A l'occasion d'un "Focus" sur la filmographie de Robert Siodmak proposé par ianov, un membre de Vodkaster, j'ai découvert l'existence de ce réalisateur à la carrière impressionnante. C'est intrigué que j'ai lancé Deux mains, la nuit (ou The Spiral Staircase en version originale), un thriller de 80 minutes sorti en 1946, dans lequel un mystérieux tueur en série s'attaque à des femmes possédant une infirmité dans une petite ville de campagne. Je vous conseille de vous pencher sur ce film méconnu, très maîtrisé formellement et riche en idées visuelles.
Critique analyse explication du film
On y suit Helen, une jeune femme qui a sombré dans le mutisme depuis un événement traumatique et qui s'occupe d'une femme malade et alitée dans une immense demeure où défilent de nombreux personnages. Deux mains, la nuit est parcouru de séquences emplies de mystère avec, notamment, une présence du tueur dès le début du film puisqu'on assiste directement à l'un de ses meurtres. Tapi dans l'ombre, celui-ci nous est montré partiellement pendant les 15 premières minutes : tantôt un œil, tantôt une jambe, une chaussure, une silhouette dans la nuit. Son identité sera tenue secrète jusqu'à la toute fin et, à la manière d'un roman d'Agatha Christie, le spectateur sera libre de soupçonner l'un des multiples personnages qui peuplent l'intrigue.
L'originalité du scénario tient dans le critère de sélection des victimes, puisque le tueur ne semble s'en prendre qu'à des personnes souffrant d'un handicap, faisant du personnage principal une cible évidente. Le film est donc centré autour de Dorothy McGuire, absolument parfaite d'un bout à l'autre pour montrer les séquelles émotionnelles de son personnage. Ce n'est d'ailleurs pas la seule que le film étudie d'un point de vue psychologique puisque (sans trop spoiler) l'identité du coupable trouve également sa source de ce côté, l'idée est d'ailleurs très bien amenée. L'ensemble du casting est irréprochable ; le film tourné en quasi huis clos dans cette grande demeure aux allures de labyrinthe est particulièrement vivant. Ceci est dû aux interprétations d'acteurs comme George Brent (très classe), Elsa Lanchester (assez drôle), Gordon Oliver (malicieux) ou, surtout, Ethel Barrymore dans un rôle plus sec.
Malgré tout, la force de Deux mains la nuit tient davantage dans sa réalisation que dans son scénario. Le spectateur en prend plein la rétine avec un noir et blanc somptueux, au service des éclairages et des ombres. Certains séquences à la bougie, notamment dans la cave, sont de véritables merveilles. La caméra est également prodigieuse, elle se déplace parfois astucieusement, permettant de dévoiler en un seul plan la présence d'un personnage caché.
Enfin, le film est parcouru de jolies trouvailles visuelles assez marquantes, comme le gros plan sur l'œil du meurtrier, dans lequel se reflète son désir d'éliminer sa victime. Le procédé est ingénieux pour l'époque : ce zoom sur un œil exorbité ou encore cette façon de s'attarder sur les gants du tueur sont de véritables prémices du giallo 20 ans avant l'heure. Je retiendrai également cette image tout à fait marquante de la vision d'Helen, sans bouche, dans le regard du meurtrier. Original et visuellement épatant.
Bref, jetez-vous sur ce film qui, du haut de ses 80 ans bientôt, est visuellement époustouflant et offre des relations fascinantes entre les différents personnages. Il y règne une ambiance savoureuse qui m'a permis de ne jamais m'ennuyer.