Je sors du cinéma près de chez moi, où était diffusée ce soir la version restaurée de Mon nom est Personne. N'ayant pas vu le film depuis plus de 10 ans, c'est avec un grand ravissement que j'ai pu le découvrir sur grand écran avec des yeux émerveillés, dans une qualité magnifique qui a dû demander un travail monstre. Je n'ai qu'un regret : ne pas avoir pu profiter du film dans sa version originale puisque le cinéma qui le diffusait (l'excellent cinéma Garenne de Vannes) l'a proposé en version doublée en italien, chose que j'ai trouvée très étrange dès le début du film. Comme je ne l'avais pas vu depuis longtemps (et qu'il me semble l'avoir vu en VF la première fois), j'ai douté pendant toute la durée du film : Sergio Leone et Tonino Valerii avaient-il pensé ce film en italien ? Je n'ai malheureusement pas réussi à trouver la réponse, mais toujours est-il que cette version doublée avait un côté frustrant. Je n'ai toujours connu que les versions française et anglaise.
Critique analyse explication du film
Néanmoins, j'ai passé un moment exquis et, au vu des discussions qui ont eu lieu dans la salle pendant le ciné-club après le film, je ne suis pas le seul à avoir pris mon pied. La restauration est sublime ; quel plaisir de voir ce film sur grand écran ! L'image, bien sûr, est une merveille (c'est du travail d'orfèvre), mais le son était, lui aussi, particulièrement grandiose en salle. Les musiques d'Ennio Morricone donnent vraiment à Mon nom est Personne toute son âme et toute sa drôlerie à la fois.
Revoir le film aujourd'hui m'a également permis de saisir des petits détails à côté desquels j'étais passé il y a quelques années, lorsque je découvrais à peine le genre du western, notamment en terme d'hommage. Je pense qu'en 2011, j'étais totalement passé à côté du propos sur la filiation, dont Mon nom est Personne parle de manière évidente. Le choix des acteurs n'est évidemment pas anodin, puisque nous avons affaire à deux figures du western aux yeux d'un bleu perçant, et pas n'importe lesquelles !
D'un côté, Henry Fonda représente le western classique de la fin des années 60, celui de Leone, d'Il était une fois dans l'Ouest. Un western sérieux et royal. Et c'est un Terence Hill facétieux qui lui donne la réplique, lui qui représente plutôt le western de la farce, notamment à travers son célèbre duo avec Bud Spencer qui attirait les foules au début des années 70 (On l'appelle Trinita).
Mon nom est Personne rend ainsi hommage au western de façon généreuse à travers les fameux duels, les gros plans et les regards, mais propose surtout un message sur la fin d'une époque. Ici, on laisse entendre à demi-mot que le western américain à l'ancienne est mort, symbolisé par cette Horde Sauvage que Jack va faire exploser, hommage au film de Sam Peckinpah dont le nom est lui-même inscrit sur une tombe dans Mon nom est Personne. En 1973, époque de la sortie du film, le western spaghetti façon Leone est lui-même sur le déclin et les comédies façon Terence Hill & Bud Spencer prennent le dessus. Il n'est donc pas étonnant que Mon nom est Personne raconte la fin d'un "vieux" western (Henry Fonda), qu'un western plus jeune (Terence Hill) aide à faire disparaître avec panache. On pourrait presque, à la fin du film, voir la lettre écrite par Jack Beauregard comme un discours de Sergio Leone qui cèderait sa place à un nouveau type de western, après avoir lui-même pris la place d'autres grands noms du western comme John Ford. Comme une passation de pouvoir un brin nostalgique.
Quoiqu'il en soit, il est clair que le cinéma de Sergio Leone fera partie des livres d'histoire - de l'Histoire du cinéma tout du moins - et que Mon nom est Personne est une parfaite façon de faire un pont entre ces deux types de western, en réunissant Hill et Fonda et en mélangeant les registres (humour et épique), tout en rendant hommage au genre du western en général. Je suis ravi d'avoir pu le découvrir sur grand écran à l'occasion du 50e anniversaire du film, j'ai ri de bon cœur des farces de Terence Hill tout en m'émerveillant des scènes grandioses comme celle de la Horde, particulièrement épique. Un petit chef d'œuvre qui donne le sourire.