Et voilà. Encore une fois, je vais me retrouver hanté par un film. Je ne sais même pas comment expliquer les émotions par lesquelles je suis passé, mais le film a fait vibrer absolument toutes mes cordes sensibles. J'aime quand le cinéma me prend en otage émotionnel et j'aimerai toujours ça, je pense. J'espère.
Avant de regarder A mouthful of air (Le souffle coupé, en français), j'en avais simplement vu quelques images et lu un vague synopsis. Inexplicablement, j'ai fantasmé ce film sur ces maigres éléments, imaginant quelque chose d'à la fois puissant, poignant, musicalement entêtant. Je me prenais à rêver de voir surgir mon idéal cinématographique, comme c'est arrivé de temps à autres depuis que j'ai créé ce blog. Et bon sang, j'ai eu tout ce que je désirais. Clairement, c'est pour des films comme A Mouthful of air que j'ai créé Vol au-dessus du 7e art en 2010.
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Par où commencer ? Par le commencement. J'ai tout d'abord été surpris par le message ouvrant le film ; un avertissement pour les personnes sensibles à la dépression ou à l'anxiété. Je n'avais jamais vu ça, et je dois admettre qu'il parait ici tout indiqué. A mouthful of air nous fait plonger dans la triste dépression d'une jeune femme, maladie qui se transformera en dépression post-partum après la naissance de son premier enfant. Déjà comme pitch, ça se pose là. Mais si on y ajoute les thèmes bien mélancoliques et plombants de la nostalgie, des idées suicidaires et des traumatismes de l'enfance, on obtient un objet cinématographique tout à fait saisissant et osé.
L'introduction du film
Le souffle coupé, c'est effectivement ce que j'ai ressenti pendant une grande partie du film, à commencer par l'introduction qui restera pour moi l'une des séquences les plus puissantes et marquantes de ma vie de cinéphile. Je serais curieux de savoir si le film m'aurait fait autant d'effet si je l'avais visionné avant d'avoir moi-même des enfants, mais le résultat est là : l'ouverture du film va me hanter des semaines. Elle me hante déjà, d'ailleurs, puisque ça fait environ 25 minutes que je passe en boucle la chanson "I don't want to live on the moon" issue de Sesame Street.
Cette séquence, que je ne révèlerai pas ici, m'a plombé le moral d'une manière indescriptible. Le thème de la dépression post-partum est si rare et si tabou que ce film me semble important voire nécessaire. Je n'ai pas les mots. En plus de nous présenter le personnage principal sans équivoque, avec une certaine tendresse, la réalisatrice Amy Koppelman nous montre d'emblée que le film va être frontal, sans tourner autour du pot, et j'ai apprécié ce parti pris. Comme pour nous dire qu'il faut cesser avec les non-dits et affronter enfin ce fléau, qui toucherait environ une femme sur 5.
Passées ces dix premières minutes, le titre du film apparaît et s'ensuit alors un véritable labyrinthe mental pour le personnage principal, pour ceux qui gravitent autour d'elle, mais également pour le spectateur qui ne va pas cesser de scruter le moindre indice pouvant indiquer une descente aux enfers du personnage principal. Grâce à des gros plans parfois éprouvants, Amy Koppelman nous place au plus proche de son personnage, si bien qu'on finit par épouser ses émotions et par entrevoir sa détresse.
Amanda Seyfried
Une découverte de taille pour ma part. L'actrice est magnétique et offre une interprétation complètement dingue. Avant de voir A mouthful of air, je la connaissais seulement de nom et de visage (ce dernier semblant étrangement emprunté à Michelle Pfeiffer) et j'ai toujours cru qu'elle était une comédienne assez quelconque.
J'ai beau éplucher sa filmographie, c'est pourtant bien la première fois que je la vois à l’œuvre et je dois dire que ma mâchoire est tombée par terre devant sa performance. Son regard éteint m'a bouleversé pendant 1h30. C'est bien simple : mon attention était focalisée en permanence sur ses grands yeux, guettant la moindre étincelle d'espoir au milieu de ce vide dépressif. Je n'avais pas vu ça depuis Martha Marcy May Marlene en 2012.
La nostalgie
"Oh non, Sebmagic, tu ne t'es pas ENCORE fait avoir par la nostalgie, quand même ?".
Mais non, mais non...
Bon. Si, BORDEL.
C'est presque lassant, mais lorsqu'un film utilise ce grain si particulier réservé aux souvenirs, quelque chose se produit en moi. J'ai toujours été sensible à ça, de manière presque démesurée. La nostalgie me procure des émotions telles que, si je ne fais pas attention, je peux m'y perdre pendant des heures. Et oui, au cas où vous vous poseriez cette question, je continue en ce moment de passer en boucle "I don't want to live on the moon". Ça fait une bonne heure maintenant... Environ 30 itérations. Cette chanson, au-delà de me faire penser à la séquence d'introduction, me ramène indiscutablement en enfance. Et c'est également ce que fait le personnage principal pendant une bonne partie du film, hantée par un souvenir, un traumatisme dont on ne saisit pas toujours l'origine. Nous avons donc droit à des images du passé, avec ce grain si caractéristique des cassettes VHS. Et ça me bouleverse, voilà.
Ce genre de séquences n'a rien d'innovant, on les retrouve régulièrement dans le cinéma (Into the wild en est un exemple, ou très récemment avec Spencer). Into the wild a longtemps été ce que je considérais comme "mon film préféré", et Spencer fut mon top 1 de 2021. Coïncidence ? Je ne pense pas. A mouthful of air sera-t-il mon top 1 de 2022 ? Rien n'est impossible.
Les livres pour enfants
La fermeture du film, comme l'ouverture, se fera par une animation représentant le personnage de Pinky, amie imaginaire de Julie qu'elle fait vivre à travers ses histoires pour enfants. De ce fait, A mouthful of air insiste sur ce point précis (et c'est déchirant) : Julie n'a aucun souci avec les enfants, bien au contraire. A aucun moment, on ne doute de l'amour profond qu'elle porte à son fils et sa fille, ce qui est un message particulièrement percutant. Car, en soi, ce n'est pas la naissance de l'enfant qui déclenche la dépression (d'ailleurs, elle affirme avoir cette maladie depuis l'enfance). Il s'agit plutôt d'une série de causes indépendantes comme le manque de confiance personnelle, l'incapacité à se trouver des qualités, la détestation de soi-même, qui se retrouvent décuplées lorsque la responsabilité de devoir éduquer un enfant se dessine. Le film est un pied de nez à toutes ces personnes qui pensent y voir de l'égocentrisme exacerbé, représentées dans le film par le personnage de Lucy (la belle-soeur). Par ailleurs, j'ai été totalement ravi de voir Jennifer Carpenter dans un autre rôle, puisque je ne la connaissais que dans le rôle de Debra dans Dexter.
Bref, A mouthful of air est une merveille. Il intègre indiscutablement mon top 300 et je vous encourage à le découvrir. Voyez-le, vraiment, car il ne semble pas attirer les foules depuis sa sortie.