Men n'est pas un film d'horreur. C'est une horreur de film. Dans cet article, je ne vais pas mâcher mes mots à l'égard de ce film qui est l'un des plus affligeants que j'ai pu voir ces dernières années en terme d'intention. Surfant sur une tendance ultra-féministe (et ne prenant donc aucun vrai risque), Men s'avère abject alors que le propos de base était passionnant. Vous êtes prévenus : il y aura donc du spoiler en pagaille.
Indice spoiler :
Ayant plutôt apprécié les deux précédents films d'Alex Garland (Ex Machina et Annihilation), qui offraient des idées visuelles et scénaristiques intéressantes, je suis tombé des nues en découvrant Men et son ignoble lourdeur.
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Je suis assez surpris de lire ici et là que des spectateurs n'ont pas compris la fin du film ni son propos global, tant le film dégueule à chaque minute son incessant message : les hommes sont le mal. Ce film passe 1h40 à nous marteler à quel point tous les hommes sont des merdes. Je comprends l'idée de cette radicalité, mais c'est fait avec le niveau zéro de la subtilité. Je comprends que le sujet soit essentiel, en cette période où les femmes parviennent enfin à libérer leur parole contre les ordures qui peuplent leurs rues et leurs vies, mais ça va beaucoup trop loin dans la démonstration triviale (ou disons, pas assez loin dans la nuance et l'émotion), et je vais tenter d'expliquer pourquoi Men n'est clairement pas un film à conseiller.
Premièrement, on va écarter de suite une théorie qui aurait pu rendre le film intéressant : celle selon laquelle tout ne se passe que dans la tête du personnage principal, une femme traumatisée par son passé et sa culpabilité. Ce point de vue aurait pu faire sens, puisque tous les hommes présents dans le film semblent se montrer agressifs envers elle ; ils auraient pu alors représenter (encore une fois, de manière extrêmement peu subtile) la souffrance d'Harper qui, hantée par son compagnon violent, verrait en chaque homme cet homme-là. Malheureusement, ce n'est clairement pas le propos du film et on le réalise à la toute fin, lorsque son amie Riley arrive au château pour lui porter secours. Riley, en arrivant, voit la voiture explosée et la traînée de sang jusque dans la maison. Riley sert de repère au spectateur pour qu'il comprenne où se situe la vérité, et il est clair que cette dernière séquence montre qu'Harper n'a pas cauchemardé toute seule. Si la fin du film est un bon gros délire, en tout cas, il est évident que Riley partage aussi ce délire. La conclusion est donc visiblement la suivante : tous les hommes sont des merdes, et en plus, toutes les femmes en sont témoin. Le problème n'est pas tant cette radicalité extrême que l'absence d'efficacité de celle-ci. En général, un propos est plus percutant lorsqu'il est nuancé et non asséné à coups de marteau.
De plus, si tout n'avait été que du point de vue de Harper, alors les hommes qui la malmènent pendant toute la durée du film devraient logiquement prendre l'apparence de James (son mari décédé), et non celle d'un autre homme. Là encore, Garland fait d'ailleurs preuve d'un manque de subtilité affligeante en attribuant au même comédien tous les rôles masculins du film : Rory Kinnear joue à la fois le propriétaire de la maison, le vicaire, l'homme nu dégueulasse, mais aussi un enfant faussement flippant. Je passe sur les soucis visuels que ça crée, notamment l'effet du visage incrusté sur celui du gosse. Le rendu est hideux.
Après 1h20 de bouillie indigeste à base d'effets ridicules à la mode "Ari Aster" (symétrie des plans, scènes grotesques et laides sur fond de musique mystique avec des hommes à poil), Men attaque déjà son dénouement d'une laideur abyssale. Inutile de signaler que, pendant 1h20, il ne s'est absolument rien passé et que le scénario est complètement vide de sens et de matière. Même les quelques effets spéciaux - incroyablement laids - viennent étayer un propos qu'on avait déjà vu venir depuis plus d'une heure. Prenons en exemple la scène où "l'homme" se fait planter un couteau dans le bras, puis décide de tirer dessus et de le sectionner en deux morceaux. Cette scène ne sert qu'à deux choses. La première : à vouloir montrer du dégueulasse pour choquer gratuitement car, clairement, la scène est gratuite. Seulement, les effets spéciaux sont laids et on n'y croit pas une seconde, je crois même avoir ri aux éclats devant la débilité du truc. Le deuxième intérêt de cette scène est de faire le parallèle entre cet agresseur et le compagnon de l'héroïne, puisque celui-ci est mort empalé par le bras. Le spectateur un tant soi peu attentif aura compris immédiatement le rapport entre les deux, mais Alex Garland nous prend visiblement pour des cons puisqu'il vient expliciter ceci avec des mots à la fin du film, par l'intermédiaire du mari qui revient d'entre les morts. Déjà, il était totalement inutile de nous montrer que l'homme qui poursuit Harper représente James, puisque nous l'avions compris quasiment depuis le début. Mais alors, en rajouter une couche supplémentaire pour nous l'expliquer ?? Ma parole, Garland nous prend pour des demeurés et manque vraiment de subtilité. Que c'est lourd, bon sang, que c'est lourd !
Après ces 1h20 vient alors le magnifique climax du film avec cet homme qui accouche d'un autre homme, lui-même accouchant d'un autre homme, et ainsi de suite pour finir par James. Je ne vais même pas parler du côté "body-horror" dégueulasse du film. Si certains sont ébranlés ou terrorisés par ce genre de trucs, tant mieux pour eux. Personnellement, ça ne m'a même pas fait lever un sourcil. Ce qui m'a fait lever un sourcil, en revanche, c'est le message trivial et crétin qu'implique cette séquence. En gros, Garland nous explique ici que non seulement l'homme est mauvais, grossier et répugnant, mais qu'en plus cette maladie du "mâle toxique" est contagieuse et héréditaire. Outre l'aspect outrancier de la scène (bite et anus en gros plan, avec des effets spéciaux d'une qualité à gerber), le fait de faire accoucher le premier homme par l'anus est un message explicite : "L'homme est une merde. Et regardez, cette merde est elle-même en train de chier un autre homme, qui est alors une sous-merde." Ensuite, les hommes accouchent par le dos, par la bouche, montrant à quel point, chez l'homme, le mal dégueule par tous les pores de la peau. Encore une fois, il y avait moyen de traiter du thème de l'héritage masculin et de l'éducation des générations futures de manière bien plus subtile, sans sombrer dans ce pessimisme malsain qui, en plus d'être trivialement crétin, divise les gens au lieu de chercher à les réunir.
Je vais m'arrêter là car j'ai assez perdu de temps. Je commence à en avoir ras-le-bol de ces films laids et grossiers qui se veulent subversifs mais prennent les spectateurs pour des cons avec leurs messages profondément triviaux. Si vous ne l'avez pas encore vu, passez votre chemin... La défense des droits des femmes et du féminisme méritent tellement mieux que cette affreuse diarrhée.
Je tiens à remercier Neltharyon pour son commentaire ci-dessous qui m'a fait réfléchir et m'a fait prendre conscience que j'avais été un peu trop loin dans certains de mes propos. Cet article a donc subi quelques (très) légers changements afin de mieux coller à ce que je pense globalement du film. Notamment, j'ai exagéré en disant que ce film était la pire merde que j'ai vue de ma vie, c'était une réaction à chaud, assez épidermique. Je demeure persuadé que ce film manque profondément de relief, de nuance et de subtilité pour faire passer son message. Il y a beaucoup de complaisance et de laideur gratuite, ce qui fait de Men un film à mon goût raté : il ne fait qu'enfoncer des portes ouvertes avec un bélier.