous souhaitez perdre 1h40, il n'y a pas de souci. Mais ne faites pas de dons. Revoyez 10 fois, 20 fois, 100 fois The Man From Earth, car c'est un chef d'oeuvre. Mais préservons ce personnage et laissons-lui son mystère frissonnant.