Cette fin de semaine sera placée sous le signe de Natalie Portman. Je m'étais promis, en 2022, de rattraper mon retard sur les derniers films de l'actrice et, après Jane Got a Gun, je poursuis donc mon cycle avec Annihilation. Le pitch est plutôt intrigant : un groupe constitué de 5 femmes pénètre dans une étrange zone apparue soudainement le long des côtes. En traversant le sublime rideau - sorte d'inquiétant plasma coloré - elles savent qu'elles ont très peu de chances de revenir.
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Annihilation fait partie de ces films qui ont tant de difficultés à trouver des distributeurs qu'ils finissent par ne pas sortir en salles, cantonnés alors à des sorties VOD. Résultat, il n'a eu droit à une sortie cinéma que dans trois pays et, évidemment, pas en France. C'est plutôt triste, car Annihilation est une proposition de science-fiction complètement originale qui méritait une projection sur grand écran, mais que voulez-vous, c'est maintenant monnaie courante... C'est donc contraint de le découvrir sur Netflix et armé de mes écouteurs que je suis enfin entré dans l'univers de Annihilation hier soir, fasciné d'avance par les tonalités colorées et fleuries qui s'étaient dévoilées à travers les différentes affiches du film.
Cet article, et notamment les derniers paragraphes, révèlent quelques éléments-clés du film et je vous conseille de le découvrir avant de lire ce qui suit.
La première chose qui vient à l'esprit lorsqu'on souhaite parler de ce film de 2018, c'est son approche visuelle radicalement différente des habituels films de SF. Rien que pour ça, Annihilation vaut le détour. Pendant deux heures, l'atmosphère éblouissante accapare toute l'attention, avec des couleurs en arc-en-ciel qui inondent l'image ; soit par les décors, soit par la lumière elle-même. On a l'impression de voir le film comme à travers une mare d'essence scintillant au soleil, c'est assez sublime et unique en son genre.
Ce choix est d'autant plus pertinent qu'il sert à merveille le postulat du film selon lequel cette zone étrange serait une zone "réfractée", de la même façon que la lumière blanche se réfracte à travers un prisme en physique, faisant apparaître toutes les couleurs du spectre lumineux. Tout ceci est appelé le "miroitement" dans l'intrigue, terme particulièrement bien choisi lorsqu'on essaie de décoder les différents messages du film. Il faut noter, quand même, que j'ai été relativement déçu par la qualité des effets spéciaux qui font parfois très cheap. On sent que les moyens étaient limités, c'est flagrant notamment lorsque les scènes font intervenir des créatures comme un crocodile, des cerfs, ou un ours. Le budget du film est probablement passé en grande partie dans les effets visuels et colorés (et non dans les animaux et les bâtiments), mais aussi dans les décors naturels. Ceux-ci sont d'une grande beauté, puisque l'essentiel de l'histoire se déroule en forêt et que les plantes offrent des architectures extrêmement bien pensées. Elles prennent diverses formes, inquiétantes comme magnifiques, et certaines illusions sont bluffantes d'originalité.
Mais Annihilation n'est pas qu'une proposition visuelle, c'est aussi un vent de fraîcheur dans le monde du cinéma d'horreur et de "guerre" puisque le casting est presque exclusivement féminin. En effet, les rôles masculins sont très limités et se contentent de servir de toile de fond, tandis que le cœur de l'intrigue se concentre sur ces cinq femmes scientifiques / militaires. Ca fait un bien fou, je trouve, de ne pas avoir à subir la testostérone habituellement dominante dans ce genre de productions. Annihilation tient cette ligne jusqu'au bout et j'ai été agréablement surpris par cette volonté de proposer des protagonistes entièrement féminins, sans jamais insister sur ce propos dans le film.
L'ensemble du casting est étonnant (Natalie Portman en tête, bien sûr, mais ai-je besoin de le dire ?). J'ai juste été déçu de voir Jennifer Jason Leigh dans l'un des rôles principaux car j'ai beaucoup de mal à supporter cette actrice. C'est sûrement une question de sensibilité, mais j'ai horreur des américains (et notamment américaines) qui usent et abusent du vocal fry, cette affreuse mode qui consiste à adopter une voix artificiellement éraillée sur les fins de phrases. Si vous ne voyez pas de quoi je parle, vous pouvez lire ce petit article qui vous fera comprendre de quoi il s'agit. Bref, je fais partie des gens qui détestent cette façon de parler, ça a le don de m'irriter au plus haut point. Résultat, j'ai eu envie de voir Jennifer Jason Leigh disparaître de l'histoire dès le début. Ce fut donc un supplice, d'autant que je n'apprécie pas particulièrement son jeu d'actrice, qui semble toujours forcé.
Néanmoins, si on oublie ce genre de détails qui m'ont parfois carrément sorti du film, Annihilation s'appuie sur des personnages féminins passionnants, toutes affectés par des événements de leur vie qui les ont poussées à franchir le mur de plasma. Même si je ne pense pas avoir compris le message du film qui propose très clairement une double lecture sur l'introspection, la découverte de soi, la division cellulaire et la dépression (entre autres !), j'ai adoré cette possibilité de chercher dans ce film diverses interprétations. Selon moi (sans en dire trop), il manque quand même quelques clés importantes pour résoudre le mystère, mais l'ensemble du scénario est convaincant malgré tout.
Je ne vais pas spoiler mais je vais cependant mentionner deux scènes qui m'ont profondément marqué dans Annihilation. Le film m'a davantage fasciné pour son côté horrifique que son côté SF (que je trouve plus bancal), et l'une des séquences est à mon goût un incroyable tour de force du cinéma d'horreur. Il s'agit de la scène de l'ours (je reste vague), qui m'a complètement tétanisé. Malgré, une fois encore, la qualité très moyenne des effets spéciaux, j'ai rarement été aussi tendu en regardant une scène et, rien que de repenser à ces "Help ! Help !", j'en ai les poils qui se hérissent. Le silence et le traitement des ombres sont particulièrement bien gérés dans cette scène de haute tension.
L'autre scène est, évidemment, toute la partie dans le phare. J'ai adoré ce climax complètement dingue, tout d'abord avec le passage hypnotique en mode "2001 l'odyssée de l'espace", visuellement passionnant et envoûtant, puis avec le phénomène miroir du personnage principal et l'affrontement qui s'ensuit, très déroutant. Ce final m'a énormément intrigué, je ne pouvais plus décoller mes yeux de l'écran, tant la scène transpire l'inventivité pure. Le spectateur est sur ses gardes, impatient de savoir comment la séquence va se terminer. C'est assez fou.
Bref, Annihilation n'est pas dépourvu de défauts (les effets spéciaux sont parfois dégueulasses, le scénario semble trop bancal et la toute dernière scène du film nous laisse un goût d'inachevé), mais c'est une œuvre fascinante et bourrée d'idées lumineuses. Il vaut clairement le coup, ne serait-ce que pour son univers original.