Allez, c'est parti pour le visionnage des 16 films que vous m'avez proposés dans le cadre de mon petit concours "Gagne un DVD". On commence par Cashback, film réalisé par Sean Ellis en 2006 et proposé par Sleeper, que je remercie pour cette découverte !
A l'origine, Cashback est un court-métrage de 18 minutes de Sean Ellis datant de 2004. Celui-ci raconte l'ennui d'un employé de supermarché qui a la capacité de mettre littéralement le temps en pause, ce qui lui permet de consacrer de longs moments à observer... la beauté de ce qui l'entoure. Il en profite principalement pour dénuder les clientes du supermarché, certes, mais avec un regard d'artiste et sans sexualisation, comme on prend un nu pour modèle dans le cadre d'un projet artistique. Le court-métrage est très efficace, à la fois léger, osé, empreint d'une certaine sérénité conférée par Ben (le protagoniste principal), mais aussi très vivant et amusant grâce aux différents personnages secondaires qui l'accompagnent. Ce court-métrage, que vous pouvez regarder ici sur Dailymotion, a remporté de nombreux prix et a même été nommé aux Oscars en 2004.
Fort de ce petit succès, Sean Ellis décide en 2006 d'adapter son film en long-métrage et, chose assez étonnante, il le reprend tel quel, sans y toucher, pour broder autour. Partant donc du même matériau, il développe les personnages, en ajoute d'autres, étoffe l'intrigue avec un contexte extérieur. Cashback passe alors de 18 à 102 minutes, mais il passe surtout d'un petit film sympa sur la vie des employés d'un supermarché à une œuvre sensible qui touche bien plus de thèmes. L'auteur enrichit son récit en présentant Ben comme un insomniaque suite à une rupture amoureuse, il lui apporte également plus de profondeur en ajoutant quelques flashbacks de son enfance. Cashback devient alors un film sur la reconstruction suite à un échec sentimental. Le personnage d'Emilia Fox prend une place prépondérante, et c'est un excellent choix puisque l'actrice brille d'un bout à l'autre.
J'ai beaucoup aimé Cashback, bien plus que le court-métrage qui est amusant mais ne fait qu'effleurer les choses. Sean Ellis réussit un pari pourtant pas évident : celui de ne pas faire passer le personnage de Ben pour un voyeur pervers, même si on en frôle parfois la limite. A vrai dire, je suis assez surpris que toute la popularité de Cashback tienne dans la séquence du "supermarché en pause", allant jusqu'à mettre cette scène à l'affiche. Cela donne une sensation désagréable : que le film ait basé son marketing là-dessus, de manière assez provocatrice pour attirer du spectateur, alors que le réalisateur semble vouloir défendre tout l'inverse.
Cette scène est centrale dans le court-métrage certes, mais pas dans le long, bien au contraire... La mettre autant en avant est assez curieux, même si elle a grandement participé à l'existence du film. Malgré tout, d'autres affiches existent et illustrent à mon goût bien mieux ce que le film de Sean Ellis représente, comme cette version finlandaise qui met l'accent sur l'histoire de rupture / redécouverte amoureuse :
Mais trêve de blabla : que vaut Cashback ?
J'ai été assez saisi par la longue introduction du film qui regorge de moments poétiques et d'idées visuelles magnifiques. En quelques minutes, Sean Ellis parvient à nous plonger dans l'état psychologique de ce personnage sensible et paumé, dont la vie a basculé depuis sa rupture. Il y a notamment un plan qui m'a marqué, lorsque Ben est au téléphone avec son ex-petite amie et qu'il comprend que l'histoire est définitivement close. On a alors droit à une transition techniquement parfaite : le personnage recule tout doucement (montrant alors son renfermement brutal et son incompréhension) pour atterrir allongé dans son lit. Le tout en un seul plan. J'ignore comment cette scène a été tournée, mais j'ai dû mettre le film en pause pour la repasser tant elle m'a fasciné.
Il ne s'agit d'ailleurs pas de la seule transition inventive du film. Notamment, deux séquences de flashback interviennent sans coupure entre le présent et le passé : la caméra opère un travelling vers la gauche et l'image change de ton, de couleur, de décor, nous faisant comprendre instantanément qu'on a changé de lieu et d'époque. J'ai adoré ces petites touches d'originalité qui font de Cashback un objet cinématographique plutôt recherché.
D'autres scènes poétiques nous font ressentir ce que Ben éprouve à travers quelques séquences issues de l'imaginaire du personnage principal, ou quelques situations provenant de son passé, qui viennent hanter le personnage à plusieurs reprises. Il est important de constater que le choix de l'acteur principal était primordial pour que son personnage soit entièrement crédible et attachant. Il ne devait faire aucun doute que Ben n'était pas un pervers, ou disons un potentiel homme déviant qui abuserait de son don de "geler le temps" pour profiter des femmes qu'il rencontre. Lorsque j'ai vu apparaître Sean Biggerstaff au début du film, j'ai reconnu l'acteur grâce à son rôle d'Olivier Dubois dans Harry Potter. J'ai immédiatement souri car j'ai su qu'il allait me faire passer un bon moment : le jeune Gryffondor m'avait marqué par sa douceur et sa bienveillance. Ici, le même effet se produit : le personnage inspire confiance, empathie, sympathie. J'ai adoré le suivre dans ses rencontres et ses péripéties.
En dehors de ces moments de poésie et de cette histoire de page à tourner, qui donnent au film un ton anormalement sérieux et mélancolique pour une comédie romantique, Cashback est également parsemé de personnages secondaires qui apportent beaucoup de vie et de bonnes ondes. Entre les deux collègues potaches et bas du front qui font mouche, ou encore le fan de kung-fu plutôt délirant et le patron joué par un Stuart Goodwin parfait, on n'a pas le temps de s'ennuyer. J'ai souvent ri, même si certains gags sont relativement téléphonés, d'autres font véritablement leur petit effet (le match de foot est une séquence très réussie).
Attention, le paragraphe ci-dessous dévoile la fin du film. Vous pouvez passer au suivant.
Niveau romance, par contre, Cashback offre assez peu de surprises malheureusement. On retrouve tous les coups classiques de la comédie romantique : les petits quiproquos, le sauvetage in extremis, etc. J'ai un gros bémol pour la manière avec laquelle Ben reconquiert Sharon à la fin. C'est l'une des faiblesses des romances au cinéma : la femme voit généralement comme romantique et génial quelque chose qui pourrait, si on réfléchit bien, être pris comme assez étrange voire creepy. Je ne suis pas sûr que, lorsque vous vous sentez trahie par quelqu'un, vous soyez particulièrement émue aux larmes en voyant que cette personne vous a dessinée 50 fois et exposée dans une galerie d'art sans votre accord. M'enfin, c'est du cinéma et ça passe !
Par contre, le film vise juste avec d'autres séquences magnifiques, comme celle de la neige qui m'a ébloui visuellement. Ce sont ces petites séquences poétiques qui font de Cashback un film passionnant et déroutant, là où on aurait pu s'attendre à un projet un peu superficiel sur le papier.
Pour conclure, je remercie Sleeper pour cette proposition sans laquelle je serais probablement passé à côté de Cashback. J'avais déjà vu passer l'affiche plusieurs fois et le film ne m'avait jamais attiré. C'est une erreur car il réserve de multiples surprises et s'avère bien différent de ce qu'on pourrait s'attendre à voir. Je vous le recommande ; j'ai passé un excellent moment et ce concours commence avec un film plutôt solide.